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80.000 candidats pris au piège

L’affaire des 30.0000 emplois à bord de bateaux de croisière à l’étranger commence à faire des vagues. Après un long silence sur ce dossier, il est vrai, très embarrassant, une fringale de communication s’est emparée subitement de l’ANAPEC (agence nationale marocaine de promotion de l’emploi et des compétences). Le directeur de cette structure, Chafik Rached, a opéré ce qui ressemble à un débarquement en catastrophe sur les colonnes de l’Opinion du mercredi 22 mai. Un entretien étalé sur une pleine page destinée à convaincre les sceptiques de l’authenticité de l’opération en question. Or, l’interviewé était de bout en bout sur la défensive. En un mot, il faisait de la peine dans son numéro de contorsionniste qui ramait, ramait…
M. Rached a commencé par expliquer tout le mal que son établissement s’est donné pour “pouvoir insérer les personnes difficilement insérables“. “ Nos conseillers (…) ne se sont pas contentés de recevoir les offres à l’intérieur de leurs agences, ils ont pris leur bâton de pèlerin et circulé à travers les provinces et les territoires dont ils sont responsables pour procéder aux inscriptions“. C’est ce qu’on appelle faire du terrain. Il ajoute : “ Nous avons au fait couvert tout le Maroc à travers les agences et nous avons aussi essayé de couvrir les zones rurales. (…) Cela nous fait plaisir de prendre un candidat éloigné des grandes villes et issu d’une région où il y a de très faibles opportunités d’emploi“. Comme dirait l’autre, cette équipée ainsi décrite dans “le Maroc d’en bas“ a l’allure d’une marche verte…pour l’emploi. Un tel sens du sacrifice suscite l’admiration. Si le 1/10ème de cette énergie colossale était dépensé à vérifier au préalable le bien-fondé de cette mirobolante offre d’emplois, l’ANAPEC aurait certainement découvert le coup de l’agence émiratie “ Al Najat Shipping“ au Kenya et par conséquent appris à temps qu’il s’agissait d’une gigantesque coquille vide. Perçue comme une aubaine inespérée et traitée comme tel, l’ANAPEC en a oublié d’être prudente. Elle plonge sans gilet de sauvetage… Même le ministre de l’Emploi Abbas El Fassi, en ces temps d’électoralisme débridé, s’est mouillé dans cette affaire plus que de mesure en cautionnant l’opération devant les députés.
Résultat : plusieurs milliers de Marocains, qui languissent dans le chômage, furent embarqués à leur corps défendant dans cette aventure titanesque en déboursant 900 Dhs chacun au titre de la visite médicale pour un plongeon dans le vide. Des bateaux de croisière et de plaisance. Tout dans cette affaire dégage en fait un air pas plaisant du tout. À défaut de pouvoir valider avec certitude ces opportunités de recrutement, on est au moins assuré avec Rached Chafik que le boulot, à supposer qu’il existe, ne serait pas de tout repos car les “ tâches nécessitent un labeur relativement difficile et quotidien“. Sans préciser pour autant la nature de ces tâches. Voilà qui alimente le doute au lieu de le dissiper. À ce que l’on sache, il fait bon travailler et vivre sur des navires de croisière.
On apprend aussi de la bouche de M. Rached que les jeunes marocains sont en bonne santé puisque le “pourcentage d’échec pour les candidats à l’issue de la visite médicale est de 1,6%“. On est vraiment dérouté. Tout est à l’avenant dans les explications du responsable de l’ANAPEC. Comment transporter 30.000 personnes ? Nous avons, dit-il, contacté l’ONCF, l’ONDA et la RAM pour les “acheminer par trains chartérisés de leurs localités de résidence à l’aéroport le plus proche“. On dirait une opération de déportation en masse vers l’on ne sait où !
Contacté par nos soins, un cadre important du ministère du Transport et de la Marine marchande nous a assuré que son département n’a jamais été approché par l’ANAPEC ni par le bureau émirati pour le volet du transport ni pour l’aspect maritime. “ Toute recrue marocaine sur des pavillons à l’étranger, explique notre interlocuteur, a obligatoirement besoin d’un livret maritime. Pour cela, le candidat doit suivre une formation en matière de sauvetage en mer conformément au droit maritime international“. Le même responsable ajoute : “ À ma connaissance, il n’existe pas actuellement un manque à gagner de 30.000 emplois sur des navires à l’international“.
Chafik Rached a dû monter à l’abordage malgré lui en s’expliquant laborieusement dans le quotidien francophone du parti de Abbas El Fassi. Celui-ci ne peut pas faire l’économie d’un retour au Parlement pour éclairer l’opinion publique sur ce naufrage. Bravo capitaine Rachad, si tu as encore des tuyaux de ce genre en haute mer, ne nous en prive pas.

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