La distribution de la richesse nationale, et son développement, s’est faite jusqu’ici en dehors d’un dialogue social vrai, parfois dans l’improvisation, et souvent sous l’emprise des institutions financières internationales. La paresse, pour ne pas dire carrément la stérilité, des représentants des corps professionnels, syndicats, collectivités locales, et autres Chambres d’industrie et de commerce, à la Chambre des conseillers, en a souvent rajouté à la complexité du problème. Des voix s’étaient élevées pour appeler à la «dissolution» même de la deuxième Chambre, en revendiquant son remplacement par le Conseil économique et social (CES). Faut-il, maintenant, faire le deuil de cette deuxième Chambre et, du coup, du cortège de pertes (en termes de temps et de finances) qu’elle engendre pour les contribuables ? Ni fleurs, ni couronnes.
Le Conseil économique et social ne substituera pas à la Chambre des conseillers. «A priori, ce sont deux assemblées ayant des natures et des finalités différentes même si, pour une raison ou une autre, on peut y trouver des représentants issus des mêmes catégories socioprofessionnelles», explique Mohamed Soual, économiste et membre du bureau politique du Parti du progrès et du socialisme (voir l’entretien ci-contre). Après tout, l’existence, ou la coexistence des deux institutions, ne pose aucun problème. «Dans tous les pays qui disposent d’un Conseil économique et social, il y a également une Chambre haute (Sénat), c’est-à-dire l’équivalent de notre Chambre des conseillers», ajoute M. Soual.
Les attributions du Conseil économique et social ont d’ailleurs été clairement définies par SM le Roi Mohammed VI, dans son neuvième discours du Trône. Annonçant la mise sur pied, assez rapidement, du CES, le Souverain a précisé: «Notre confiance dans les instances et autres institutions politiques doit être confortée par notre confiance dans les acteurs économiques et sociaux. Nous entendons que ces acteurs soient des parties prenantes institutionnelles, dans la proposition des politiques économiques et sociales et dans la mise en place d’une instance permanente pour un dialogue social responsable». Le Souverain a donné un contenu fort à l’article 93 de la Constitution, adoptée en 1996. Cet article dispose qu’il est institué un Conseil économique et social. L’article 94 stipule que le Conseil peut être consulté par le gouvernement, par la Chambre des représentants et par la Chambre des conseillers sur toutes les questions à caractère économique ou social. «Le Conseil économique et social assurera une triple mission. Conseiller le gouvernement et participer à l’élaboration de la politique économique et sociale du pays. Favoriser à travers sa composition le dialogue entre les catégories socioprofessionnelles dont les positions, différentes à l’origine, se rapprochent dans l’élaboration de propositions d’intérêt général. Et, enfin, contribuer à l’information des assemblées politiques», explique M. Soual.
La mise sur pied du CES, appelé à être une force de propositions, est tombée à point nommé, dans un pays en pleine transformation, qui vit au rythme des grands chantiers structurants. Ce Conseil servira de boussole pour une économie en développement permanent ; il vient donner une opportunité historique aux acteurs économiques et sociaux, pour apporter plus substantiellement leur pierre à l’édifice du Maroc d’aujourd’hui, qui avance à pas sûrs vers la modernité, la démocratie, et le progrès. Ce sera un baromètre à l’aune duquel se mesureront la valeur, la pertinence et l’impact de toute réforme profonde en matière économique et sociale. Le Conseil peut s’acquitter de cette mission convenablement, d’autant plus que son statut le met à l’abri de toutes considérations partisanes, ou plus encore politiciennes. Le Conseil compte à ses côtés un autre atout majeur, à savoir le recul et la distance nécessaires à la réflexion, qui est au cœur de sa mission. «Aujourd’hui, le gouvernement et les assemblées politiques travaillent sous la pression du temps, des contraintes externes et internes, et ne disposent pas toujours du recul nécessaire pour préparer le futur qui lui-même est soumis aux aléas des mutations socio-économiques rapides et changeantes. Un des outils qui peut agir comme instrument d’éclairage et d’aiguillon est précisément le Conseil économique et social », estime M. Soual. Et quant à l’éclairage et l’expertise, il n’y a pas de problème à ce niveau. Le Maroc, fort heureusement, regorge de compétences. Le CES leur offrira une belle occasion de prendre la parole et d’exprimer leurs vocations.
CES : L’expérience française
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