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Abattoirs : Un dossier saignant

Les équipements de pointe sont destinés en principe à faciliter le travail et à gagner du temps. Au Maroc, ce n’est apparemment pas le cas, la technologie moderne est dénoncée souvent comme étant un facteur de blocage. Ce constat paradoxal se vérifie actuellement avec les nouveaux abattoirs de Casablanca, qui sont entrés en fonction vendredi 17 mai après plusieurs années de retard. Tous les prétextes possibles et imaginables furent invoqués par les chevillards et autres entrepreneurs d’abattage pour les stigmatiser et justifier a posteriori le maintien en activité les anciens abattoirs. On voudrait maintenir le statu quo qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Qui soutient que les chaînes d’abattage sont lentes dans le traitement des bêtes, qui explique que les taxes sont plus excessives que d’habitude.
Le mot est lâché. L’habitude. Ce sont les anciens locaux. Les arguments avancés par les réfractaires ne résistent pas à la réalité. Les anciens abattoirs, en plus qu’ils sont situés dans une zone à forte densité humaine, sont insalubres et vétustes. Les règles d’hygiène s’en ressentent forcément. D’où la nécessité de moderniser l’outil et de le transférer dans la périphérie de la ville, à savoir la préfecture de Ben-Msik-Sidi Othmane en les donnant en gestion à un opérateur étranger, l’espagnol Vizcaino Gypsia Bejar.En fait, dès le début les professionnels sont allés à reculons vers cette innovation qui mérite normalement d’être saluée. Mais ce serait sans compter avec le poids des inerties et la force des lobbies de la viande. Mis devant le fait accompli avec l’ouverture au forceps de la nouvelle structure, ils se sont empressés de les saboter en excipant d’arguments peu valables. Les conséquences de cette fronde furent immédiates : baisse du tonnage de la viande du fait du boycott des chevillards et la flambée des prix à la consommation. Le marché est sérieusement perturbé.
Devant cette situation inquiétante, un responsable à la communauté urbaine de Casablanca a eu ce cri de coeur: “Ce n’est pas une question de matériel ou de charges comme ils disent. C’est une affaire de mentalités. Il faut condamner les nouveaux abattoirs pour revenir aux anciens“, martèle-t-il. En cela, ils adoptent le fameux dicton : c’est dans les vieilles marmites qu’on fait de la bonne cuisine. Pas seulement.
Derrière ce qui ressemble à une entreprise de sabotage se cache en fait d’autres enjeux. Ils sont “vachement“ financiers. Les nouveaux abattoirs, gérés par des professionnels espagnols, en plus des mécanismes modernes qu’ils installent, injectent de la transparence dans les rouages. Bon an mal an, la communauté urbaine récoltait, dans les anciens abattoirs, pas plus de 30 millions de Dhs au titre de la taxe d’abattage. Ce qui est très peu par rapport au nombre de bêtes sacrifiés sur l’année. À qui profitait le manque à gagner? Une hémorragie qui empruntait certainement des veines occultes. Avec les nouveaux abattoirs, il est certain que la CUC engrangera beaucoup plus d’argent.
Le fonctionnement des anciens abattoirs était réglé sur le mode de l’opacité. Ici régnait une ambiance certes conviviale (tout le monde connaissait tout le monde) mais propice à toutes les combines. En l’absence de contrôle, n’importe qui pouvait y accéder et gagner de l’argent par la débrouillardise. D’où l’inflation des employés et des intermédiaires qui s’affairaient sans carte professionnelle.
Nouveau gestionnaire, nouvelles règles du jeu. Les patrons des abattoirs, formatés à l’européenne, exigent le contrôle à l’entrée par un système de badge et la pagaille à l’intérieur n’est plus tolérée. Tout doit être limpide et ordonné. Les habitués de l’ancien système ne voient pas ce changement radical d’un bon oeil car il contrarie visiblement leurs intérêts. Décidément, il est des habitudes et des réflexes qui ont la peau coriace.

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