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Abdelhamid El Ouali : «L’essentiel pour le Maroc est de convaincre la communauté internationale»

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ALM : A la lumière des derniers développements dans la question du Sahara, pensez-vous que l’Algérie serait prête à assouplir sa position, ce qui pourrait rejaillir positivement sur les discussions de Vienne?
Abdelhamid El Ouali : Dans l’analyse de ce qui se passe dans la question du Sahara, il faut partir d’une chose : la décision prise par le Conseil de sécurité en avril 2007 d’inviter les parties à négocier. Celle-ci constituait un grand succès pour le Maroc. Il en était ainsi parce que les négociations devaient porter essentiellement sur l’Initiative marocaine visant l’établissement d’un système d’autonomie régionale au Sahara et non sur la question de l’autodétermination, bien que la résolution du Conseil de sécurité évoque aussi ce dernier. Mais comme la tentative de manipulation de l’autodétermination par l’Algérie avait abouti à l’échec que l’on connaît, cette partie de la résolution du Conseil de sécurité était superflue et était là juste pour sauver les apparences. C’est pour cette raison que l’Algérie a tout fait pour saboter les quatre rounds de négociation de Manhasset. Personnellement, je ne me suis jamais fait d’illusion à cet égard, c’est-à-dire à ce que l’Algérie accepte de jouer le jeu et de laisser les négociations prendre un cours normal. Pour que le gouvernement algérien accepte d’assouplir sa position, il faudrait un changement majeur dans la politique algérienne, changement que le leadership algérien actuel n’est pas encore prêt à consentir.

Mais, à quoi bon ces discussions si elles sont d’avance destinées à l’insuccès ?
En fait, ces négociations sont cruciales parce qu’elles donnent au Maroc l’occasion de convaincre les Nations Unies et la Communauté internationale de la justesse de sa démarche. En faisant cela, le Maroc cherche en fait à mettre à profit une dynamique qui s’est créée ces dernières années sur le plan international. Cette dynamique vise, d’un côté, à promouvoir la démocratie dans le monde, et, de l’autre, à empêcher l’émergence d’Etats factices.

Quel danger peut constituer l’émergence d’Etats factices ?
Il est devenu patent que l’autodétermination-indépendance a été pour une large part derrière la naissance d’Etats non viables dans un grand nombre de pays du Sud où règnent, comme vous pouvez le constater, la violence illégitime, le terrorisme et depuis peu la piraterie maritime. Aujourd’hui, un grand débat a lieu dans un certain nombre de cercles de réflexion sur le rôle ainsi joué par l’autodétermination qui mène vers l’indépendance dans la création d’une pléthore de pseudo-Etats qui sont incapables d’exercer les compétences étatiques les plus élémentaires dont celle de pourvoir à la sécurité de leurs citoyens. L’une des conclusions auxquelles aboutissent les chercheurs et les politologues est qu’il faut empêcher la création d’Etats nouveaux qui vont constituer un fardeau pour la Communauté internationale et retourner au sens originel du droit à l’autodétermination qui est la promotion de la démocratie et cela à travers en particulier l’application de l’autodétermination qui apparaît ainsi comme une composante fondamentale du droit à l’autodétermination.

Quel est le responsable de cette situation?
La double dynamique, que je viens de rappeler brièvement, ne fait pas du tout l’affaire de l’Algérie, elle qui a construit sa stratégie depuis 1975 et bien avant autour de l’idée d’application de l’autodétermination à la question du Sahara. Cette nouvelle dynamique a en outre pour effet d’attirer l’attention sur la nature du régime algérien et les dégâts causés en Algérie par l’absence de démocratie réelle. Comparée au Maroc, l’Algérie apparaît de ce point de vue comme un pays qui se «quartmondise», c’est-à-dire un pays où les principaux indicateurs socio-économiques tirent vers le bas et où une explosion sociale du type des années 1990 n’est pas à exclure. D’ailleurs, l’insécurité civile et le désordre prévalent encore dans certaines régions de l’Algérie où des incidents meurtriers sont presque quotidiens. Il faut dès lors s’attendre à ce que les gouvernants algériens fassent tout pour faire échouer l’Initiative marocaine. Mais, je pense que la dynamique que je viens de décrire est telle que l’Algérie sera de plus en plus à court d’arguments pour convaincre la Communauté internationale de la pertinence de ses thèses qui semblent à l’évidence bien dépassées.

Quel pourrait être l’impact de l’approche marocaine à Vienne?
L’enjeu des négociations ou plus exactement des discussions de Vienne comme celles de Manhasset est bien ailleurs, c’est celui pour chaque partie de convaincre de la justesse et de la pertinence de sa cause non pas l’adversaire en face mais plutôt la Communauté internationale. Or, dans cet exercice, le Maroc semble avoir de meilleurs atouts que l’Algérie car l’Initiative marocaine d’établissement d’un système d’autonomie au Sahara est en phase avec les deux nouvelles exigences de la Communauté internationale : la nécessité de la démocratisation des Etats à l’échelle non seulement central mais aussi locale, d’un côté, et le rejet de la création factice, de l’autre. Pour ce qui est de l’Algérie, elle continue à véhiculer un discours qui est devenu éculé et de ce fait a de plus en plus de difficulté à trouver un écho favorable chez les autres Etats. Dans une telle situation, il s’agira essentiellement pour le Maroc de maintenir le cap en renforçant le processus de démocratisation en cours et en se lançant avec une grande détermination vers la régionalisation graduelle et avancée souhaitée par le Roi Mohammed VI. Je suis intimement convaincu que c’est uniquement de cette façon que le Maroc réussira définitivement à gagner la partie. Le discours et l’argumentaire marocains n’ont jamais été aussi vigoureux et convaincants. Ils le sont ainsi parce qu’ils sont en totale symbiose avec ce que veulent aussi bien la Communauté des Etats que la société civile mondiale pour lesquelles il paraît désormais clair que l’appui à la démarche marocaine est d’abord et avant tout un appui à la promotion de la démocratie tant au Maroc que dans les pays voisins.

Comment voyez-vous l’impact de cette nouvelle approche adoptée par le Maroc ?
Les premières retombées de la nouvelle politique adoptée par le Maroc dans l’affaire du Sahara ne commencent-elles pas déjà à se manifester avec l’appui accru donné par un nombre croissant de pays à l’Initiative marocaine, le soutien apporté par la présidence américaine et la majorité des membres du Congrès américain à cette même Initiative, l’ouverture diplomatique d’un grand nombre de pays africains sur le Maroc comme on a pu le constater ces derniers jours avec la conférence des pays africains riverains de l’Atlantique, le retour au pays de Ahmadou Ould Souilem , les ruptures qui commencent à s’opérer dans les rangs du Polisario, etc. La sagesse aurait été pour les dirigeants algériens de tirer les conséquences de cette nouvelle dynamique et de l’accompagner au lieu de s’y opposer. Il me semble que ce qui va peser lourd sur la balance, c’est le degré de démocratie que chaque protagoniste sera en définitive capable de mettre en place dans son propre pays et aussi dans la façon d’approcher la question du Sahara. Or, de ce point de vue, le Maroc a pris beaucoup d’avance sur l’Algérie.

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