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Akesbi : «le problème reste entier»

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ALM : Le conseil de surveillance du Crédit Agricole du Maroc est en phase de valider un projet d’annulation de dette de 100 000 petits Fellahs. Quel est votre regard sur une telle initiative ?
Najib Akesbi : Si cette information est confirmée, je dirai que cette initiative s’inscrit assurément dans la continuité des plans sécheresse mis en place. Depuis les années 70, plusieurs agriculteurs ont été mis en difficulté. Pour les aider à mieux supporter leur endettement, le gouvernement a , à plusieurs reprises, effacé l’ardoise.
Les modalités ont été successivement modifiées. Du report à l’abondan d’intérêts, plusieurs traitements ont été dispensés. Toutefois, je tiens à préciser qu’à mon sens, cela reste un simple palliatif. Aussi, il faut remarquer que ce ne sont certainement pas les petits paysans qui sont à l’origine de la situation difficile du CNCA d’avant la réforme. Une grande partie de ces problèmes provient d’une poignée de gros agriculteurs qui continuent de ne pas rembourser leurs dettes, en toute illégalité. À titre d’exemple, un seul propriétaire terrien doit encore plus de 80 millions de DH au CAM, et ils sont nombreux à ne pas payer. Certains dossiers doivent être traduits en justice. L’impunité sévit encore. Une partie des difficultés du Crédit agricole trouve son origine dans des cas pareils.

Vous avez qualifié l’opération de traitement de la dette des agriculteurs de palliatif. Pourquoi un tel qualificatif ?
Tout simplement, parce que les résultats sont parlants. Le nombre de clients du Crédit agricole est en continuelle baisse. Est-ce qu’il s’agit simplement d’une classification rigoureuse afin de distinguer les clients actifs, des douteux ou encore ceux qui sont en litige ? Est-ce que les opérations de régularisation ont porté leurs fruits ? Je préfère attendre avant de commenter. De toute manière, le problème est, à mon sens, organique. Il est à traiter, non pas sous l’angle du grand nombre d’agriculteurs endettés, mais plutôt sous l’angle de la nature du crédit mis en place par le Crédit Agricole.
Par exemple, vous avez une population d’agriculteurs agissant dans le Bour, par conséquent, structurellement dépendante de l’aléa climatique. Ils investissent et s’endettent pour investir. Le risque de perdre son investissement, dans ce contexte, est élevé. Cette situation est assurément derrière la précarité de la paysannerie marocaine. À mon avis, un traitement, qui a déjà été envisagé, gagne à être dynamisé : l’assurance sécheresse.

Selon vous, pourquoi une telle formule n’a pas eu le succès escompté ?
Fondamentalement, cette formule permet, à la fois, de rembourser le crédit mais aussi de garantir la récolte en cas de dommage. Il faut se rendre à l’évidence que cette formule n’a pas pris. Depuis les années 1999, on a essayé plusieurs formules. L’objectif était d’assurer 300 000 exploitations. L’Etat avait fait un effort. Le prix était en partie subventionné. Le constat après cinq années, dans le meilleur des cas, seulement 50% de l’objectif initial ont été atteints. Les raisons derrière peuvent être objectives et subjectives.
Les conditions de remboursement étaient corrélées à l’octroi de l’indemnisation à toute la zone sinistrée. Je passe sur la bureaucratie et les lenteurs. L’agriculteur a, justement, perdu confiance dans le système.
Les raisons objectives sont à trouver dans le comportement des agriculteurs. Par mauvais calcul, ils préfèrent attendre la sécheresse ou encore renoncer à l’assurance une fois que la saison s’annonce bien arrosée. Paradoxalement, ce genre de comportement a joué contre l’assurance. À mon avis, le problème reste entier.

Pensez-vous que les réformes enclenchées par le Crédit Agricole abondent dans le bon sens ?
Personnellement, je préfère attendre. À mon avis, la transformation en SA est une bonne chose. Toutefois, un éloignement du projet initial est à relever. Les caisses locales du Crédit Agricole devaient, à l’image du Crédit Populaire, être transformées. Je me pose la question de savoir s’il s’agit d’une réforme partielle ? Autre aspect, le projet de réforme contenait un contrat-programme. Une séparation des fonctions devait suivre. Aussi, les crédits de survie ont-ils montré leur limite. Les petits crédits ne permettent pas un investissement soutenu. Le CAM prend en charge la partie bancable mais pas la partie du crédit à la paysannerie. J’ai bien peur que l’Etat socialise les pertes et privatise les profits !

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