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Al Qaïda : Les connexions marocaines

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Le juge d’instruction, Juan del Olmo, a ordonné, hier à Madrid, l’incarcération de la première femme marocaine soupçonnée d’être impliquée dans les attentats du 11 mars à Madrid, Naïma Oulad Akrach, et de deux autres Marocains Rafa Zouhair et Fayçal Allouch. Del Olmo a aussi inculpé un quatrième Marocain qui se trouve déjà en prison suite au démantèlement de la cellule espagnole d’Al Qaïda en 2001.
Avec ces arrestations, le nombre des Marocains arrêtés dans le cadre de l’enquête s’élève à dix détenus et la thèse de l’existence d’une cellule marocaine proche d’Al Qaïda et qui aurait planifié et exécuté les attentats est de plus en plus privilégiée par les enquêteurs aux dépens de l’éventualité d’une initiative indépendante de Salafistes marocains résidant en Espagne. Toutefois, les enquêteurs demeurent convaincus de l’existence d’une tête pensante appartenant à l’organisation d’Al Qaïda et qui serait venue en Espagne pour planifier les opérations.
L’implication d’Al Qaïda tant dans les attentats du 11 mars à Madrid que dans ceux qui avaient été perpétrés à Casablanca, le 16 mai 2003, est ainsi presque confirmée. Une confirmation qui résulte du recoupement de toutes les données sur les connexions entre les personnes impliquées jusqu’à maintenant par la justice espagnole. Pour y voir plus clair, il est nécessaire de faire un rappel de l’évolution de l’enquête et d’établir les liens entre les différents détenus.
La piste de l’implication d’activistes islamistes commença dès le jour des attentats de Madrid. Ce jour-là, alors que le gouvernement espagnol insistait sur l’implication de l’organisation terroriste basque ETA, la police découvrait à la gare d’Alcala d’Henares d’où étaient partis les trains qui ont explosé à Madrid une voiture Renault Kangoo qui avait été volée, le 28 février. À l’intérieur du véhicule, la police trouvera sept détonateurs électriques RIODETS dans un sac caché sous le siège du Copilote, et des traces d’un explosif connu sous la formule de GOMA 2ECO, ainsi qu’une cassette audio contenant des versets du saint Coran. Ce fut le début de l’orientation des soupçons vers un groupe terroriste islamiste.
Le même jour, à 20 heures, la police découvre un sac à dos piégé qui n’avait pas explosé. Un policier l’avait d’ailleurs ramassé, croyant qu’il s’agissait d’objets personnels de l’une des victimes et l’avait emmené au poste de police. Il sera découvert lorsque le téléphone sonnera. C’est ce sac qui a permis aux enquêteurs d’avancer très rapidement dans l’investigation. Le sac contenait 12,2 kg de l’explosif GOMA 2ECO, un détonateur RIODETS et un téléphone mobile dont il manquait un fragment à la carcasse, certainement produite par la manipulation lors de la préparation. Suivant la piste de la puce du téléphone, la police découvrira très facilement à qui elle appartenait. Deux ressortissants indiens l’avaient vendue en plus de cent autres puces à trois Marocains propriétaires d’un magasin spécialisé dans la vente de téléphones mobiles situé au quartier Lavapiès de Madrid, dont la plupart des habitants sont des immigrés. Jamal Zougam, Mohamed Bekkali et Mohamed Chaoui seront alors détenus par la police madrilène qui, sur ordre du juge d’instruction, procède à la perquisition dans le local tenu par les trois Marocains. On y découvrira le fragment manquant du téléphone mobile qui se trouvait dans le sac à dos piégé. Outre cette preuve indiscutable de l’implication des détenus, c’est l’identité de deux d’entre eux qui attirera l’attention des enquêteurs. Il s’agit de Zougam et Chaoui. Deux demi-frères qui avaient été cités dans les procès-verbaux de l’enquête menée par le juge Baltasar Garzon contre la cellule espagnole d’Al Qaïda en novembre 2001. Mais, c’est surtout le cas de Zougam qui étonnera tant les enquêteurs que les observateurs de l’évolution de l’enquête. Car, ce jeune homme, né à Tanger le 5 octobre 1973, avait été relâché par le juge Garzon, alors que plusieurs preuves matérielles citées par les PV de Garzon indiquaient qu’il était en étroite relation avec des dirigeants d’Al Qaïda. Il faut aussi signaler que les services de sécurité marocains avaient alerté leurs homologues espagnols sur Zougam et avaient demandé son arrestation puisque l’enquête sur les attentats du 16 mai à Casablanca avaient révélé qu’il avait participé dans la planification de ces actes et qu’il avait quitté le Maroc en avril 2003.
En novembre 2001, l’on avait trouvé chez-lui des numéros de téléphones de plusieurs dirigeants d’Al Qaïda, notamment Amer Azizi, Al Arnaouti, Mohamed Maher Al Cheikh (chef de l’organisation Anssar Al Islam), et de Saïd Cheddadi, un Marocain détenu depuis lors en Espagne. Zougam était aussi en relation avec un autre membre de la Salafiya Jihadia, à savoir Abdelaziz Benyaïche chez qui il avait habité pendant une longue période. Ce dernier avait été arrêté en juin 2003 à Algésiras suite à un mandat d’arrêt international diffusé via Interpol par la police marocaine au lendemain des attentats du 16 mai. En Espagne, on saura aussi que le frère de Saïd Chaddadi qui était emprisonné depuis novembre 2001, Mohamed El Hadi Cheddadi, avait des liens avec Abdelouahed Berrak qui, lui, est un ami de Zougam et Abderrahim Zbakh.
Ce sont les empreintes de ce dernier et de Cheddadi qu’on trouvera d’ailleurs sur la bombe qui n’avait pas explosé. Et ce sont ces trois derniers qui avaient acheté à l’unique Espagnol impliqué dans cette affaire pour le moment, José Emilio Suárez Trashorras, une centaine de kg d’explosifs GOMA 2ECO qu’il aurait volés dans une entreprise du pays Basque. Et c’est la piste de Zougam aussi qui conduira à la détention de Naïma la soeur de Khalid Oulad Akcha (en prison depuis novembre 2001 pour appartenance à la cellule espagnole d’Al Qaïda) qui serait l’une des pistes-clés de l’enquête qui devrait déterminer les commanditaires des attentats.
Par ailleurs, les investigations indiquent déjà que les bombes auraient été préparées en deux phases. La première, celle des détonateurs liés au téléphones mobiles aurait eu lieu au magasin appartenant à Zougam et ses associés. Pour ce qui est de la préparation des sacs à dos piégés, ils auraient été montés dans un appartement d’Alcala de Henares que la police cherche activement puisqu’il constitue l’une des pièces manquantes au puzzle et qui permettrait de marquer de grandes avancées dans l’enquête puisque cette opération a dû durer au moins un mois et demi selon les experts des services de sécurité espagnols.
Enfin, la question la plus importante est celle de savoir qui a ordonné, planifié et donné le feu vert au passage à l’action. La réponse est aujourd’hui orientée vers l’un des Marocains les plus recherchés du monde. Il s’agit d’Abdelkrim Thami Mejjati. Un jeune homme de 36 ans, de père marocain et de mère française qui serait le Ben Laden marocain selon certains observateurs spécialisés dans le terrorisme islamiste. Ayant des liens étroits avec Abou Mosâab Zarkaoui, le dirigeant jordanien d’Al Qaïda qui se trouverait actuellement en Irak, selon les services d’Intelligence occidentaux. Le nom de Mejjati apparaît dans toutes les enquêtes des attentats perpétrés par Al Qaïda depuis le 16 mai à Casablanca au 11 mars à Madrid, en passant par ceux de novembre 2003 à Al Mohaya en Arabie saoudite. Serait-il le dirigeant de la nouvelle génération de terroristes d’Al Qaïda dans sa version maghrébine ? C’est très probable, mais seule son arrestation permettra de le confirmer, répondent les spécialistes.

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