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Analyse : Maroc et Marrakech, le symbole honni d’AQMI

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L’attentat de Marrakech rappelle douloureusement qu’au Maroc et malgrè les progrès remarquables accomplis sur une décénnie sur le plan économique, social et politique, des personnes restent tentées par la voie de la radicalisation islamo-jihadiste comme mode d’expression d’opinion politique dans la sphère publique. Les mouvements et les soubresauts politiques ayant cours au Maroc nés des révoltes arabes ont eu un écho intéressant auprès de la société civile d’abord puis des syndicats et enfin des partis politiques en faisant bouger le système politique vers un contrôle plus accru des affaires publiques par les citoyens et insuffler un nouveau départ dans la lutte contre les méfaits de la corruption et son corollaire qu’est l’indépendance de la justice. Ces mouvements ont initié une «évolution» et non une «révolution» comme le prédisaient les cassandres de tous bords voulant voir dans le Royaume chérifien un avatar des révolutions ayant cours dans le monde arabe avec leurs cortèges de répressions aveugles et meurtrières qu’ont connus l’Egypte et la Tunisie et que connaît en ce moment la Syrie présentée il y a peu encore comme étrangère aux éxigences de libertés du monde arabe. L’attentat de Marrakech s’est déroulé au plus mauvais endroit et au plus mauvais moment. L’endroit choisi avec l’Argana café visait à n’en pas douter un point névralgique de l’économie marocaine ainsi qu’à ternir l’image hautement positive de Marrakech à l’international. Le moment n’a pas été non plus choisi par hasard si l’on considère que les mouvements progressistes et démocratiques gagnaient autant en crédibilité qu’en véritable force de proposition. L’attentat de Marrakech réussissait la passe de trois en touchant le Royaume dans sa chair, son esprit et ses finances. Plusieurs pistes ont été envisagées notamment celle d’AQMI et de son allié récent le Front Polisario qui avait trouvé ces dernières années des alliances conjoncturelles à créer des foyers de tensions au Maroc. Si la piste du Polisario a été rapidement écartée, l’arrestation des auteurs n’a fait que confirmer l’appartenance de ces derniers corps et âme à l’idéologie d’Al Qaïda au Maghreb tant dans l’exécution de l’attentat que dans ses fondements idéologiques. Néanmoins, la bonne nouvelle est que les autorités ont fait preuve de maturité et de professionnalisme en entamant une enquête minutieuse sans procéder aux grandes vagues d’interpellations massives qui enclenchent les cycles sans fin de répression et de contestation. L’autre bonne nouvelle vient autant des mouvements pro-démocratie que du gouvernement qui semblent toujours enclins pour les uns à revendiquer et pour les autres à traduire sur le champ politique, social et économique ces revendications. Dans ce contexte de rencontre des bonnes volontés entre peuple et gouvernement marocains, l’absence de tour de vis sécuritaire qui aurait restreint le champ des libertés publiques et des revendications sociales est une gifle pour les cerveaux des terroristes d’AQMI qui pris de panique n’ont eu d’autre choix que de nier tout rapport avec l’attentat de Marrakech afin de ne pas apparaître comme étant contre les évolutions positives et sereines que connaît le Royaume. Les services antiterroristes de divers pays font part de leur étonnement quant aux dénégations d’AQMI concernant l’attentat du café Argana dans la mesure où cette organisation était il y a encore peu prompte à revendiquer le moindre incident ou attentat à mettre à son actif afin de garnir son sinistre curriculum-vitae. Pour de nombreux experts, le bon déroulement des printemps arabes est une mauvaise affaire pour AQMI fondés qu’ils sont sur des aspirations politiques et sociales déconnectées du prisme islamiste. En cela, Marrakech est l’exemple d’une absence de ligne politique des terroristes d’AQMI dans le monde arabo-musulman puisque désormais pris en étau entre une obligation de laisser se dérouler sereinement les printemps arabes sans avoir un réel poids politique dans les évolutions à venir ou en procédant à des actions terroristes et leurs corollaires de tours de vis sécuritaires qui retourneraient les opinions publiques contre eux. La seule bonne nouvelle pour les terroristes d’AQMI provient de Libye où le conflit s’enlise et menace de déborder sur le fragile acquis révolutionnaire tunisien. Du point de vue d’AQMI, le Maroc aura à payer son aide au Conseil de transition libyen et aux révolutionnaires tunisiens car là où les progrès démocratiques se font les racines d’Al Qaïda au Maghreb islamique se défont. Dans cette perspective, le soutien affiché de Rabat aux gouvernements de transition égyptien, tunisien et libyen irrite au plus au point AQMI qui comptait sur une solidarité des régimes afin de tuer dans l’œuf les révoltes arabes afin d’apparaître comme la seule organisation luttant contre les dictatures et autres régimes autoritaires. AQMI n’étant pas seule à trouver à redire et le silence gêné de la diplomatie algérienne quant aux accusations de soutien militaire à Kadhafi ou son implication dans une tentative de coup d’état en cas d’éventuelle victoire des islamistes en Tunisie jettent des doutes quant aux échanges de renseignements entre Alger et Rabat en matière sécuritaire. Dans la nébuleuse du terrorisme international, le Royaume Chérifien concentre les pires défauts intérieurs et extérieurs. Intérieurs car le Maroc semble procéder à un atterrissage en douceur de son évolution démocratique sans que l’attentat de Marrakech n’engendre turbulences et chaos. Extérieurs car la diplomatie marocaine tente  de peser positivement sur les révolutions en cours au monde arabe en faisant office parfois de médiateur comme ce fut le cas entre le Conseil national de transition libyen et Kadhafi ou par l’aide humanitaire qu’elle fait parvenir au gouvernement tunisien dans le but de satisfaire les besoins des réfugiés à la frontière tuniso-libyenne. Au-delà des victimes innocentes honteusement fauchées par l’attentat, des retombées négatives sur l’appel d’air démocratique et des baisses de fréquentation touristique, à travers Jamaâ El Fna, c’est ce mélange de tradition et d’ouverture qui fait le socle de la Nation marocaine qu’on a voulu immoler et qui une fois la poussière des évènements retombée, s’est avérée être outrageusement intacte. Un exemple à méditer s’il en est….

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