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Au secours, les criquets attaquent !

© D.R

Ce n’est pas fini. Le criquet menace toujours la sécurité alimentaire au Maroc. Les signes d’une recrudescence, jamais égalée, sont visibles. Les essaims de criquet constituent un nuage noir qui s’étend sur des milliers d’hectares au Sud Est du Maroc. Ils présentent une telle densité à Ouarzazate, Bouarfa et Tata que les pilotes ont du mal à se frayer un chemin. Pourtant, les 30 aéronefs qui travaillent sans relâche font un carnage parmi les criquets pèlerins.
Là où les appareils passent, ils laissent des champs couverts par des milliers d’insectes inertes. «Mais en dépit de l’extraordinaire mobilisation de plus de 1000 hommes et de moyens techniques considérables, nous n’arrivons pas à stopper l’avancée des criquets et nous redoutons un fléau national», confie à ALM un responsable au ministère de l’Agriculture qui a requis l’anonymat. Comme en temps de guerre, au Poste central de coordination de la lutte antiacridienne (PCCLA), basé au groupement aérien de la Gendarmerie royale à Rabat, les consignes sont martiales : ne rien dire. Un communiqué est diffusé régulièrement pour dresser, laconiquement, l’état des lieux. Le dernier communiqué date de lundi. Il est franchement inquiétant.
Selon le PCCLA, les infestations par les essaims et les bandes larvaires de criquet pèlerin «ont pris une ampleur exceptionnelle ces derniers jours dans plusieurs régions du pays, notamment à Bouarfa, Oujda, Errachidia, Ouarzazate, Tata et Guelmim». Le communiqué indique que de «nouvelles et fortes» infestations sont attendues au cours des prochains jours.
Notamment en provenance des zones limitrophes du territoire algérien. L’Algérie est en effet débordée par les essaims de criquets. Mais le passage forcé de nos frontières n’est pas le seul à craindre. Le traitement des essaims en ponte dans les aires de reproduction printanière de la vallée du Drâa s’est en effet révélé insuffisant.
Les pontes, éclosions et formation de bandes larvaires ont débuté au mois d’avril dans la vallée de Draâ. Les criquets sortis de ces bandes larvaires sont d’autant redoutables que leur voracité dépasse au moins cinq fois celle des criquets adultes. Un essaim de criquets jeunes, couvrant une surface de 100 ha, vient aisément à bout de 100 tonnes de produits végétaux par jour. Les acridiens ne laissent rien derrière eux. Ils disséminent, selon une expression consacrée, «le fertile et de l’ingrat». Ils dévorent les tiges des végétaux jusqu’à la base.
Les agrumes sont aux premières lignes des denrées en passe de faire les frais de la voracité légendaire du criquet pèlerin. Ces agrumes, que le Maroc exporte vers l’Europe et l’Amérique du Nord, sont d’une valeur estimée à 400 millions de dollars. Mille personnes sont sur le pied de guerre pour que cette menace demeure lettre morte.
Le Maroc a acquis une grande expérience en matière de lutte antiacridienne, depuis la campagne menée en 1987 et les actions préventives engagées, régulièrement, à l’intérieur du territoire mauritanien, considéré comme un couloir obligatoire pour passer de l’Afrique subsaharienne à l’Afrique du Nord. Mieux : depuis le début de la campagne de lutte antiacridienne, 2.380.000 ha ont été traités. Rien que pendant la semaine allant du 29 juin au 5 juillet, 361.044 hectares ont été traités.
Mais cela ne suffit pas. Selon le communiqué du PCCLA, les insectes couvrent quotidiennement une superficie de 106.000 ha, alors les moyens dont dispose le Maroc permettent seulement de traiter 70. 000 ha par jour. En clair, il existe un déficit de 36 000 ha pour pouvoir contenir la menace des acridiens. «Il ne faut pas jouer les oiseaux de malheur, mais il y a fort à craindre pour la prochaine saison agricole si les essaims de criquets n’étaient pas disséminés cet été.
Nous appréhendons par-dessus tout leur grégarisme sur le sol marocain», précise le responsable au ministère de l’Agriculture. Pour atteindre cet objectif, le Maroc est aidé par des pays comme l’Espagne, qui met à sa disposition des avions et la Corée du Sud qui vient d’offrir au Royaume 30 véhicules tout terrain d’un montant total de 1 million de dollars.
Il y a aussi l’aide de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Elle demeure toutefois extrêmement modeste, compte tenu des dépenses réelles pour juguler la menace.
La FAO a réclamé une aide de 9 millions de dollars pour l’ensemble des pays confrontés aux acridiens, alors le Maroc a dépensé jusque-là 80 millions de dollars, comme l’explique à ALM Mohand Laenser, ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime. Le ministère de l’Agriculture compte aussi sur l’aide des populations. Il a distribué des pneus à des habitants pour qu’ils y mettent le feu en cas de détection d’un essaim de criquet.
La fumée est censée prévenir les autorités de la présence des acridiens. Une femme a fait un usage trop strict de cette consigne, mardi à Tafrouat.
Le pneu qu’elle a brûlé a incendié 400 ha d’oliviers et d’amandiers, provoquant aussi la mort d’une paysanne qui cherchait du bois. Et c’est sans doute le moindre des «dégâts collatéraux» des acridiens.

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