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Avortement : la femme marocaine a-t-elle le droit de décider ?

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«Chaque jour, près de 800 avortements clandestins sont pratiqués au Maroc dont 600 médicalisés et 200 non médicalisés», déclare à ALM Pr Chafik Chraïbi, président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC). Devant ce constat alarmant, un congrès national sur l’avortement, le premier du genre, se tiendra les 23 et 24 avril 2010 à la Bibliothèque nationale. «Cette manifestation devait se tenir au mois de mars, mais nous avons finalement décidé de la reporter au mois d’avril. Il est vrai qu’il y a un problème au niveau des sponsors mais je suis prêt à tout débourser de ma poche pour que ce cette rencontre ait lieu», affirme Pr Chraïbi. «J’ai entamé plusieurs démarches auprès du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) au Maroc dans la mesure où l’avortement figure dans le cadre de leur stratégie de maternité sans risque. Cet organisme m’a alors orienté vers le ministère de la Santé qui bénéficie du budget alloué par le FNUAP à ce sujet. J’ai envoyé plusieurs lettres au ministère de la Santé mais sans réponse. Le Dr Abderrahim Harouchi a récemment contacté la ministre de la Santé,Yasmina Baddou, qui a donné son accord pour sponsoriser ce congrès. Mais pour ne rien vous cacher, je n’ai toujours pas eu de confirmation officielle», souligne le président de l’AMLAC. Ce congrès réunira politiciens, religieux et acteurs de la société civile pour mieux comprendre le phénomène et dégager une politique consensuelle. Lors de cette manifestation, qui réunira 400 personnes, la première journée sera consacrée à la prévention des grossesses non désirées où seront débattues plusieurs thématiques notamment l’éducation sexuelle, les méthodes de contraception et la contraception d’urgence. L’AMLAC souhaite inciter le ministère de l’Éducation nationale à introduire des cours de relations sexuelles dans les écoles. Quant à la deuxième journée, celle-ci sera axée sur les conséquences des grossesses non désirées où seront analysés les aspects médico-sociaux, juridiques et religieux. «Les recommandations issues de ce congrès seront adressées aux parties concernées, à savoir le ministère des Habous et des Affaires islamiques, le Parlement, le ministère de la Santé ainsi que le Cabinet royal», précise Pr Chraïbi. L’AMLAC plaide pour une légalisation de l’avortement dans des cas bien précis : viol, inceste, malformations fœtales, filles mineures, femmes âgées de plus de 45 ans, pathologies psychiatriques, grossesse mettant en jeu la vie ou la santé de la mère, vulnérabilité sociale, échec ou absence de contraception (couple en mariage ou hors mariage) ainsi que dans certaines situations sociales dramatiques (une domestique qui a été abusée sexuellement…). Force est de constater que la législation actuelle ne permet pas de pratiquer un avortement dans  de telles situations. Devant un dispositif législatif très restrictif, le Pr Chraïbi appelle à un assouplissement de la loi notamment l’article 453 du code pénal qui n’autorise l’avortement qu’en cas de pathologies maternelles graves, pouvant mettre en danger la vie de la mère. «Cet assouplissement de la loi aura des conséquences importantes : meilleures conditions sanitaires qui engendreront une réduction de la mortalité maternelle, travail dans un cadre légal, transparence vis-à-vis du monde», relève Pr Chraïbi. Ce dernier revendique la mise en place d’un projet de loi autorisant l’avortement dans les cas mentionnés ci-dessus. Outre un allégement de la législation, le Pr Chraïbi préconise plusieurs solutions. «Il faut accorder une place importante à la prévention à travers l’éducation sexuelle, la promotion des méthodes de contraception efficaces, interpeller les responsables politiques et les leaders d’opinion et mettre en place un comité d’éthique». «En Tunisie, l’avortement a été libéralisé depuis 1970. Grâce à cette mesure, il y a dix fois moins d’avortements qu’au Maroc», conclut-il.


Ce que dit la loi

L’article 449 du code pénal punit de 1 à 5 ans de prison et d’une amende de 200 à 500 DH quiconque par aliments, breuvage, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen, a provoqué ou a tenté de provoquer l’avortement d’une femme enceinte, qu’elle y ait consenti ou non. Pour l’art. 453, l’avortement n’est pas puni quand il vise à sauvegarder la vie de la mère à condition qu’il y est consentement du conjoint. En l’absence de ce consentement, il faut avoir celui du médecin-chef de la préfecture et en cas d’urgence, il suffit que ce dernier soit seulement avisé. L’article 454 punit de 6 mois à 2 ans de prison toute femme qui s’est livrée à l’avortement. Quant à l’article 455, celui-ci punit l’avorteur de deux mois à deux ans, même si l’acte n’a pas abouti. Et des mêmes peines, le vendeur des produits avortant et les complices d’avortement.
 

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