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Benamour : «La classe politique doit bouger»

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ALM : Que pensez-vous de cette polémique soulevée par Ahmed Raissouni à propos des festivals de musique et de danse ?
Abdelali Benamour : Franchement je ne pense pas qu’il y ait une quelconque polémique, car cela ne peut avoir lieu que dans le cas où il y existerait deux parties aux positions contradictoires. Or ce qui se passe se résume à des combats d’arrière-garde. Ce genre de réaction a tendance à nous faire revenir vers le passé au sens le plus négatif du terme. C’est la tendance obscurantiste qui veut resurgir à un moment où le pays a besoin de vivre. Ceci étant, l’organisation de festivals de musique ou de danse ne signifie nullement une abolition de la morale. Au contraire, la musique c’est de l’art et je peux vous affirmer que l’on est loin d’imaginer ce que notre pays compte comme talents à l’état brut. Je suis dans l’enseignement, et lorsque nous ouvrons les portes devant ces jeunes talents nous découvrons qu’ils sont plus corrects, plus disciplinés et plus moralisateurs que ces donneurs de leçons de dernière minute. Plus encore. S’il est vrai que les règles de la morale doivent primer, ce n’est pas à ces gens d’en assumer la tâche. Regardez ce qu’ont fait leurs semblables dans d’autres pays. De quelle morale parlent-ils ? Ils veulent que ce pays demeure stagnant ?
Mais l’homme considère sérieusement que les festivals constituent un environnement propice à la propagation de l’homosexualité et autres pratiques de pervers ?
Je vais vous dire ce que je considère par la même occasion comme un message que j’adresse à travers votre journal. Il ne faut surtout pas que nos gouvernants tombent dans le piège, comme c’était le cas avant le 16 mai et nous avons vu ce qu’il en est résulté. Il existe deux façons de lutter contre l’obscurantisme. La première, c’est par l’information et l’ouverture de la société sur son environnement et face aux autres civilisations du monde. La seconde, et c’est la pire, c’est de prendre en charge les pures élucubrations des obscurantistes, soi-disant pour ne leur laisser aucune faille à critiquer ou à menacer de le faire. Il ne faut par re-commettre la même erreur d’il y a quelques années seulement. Je m’adresse à ces gens qui s’acharnent sur les festivals pour leur dire assez d’hypocrisie. Si vous avez un référentiel musulman, c’est d’accord. Mais que vous imposiez des règles rétrogrades en vous basant sur votre propre et unique lecture de l’Islam, c’est non. Ils pourraient avoir un référentiel musulman et démocrate comme ils le clament, mais à condition d’être vraiment démocrates. Autrement dit, si grâce à cette démocratie vous accédez un jour au pouvoir suite aux principes de l’alternance, vous aurez la possibilité de défendre des idées que vous prônez. Mais si une autre force démocratique vient après vous, il faut qu’elle soit en mesure de changer ou d’écarter les idées que vous aviez instaurées. C’est ça la démocratie, et non pas imposer par la force des idées aussi rétrogrades qu’indécrottables soi-disant par la force de la religion. Certes, les obscurantistes ont un impact électoral, mais c’est un impact fragile. Si la classe politique s’était ressaisie, il n’y aurait plus aucune présence de ces obscurantistes. Soyez de bons musulmans, dirai-je à ces gens. Est-ce que la musique incite à l’homosexualité ? Nos gouvernants devraient mettre le paquet sur le volet artistique. Il est connu à travers toute l’histoire que l’art et la civilisation vont de pair. Si nous développons l’art et la culture, ce serait le meilleur rempart contre toutes les dérives, qu’elles soient obscurantistes ou immorales.
Que devrait-on faire pour convaincre ces gens, de façon civilisée, que l’ouverture culturelle ne signifie pas la dégradation des moeurs ?
Comme je vous l’ai dit, en répondant positivement par l’ouverture culturelle et l’intégration de l’art dans les écoles et l’instauration d’ateliers artistiques. Quoi de mieux que l’art pour consolider les idéaux et l’esprit de tolérance chez les gens, tout en les rendant désintéressés vis-à-vis des intérêts matériels et mercantiles. Il faut que la classe politique bouge, il faut réformer les partis politiques et éradiquer ces susceptibilités creuses. Et surtout ne pas donner davantage de longévité à l’éloignement entre les forces politiques démocratiques pour laisser l’occasion à l’obscurantisme de se faire plus de place.

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