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Benbrik : «Nos moyens sont insuffisants»

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ALM : Quelles sont les missions de l’IGF ?
Abdelali Benbrik :D’abord, l’IGF contrôle les opérations d’engagement et de paiement des dépenses publiques et à travers l’examen de ces opérations, elle audite la gestion des ordonnateurs et des comptables publics, c’est-à-dire ceux qui décident de l’usage de l’argent public et ceux qui en assurent le paiement. L’IGF audite également les entreprises publiques ainsi que les projets publics financés par les bailleurs de fonds, notamment la Banque Mondiale, la BAD ou la Commission européenne.
L’IGF procède enfin à des enquêtes, des études et à des évaluations d’impacts économiques et financiers de programmes publics. De manière générale, notre mission réside dans le fait de contrôler l’utilisation des moyens financiers affectés au financement des services publics.
Oui, mais on vous reproche de vous attacher davantage aux aspects formels dans les contrôles et de ne pas vous intéresser de près à la qualité de la gestion des établissements publics…
Ce n’est pas vrai. Les choses ont beaucoup évolué. Le contrôle ne se limite plus comme par le passé à la régularité et au respect des procédures, mais s’étend de plus en plus à l’appréciation de la qualité des services rendus aux usagers, compte tenu des moyens qui sont affectés. C’est une évolution fondamentale de notre démarche qui s’inscrit dans la nouvelle approche budgétaire axée sur les résultats qui peuvent être appréhendés à travers des indicateurs de performance.
Cette démarche dépend toutefois du rythme de réalisation des réformes budgétaires en cours. Ces réformes devraient faire l’objet d’une plus grande sensibilisation des administrations. Elles constituent l’élément central du processus de modernisation du secteur public et l’introduction de ses réformes, si elle doit être progressive, ne doit pas souffrir de lenteurs qui diffèrent inutilement les résultats escomptés. Les Inspections générales des autres ministères peuvent jouer d’ailleurs un rôle fondamental dans leur mise en oeuvre dans les départements dont elles relèvent. Il ne faut pas oublier que les charges salariales de la fonction publique ne s’avèrent excessives que parce que la productivité, l’efficacité et la qualité des services publics souffrent d’insuffisances.
Qu’en est-il des entreprises publiques ?
La démarche adoptée dans nos audits des entreprises publiques s’inscrit dans les normes admises sur le plan international, en tenant compte des particularités du secteur public. Un manuel des normes d’audit de l’IGF a été élaboré à cet effet en relation avec des institutions qui ont une expérience à l’échelon international. Quant aux audits de projets financés par les bailleurs de fonds, la démarche s’inscrit dans les normes et selon les procédures préconisées par les organismes pourvoyeurs des moyens de financement.
Est-ce que les audits réalisés par ce corps connaissent toujours une suite judiciaire ?
Les audits qui ont relevé de graves irrégularités et des actes anormaux de gestion connaissent une suite judiciaire dans le cadre des procédures légales en vigueur. C’est le cas du CIH, de la BNDE ou de l’OFPPT par exemple.
Tous les rapports d’audit comportent, en tout cas, des propositions et des recommandations de normalisation et d’amélioration de la gestion. Mais il est rare que l’on soit associé par la suite aux éventuels plans de redressements ou aux mesures d’assainissement.
Quel est le mécanisme qui déclenche la réaction de l’IGF et la décision de procéder à un audit?
Nous agissons sur la base d’un programme annuel qui est élaboré conformément aux dispositions de l’article 7 du dahir qui régit l’IGF. Le programme est arrêté par le ministre des Finances et doit tenir compte des demandes de vérification présentées par les autres ministres. En plus de ce programme, l’Inspecteur général peut prescrire toute vérification qui lui paraît utile, sauf à en rendre compte au ministre des Finances. Dans le choix des entités à auditer, il y a toujours une approche par les risques. Il y a aussi l’exploitation des informations financières puisées dans les rapports d’activité annuels et auprès des autres services de contrôle, l’importance des transferts budgétaires au profit de telle ou telle entité, les questions soulevées par les parlementaires lors de l’examen des projets de loi de Finances et les conclusions de nos enquêtes préliminaires.
Etes-vous satisfait de la situation matérielle et morale des inspecteurs des Finances ?
L’IGF est un corps dont l’effectif ne dépasse pas quelque 160 hauts cadres mais c’est aussi une école qui a su développer, depuis plus de 40 ans, une culture adossée à des valeurs d’intégrité morale et de responsabilité. L’IGF a pu aussi préserver une relative indépendance qui est une condition essentielle pour tout organe de contrôle et qui lui permet de mener ses missions avec objectivité et professionnalisme. Nous espérons faire toujours mieux avec plus de moyens et de soutiens en remettant d’ailleurs toujours en question nos approches et c’est cette insatisfaction permanente qui nous permet d’avancer.
Cela signifie-t-il que vous disposez des moyens humains et matériels suffisants pour que l’IGF assume pleinement son rôle ?
Les moyens dont nous disposons ne sont pas négligeables, ils ne sont pas non plus suffisants. C’est peut-être le lot de tous les organes de contrôle, mais nous essayons de renforcer nos capacités et nous ouvrir sur les meilleures expériences étrangères. On comprend de plus en plus que notre rôle dans la transparence financière et l’efficacité de la gestion publique doit être appuyé. Pendant longtemps, les tâches de gestion ont été considérées plus valorisantes que les missions de contrôle. De plus en plus on comprend qu’elles sont complémentaires, surtout lorsque le contrôle ne se limite plus à relever les anomalies et les disfonctionnements mais devient une force de proposition et un acteur dans l’initiation et le suivi des réformes.
Quelles sont les réformes engagées ou envisagées au sein de l’IGF?
Nous avons par exemple piloté au niveau du ministère des Finances les travaux de simplification et d’allégement des procédures. C’est un chantier crucial pour la modernisation de l’administration. Tout le problème est de convaincre les administrations que la simplification et l’allégement des procédures n’aboutissent forcément pas à réduire leurs prérogatives. Pour ce chantier les Inspections générales des différentes Ministères pourraient également jouer un rôle essentiel pour faire évoluer les choses dans le département dont elles relèvent en fonction de la spécificité des missions.Nous menons également une réflexion sur la refonte de l’ensemble du système de contrôle au ministère des Finances. Nous sommes également concernés par les réformes budgétaires. Dans ce contexte, les réformes de fonds sont nécessaires même si elles sont difficiles.
L’IGF entretient-elle des rapports avec les autres organismes de contrôle ?
Oui, on entretient des relations avec les autres corps de contrôle à travers une coordination appelée à s’intensifier. Dans ce contexte, l’IGF avait assuré plusieurs actions de formation et d’encadrement au profit de certaines Inspections générales des ministères et commencé même quelques vérifications conjointes. Mais cette expérience devrait être assurée d’une continuité. L’IGF entretient également des relations de coopération avec des organes de contrôle étrangers notamment l’IGF de France et les Inspections générales des pays du Maghreb ainsi qu’avec l’Office de lutte anti-fraude (OLAF) qui relève de la Commission européenne.
On remarque que l’IGF se caractérise par une certaine discrétion. Celle-ci est-elle constitutive de la nature de son action ?
Absolument. L’IGF agit conformément et dans le respect des procédures qui la régissent. Certains scandales financiers nous ont mis en première ligne et l’on a parfois parlé de nous sans s’inquiéter de notre avis, ni de nos véritables missions ou de nos démarches. En réponse, nous avons proposé à ce que l’IGF puisse élaborer un rapport annuel qui fasse ressortir de manière générale les principales observations et recommandations pour améliorer le fonctionnement des administrations et les pratiques de gestion. Cela peut être une manière d’améliorer la communication et l’information des citoyens dans le respect des procédures qui nous régissent.

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