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Benseddik : «Le nombre de syndicats est surréaliste»

© D.R

ALM : Ces derniers jours ont été marqués par une volte-face des syndicats qui s’en prennent, sur le volet social, au gouvernement. Pourrait-on y voir une sorte de surenchère liée aux élections de ce 8 septembre ?
Fouad Benseddik : C’est le rôle naturel et universel des syndicats que d’exprimer l’aspiration de leurs membres à du mieux être matériel. Ce que vous appelez leur «volte-face» découle de la «volte-face» des prix. Avant et après les élections, ce qui comptera vraiment c’est qu’il y ait des règles sainement observées qui permettent de négocier le partage de la richesse produite, aussi bien quand elle s’élève que lorsqu’elle stagne.
En économie libérale, l’Etat transfère sur les entreprises et sur les consommateurs les coûts qu’il ne veut, ou qu’il ne peut plus supporter. Ce transfert se réalise avec le moins de drame possible lorsqu’il s’accompagne légalement de protection des catégories vulnérables et d’obligation de négociations sectorielles, de branches et au niveau des entreprises. Ceci est d’ailleurs prévu dans la législation du travail, qui garantit un salaire minimum et une obligation de négocier dans les entreprises de plus de 50 salariés. Le défi, plus que la hausse des prix, est de faire tourner les mécanismes institutionnels de protection des plus faibles et de négociation collective.

Parmi les syndicats qui haussent le ton, on en retrouve qui sont adossés à des partis de la coalition gouvernementale. Cela ne fausse-t-il pas la vision d’après vous ?
La quadrature du cercle n’est pas ce qu’il y a de plus intéressant pour les gens concrètement confrontés aux problèmes matériels de la vie. La cohésion sociale est l’affaire de tous et il faudra bien que l’absorption de la hausse des prix se déroule au mieux de la stabilité des relations professionnelles dans l’ensemble du tissu productif et des activités du pays. Des collectifs de travail bien représentés, écoutés et dont les intérêts sont pris en compte pourront apporter des améliorations de productivité et de qualité qui sont, au final, l’unique outil de sauvetage de l’emploi et des revenus. Ceci exige l’effort de tous et l’abandon des jeux de posture qui n’intéressent finalement que leurs auteurs.
Le Premier ministre exerce de cette façon ses responsabilités au regard de la cohésion sociale.

Quel regard portez-vous en général sur le bilan social du gouvernement Jettou ?
 L’histoire retiendra que ce gouvernement est le premier à avoir pu faire voter le fameux «Code du travail» annoncé depuis plus de trente ans. Il a fait passer la loi sur l’assurance maladie obligatoire. Je n’oublie pas non plus que ce gouvernement a monté avec succès en décembre 2005 la conférence des Intégrales de l’investissement dédiée à la responsabilité sociale des entreprises, un événement marqué par un discours royal remarquable qui a sérieusement conforté la réputation internationale du Maroc auprès des entreprises et des investisseurs multinationaux. J’observe aussi que la fréquence des conflits collectifs du travail a été réduite par trois au cours des cinq dernières années et que les relations institutionnelles entre les partenaires sociaux semblent maintenant plus apaisées.

Seize centrales syndicales prennent part aux élections pour le renouvellement du tiers de la Chambre des conseillers. N’est-ce pas trop pour un pays comme le Maroc ?
Vous avez raison, ce nombre est surréaliste de même que le nombre est surréaliste des candidatures provenant des Chambres d’agriculture, de commerce ou de l’industrie qui sont, elles aussi, patronnées par les partis politiques. C’est vrai que l’expérimentation d’une démocratie en construction peut donner lieu à des excès que la maturité corrigera.
Mais c’est vrai aussi que lorsque le vote pour un délégué du personnel à une commission technique paritaire ou que l’élection d’un(e) représentant(e) à une section provinciale d’une chambre d’artisanat deviennent une compétition de partis, le risque est gros qu’il n’y ait plus de sens du tout à la notion même de vie politique.

A un an des élections, certains syndicats revendiquent un nouveau dialogue social. Qu’en pensez-vous ?
Le dialogue social est la vocation des représentants des salariés et des employeurs comme Monsieur Jourdain fait de la prose. Il ne se revendique pas, il s’établit et s’exerce lorsque ses conditions sont réunies. Les syndicats représentatifs, implantés dans les entreprises ayant des mandats et des objectifs, rencontrent naturellement des employeurs ou des responsables des ressources humaines pour dialoguer et conclure des contrats avec eux. Les grandes messes, rendues célèbres par les méthodes des années 1980 et 1990, où tout le monde était autour de la table, autour du gouvernement, ne sont pas toujours les plus fructueuses. 

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