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Benyahia : «Il faut réformer le manuel scolaire»

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ALM : Comment réagissez-vous au taux de réussite dans la première session du baccalauréat ?
Mohamed Benyahia : Je ne suis pas du tout surpris par le petit nombre d’élèves qui ont réussi à franchir le cap du bac. Je vais aller même plus loin en affirmant que ce taux va encore plus se dégrader dans les années à venir. Il n’est pas possible de changer cette situation, tant que les enseignants parlent une langue et les élèves une autre.
Que voulez-vous dire par là ?
Il existe un hiatus, une coupure, une montagne entre la langue des manuels scolaires et le langage parlé par les élèves. Avec des manuels très mauvais, il faut s’attendre à des résultats désastreux. A mon avis, la principale raison de la dégradation du niveau des élèves vient des manuels. Ils sont écrits dans une langue qui est à mille lieues des préoccupations des élèves.
Vous faites allusion aux manuels écrits en arabe ou dans une langue étrangère ?
Les manuels en arabe sont écrits dans une langue qui éloigne les élèves de leur quotidien. Je vous donne un exemple : j’étais en train de réviser avec ma fille, et à chaque page, je bute contre des mots, empruntés à un arabe parlé au moyen âge. Pourquoi diable écrire «koub», alors que le mot «kaâss», qui est très correct et désigne le même objet, ne trouve pas grâce aux yeux des auteurs de ces manuels ?
Vous voulez dire que le manque de communication entre le monde des élèves et la langue des manuels est en partie responsable du petit taux de réussite ?
Ce que je veux dire, c’est qu’aucune réforme de l’éducation nationale ne peut réussir tant que l’élève communique dans les écoles avec une langue qui n’est pas la sienne. L’élève ne peut pas continuer de prononcer une phrase sans recourir à un dictionnaire. Ce n’est pas possible. Il est tout de même censé parler la langue véhiculée à l’extérieur. Or, force est de reconnaître que l’arabe classique place les élèves dans des situations déréalisantes ou schizophréniques. Il ne faut pas s’étonner qu’ils refusent d’entendre la langue que leur tient leur prof.
Mais cela a toujours été ainsi…
Et bien, il est temps que ça change, parce que le Maroc a changé. Nos enfants sont confrontés à de nouveaux outils de communication. Les enseignants doivent les suivre, venir à eux. Et dans toutes les réformes engagées au ministère de l’Education, on a oublié de miser sur l’humain. Les enseignants n’ont fait l’objet d’aucun cycle de formation ou de recyclage. Ils n’effectuent pas de stage. Le monde a changé autour d’eux, alors qu’ils continuent de dispenser leur enseignement dans une langue archaïque.
Que préconisez-vous à ce sujet ?
Aucune réforme ne peut réussir si l’on continue à communiquer un savoir dans une langue inadaptée. La révision des manuels est urgente. La langue marocaine comporte au moins 90% de mots qui peuvent être insérés dans des livres. Cela nécessite un travail, un chantier, des équipes de chercheurs. Mais le défi est à la hauteur des attentes. Et d’ailleurs, cela réconciliera les élèves avec la langue qu’ils parlent en dehors des murs de la classe.
Pourtant, la politique d’arabisation est censée enraciner encore plus l’enseignement de l’arabe classique…
Et elle a abouti à un échec. Regardez autour de vous, les élèves ne maîtrisent ni l’arabe, ni le français. Ils sont déphasés, parce que les outils de communication sont en inadéquation avec la langue qu’ils parlent dans la vie courante. La pièce maîtresse pour que cette situation change est le manuel scolaire. Autrement, on continuera à espérer réformer l’éducation nationale, tout en éduquant nos enfants dans une langue qu’ils ne comprennent pas.

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