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Boutayeb : «Les choses vont de mal en pis»

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ALM : Comment prépare-t-on un athlète ? Quelles sont les diverses étapes sur le plan technique, encadrement, etc. ?
Brahim Boutayeb : Tout d’abord l’athlète doit être un «athlète». C’est-à-dire avoir les dispositions et les capacités nécessaires pour le devenir. En général, les premiers pas se font de manière entièrement personnelle, le futur athlète évolue en tant qu’amateur, à l’école ou au sein d’un club. Il prend part aux diverses manifestations auxquelles il peut accéder et, petit à petit, il commence à évoluer. Un bon timing ou, pourquoi pas, un minima lui permet d’aborder des compétitions plus importantes. Au fur et à mesure qu’il avance son appétit croît et il commence à voir loin. Par la suite, il sera entouré d’un groupe de personnes qui vont l’assister. Cependant, la clé d’accès au statut d’athlète réside en un entraînement rigoureux et intensif. Cela dépend, d’une part, du niveau de la compétition, car, qu’elle soit nationale ou internationale, la préparation diffère. D’autre part, cela reste lié à la nature de la distance, chacune nécessitant un traitement propre.
En somme, la préparation d’un athlète n’est pas chose facile, notamment si l’on prend en considération le manque étouffant de moyens, car il faut continuellement effectuer des stages pour pouvoir se perfectionner.
Au niveau du Maroc, y a-t-il un vrai travail de prospection pour dénicher ce que l’on appelle communément des «spécimens» ?
J’estime qu’effectivement, il y a un travail de prospection. Chaque année, des compétitions sont organisées au niveau de toutes les villes disposant d’une piste d’athlétisme. Certaines villes ne disposant pas de pistes peuvent participer dans des villes limitrophes, comme le cas de Fès, dont les prétendants se dirigent vers Meknès.
Mais la prospection n’est pas une chose évidente car, sur 200 ou 300 participants, estimez-vous heureux si vous arrivez à dénicher une graine d’athlète. Ce n’est pas facile. À ce niveau, également, on remarque une sorte de clientélisme qui est en train de sévir. Les pistons sont légion. Les relations de copinage et de voisinage interviennent beaucoup, tout comme les origines qui pèsent dans la sélection de tel ou tel spécimen.
Généralement, l’athlète se forme tout seul et passe aux devants de la scène par ses propres moyens, sans avoir à être pris en main. C’est comme pour le football, on s’attèle à lancer des opérations de prospection, mais il suffit d’aller dans un quartier populaire et vous pouvez facilement ressortir avec deux ou trois bons footballeurs.
Il y a un sérieux problème de relève au Maroc, quel commentaire en faites-vous ?
La relève est dans ce contexte une chose imprévisible. On ne peut savoir qui de tel ou tel jeune créera la surprise. Le problème de relève est, certes, omniprésent. Auparavant, nous avions l’honneur d’être représentés par 5 ou 6 athlètes dans le même meeting international. Aujourd’hui, vous ne trouvez que Goumri et El Guerrouj, ce qui est très peu. On constate qu’il y un éloignement entre les athlètes et la fédération.
Justement, quelles sont les causes de ce divorce ?
À vrai dire, ce ne sont pas les irrégularités qui manquent. Il y a nécessité de procéder à la révision de plusieurs choses. Il faudra introduire une politique de contrôle au niveau de la fédération. Parfois, des athlètes ne perçoivent pas un sou pour leur labeur. Je pense que lors de la cérémonie précédant les Jeux Olympiques, l’on assistera à quelques protestations. Au niveau de la fédération, on n’arrive pas à rencontrer le président. Il n’y a personne pour vous écouter. En définitive, cette fédération est gérée par deux personnes : le trésorier et le directeur technique national.
Comment expliquez-vous la «fuite» d’athlètes marocains pour évoluer sous d’autres cieux, sous d’autres drapeaux ?
Il y a tout d’abord des problèmes au niveau de la fédération. Il y a un climat de malaise qui s’est installé. Le DTN détient tous les droits de vous sélectionner ou de vous évincer. Il suffit que vous soyez en contradiction avec lui, ou tout simplement que vous ayez une vision différente pour vous faire virer. Il y a des règlements de comptes et il ne suffit pas d’être bon coureur pour figurer au sein de l’équipe nationale.
Vous savez, on trouve parfois des athlètes remarquables, mais qui peuvent être quelque peu «disjonctés», ce qui les empêcherait de faire correctement leur travail. On reproche à d’autres leur insolence. Bref, on ne peut être sûr de rien et la stabilité est impalpable. Les gens qui partent ailleurs cherchent également à assurer leur avenir. Ils disposent d’un bon salaire, équivalent à 8.000 DH, ils sont logés et totalement pris en charge. Ils font le choix de faire leurs stages là où ils le désirent et l’on s’occupe d’eux comme il se doit. De surcroît, ils perçoivent des primes colossales qui varient en fonction de leurs exploits.
Selon vous, comment peut-on remédier à ce phénomène ?
Le problème se situe au niveau de la fédération, il faut la soigner. Il est d’abord à rappeler que l’on ne dispose que d’un Comité provisoire, dont la validité ne peut excéder 3 ans. La fédération doit avoir un président avec qui l’on pourrait discuter. Ceci est d’autant flagrant que c’est une grande fédération, qui recense des athlètes de renommée internationale. Vous savez, on peut se présenter avec un programme bien ficelé et l’on vous dit que ça a été transmis au président. Eh bien, vous pouvez toujours attendre ! Pour être franc, les choses vont de mal en pis.
Quelles seraient alors les raisons de ce comportement ?
Il y a des intérêts personnels à préserver, les avantages, les voyages, etc. D’aucuns y ont trouvé une vache laitière abondante, c’est pour cela que le statu quo est gardé autour de la situation. Il y a urgence de tenir une Assemblée générale, seule à même de provoquer un changement en profondeur et instaurer une véritable démocratie. Il serait également pertinent d’évoquer l’existence de lobbies, que ce soit au sein de la fédération ou même au niveau des Ligues, sujettes à la formation de clans, les uns contre les autres…

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