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Bruno Dubois-Roquebert : «Il faut combattre l’oubli»

ALM : Savez-vous comment votre père, le Dr Henri Dubois-Roquebert, est mort lors du putsch de Skhirat en 1971?
Bruno Dubois-Roquebert : J’ai appris récemment la manière avec laquelle mon père a été tué. C’est grâce au témoignage de M. Mrini, responsable du protocole royal, et qui était présent sur les lieux, que j’ai su comment mon père est mort. En fait, il y avait deux groupes d’invités, ce jour-là. Un petit groupe, installé près de la piscine et un grand, un peu plus loin.
Mon père était dans le premier. Après leur arrivée, les putschistes ont tenu en joug les invités. Ils n’avaient pas le droit de bouger. Profitant du manque de vigilance du militaire qui les surveillait, les invités du petit groupe ont rejoint ceux du grand groupe… sauf mon père qui a glissé sur la nourriture renversée par terre. Le militaire s’est approché vers lui et l’a abattu à bout portant.
Qu’avez-vous fait après la disparition de votre père ?
Nous sommes restés avec ma mère. Nous étions trois enfants. Mon frère était âgé de 22 ans, ma soeur de 18 ans et moi de 21 ans. Il va de soi que notre vie a complètement basculé. Tous nos projets ont été remis en question. Nous nous sommes débrouillés tous seuls. Sur ce point, je rappelle que j’ai dédié le livre de mon père à ma mère qui habite aujourd’hui à Rabat. D’ailleurs, on s’en est sorti grâce à elle.
Avez-vous été indemnisés ?
Il y a eu un début d’indemnisation pour l’ensemble des familles victimes du putsch de Skhirat. Nous avons reçu une somme d’argent, 200.000 DH, qui nous a aidés dans un premier temps. Mais c’était relativement modeste. Nous avons fait avec. Pourtant, tous les pays mettent en place, dans pareils cas, des mécanismes de soutien et d’indemnisation. Et je suis étonné que ceci n’ait pas été fait.
Trouvez-vous normal que ceux qui ont exécuté votre père, en 1971, bénéficient d’indemnisations et pas vous ?
Ma famille a une position bien précise concernant cette question. Après les évènements de Skhirat, la Justice a dit son mot. Nous n’avons pas remis en question ces jugements. Et nous ne le ferons pas. Toutefois, au cours de l’exécution des peines, certains détenus ont été victimes de violations des droits de l’Homme. Ils ont donc été indemnisés à ce titre. Et nous considérons que c’est une chose normale.
Le plus important pour vous, c’est le sort réservé aux victimes et à leurs familles.
Effectivement. Les victimes du putsch devaient être considérées comme des héros, comme des combattants mort, sur le champ d’honneur. Ce qui me choque, c’est que les enfants des victimes de Skhirat n’aient pas été déclarés « pupilles de la Nation ». Les femmes devaient bénéficier du statut de « veuves de guerre ». Les familles des victimes devaient jouir d’avantages dans les domaines de la santé, de l’éducation, etc. Il y a eu un sérieux manquement à ce niveau-là.
Comment vivent, à votre connaissance, les autres familles de victimes de Skhirat ?
Les souffrances morales sont pratiquement les mêmes pour toutes les familles. La mort de leurs parents les a entraînés dans une détresse profonde. Je sais que certaines familles ont sombré dans des misères indescriptibles. Mais le pire est que toutes ces familles ont été complètement oubliées. Et c’est justement cet oubli qu’il va falloir combattre.

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