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Cadrage : La condition humaine

La famille de la chanson marocaine est en deuil. Elle vient de dire adieu à l’un des derniers grands noms qui ont marqué de leur empreinte et déterminé le style de la chanson moderne. Authentiquement marocaine. Feu Brahim El Alami vient de s’éteindre, et l’hommage unanime qui lui est rendu par ses pairs est à la mesure du talent et des qualités de coeur. La générosité de cet artiste dont tout le monde a fredonné les airs, fait partie intégrante de notre patrimoine culturel et artistique.
Dans le recueillement qu’appelle une telle perte, dans l’accomplissement du devoir de mémoire à l’égard de l’illustre défunt, dans l’expression de la modestie de notre condition d’humains devant le destin, on ressent cependant une certaine amertume. Un sentiment rageant d’impuissance nous envahit à la vue de la condition d’artiste dans notre pays et du peu de cas fait de ces dépositaires des valeurs esthétiques et de l’imaginaire de tout un peuple.
Des noms, hélas nombreux et parfois complètement oubliés, qui ont choisi par amour et par sensibilité ce parcours difficile d’embrasser le métier d’artiste. Cela s’est fait souvent aux dépens de leur vie personnelle, de leur bien-être sans qu’ils ne soient payés au retour ni matériellement, ni par ce prix moral qu’est la reconnaissance. C’est terrible, mais l’artiste chez nous vit ce contraste, tout aussi terrible, de se faire aduler par le public et de quitter la scène dans l’anonymat, voire dans l’ingratitude et la misère. Rappelez-vous Mohamed Hayani, qui fut l’une des meilleures voix arabes et dont la célèbre chanson «Rahila » a fait le tour du monde arabe. Il est mort dans la fleur de l’âge et au lieu de lui rendre hommage et de prendre soin de sa famille, tout le monde a oublié ce qu’il a donné à chacun de nous et à son pays. Tout le bonheur qu’il nous a procuré par ses formidables chansons s’est transposé en misère pour sa petite famille qui fut délaissée à son terrible sort. Dans la conscience collective, on a l’impression que les chanteurs marocains sont des gens riches qui mènent la belle vie. Or le temps , la maladie et leurs misères respectives démontrent tout à fait le contraire.
Le célèbre chanteur, Maati Belkacem, a vendu sa voix moyennant des cachets dérisoires depuis l’indépendance jusqu’à sa mort. Quand il est tombé malade, sa femme a déclaré en pleurs devant la caméra de la télévision qu’elle n’avait pas de quoi payer les frais de son hospitalisation. C’est triste, mais c’est la réalité de l’artiste marocain qui n’arrive pas à vivre de son métier et ne bénéficie pas de couverture sociale.
L’autre chanteur défunt, Ismail Ahmed, n’a-t-il pas été rongé par la maladie sans qu’il ne trouve , lui non plus, les moyens financiers pour se soigner. Heureusement que ses collègues lui ont organisé une soirée d’hommage qui lui a rendu le sourire avant de quitter ce monde. La liste de la précarité de la condition humaine de nos artistes n’est pas, hélas, exhaustive. Alors, jusqu’à quand ce pays continuera-t-il à faire un si triste sort à ceux qui en chantent les heurs et les malheurs.

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