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Casablanca : des faussaires en action

© D.R

Une ténébreuse affaire d’escroquerie, de faux et usage de faux, secoue depuis quelque temps les services de douane du port de Casablanca. Entre les mains du juge d’instruction Me Guergati près la première Chambre criminelle de la Cour d’appel de la ville, le dossier, qui n’a pas encore livré tous ses secrets, a besoin, selon une source proche de l’affaire, d’une nouvelle enquête policière approfondie.
Le litige porte sur un lot de 8 containers de 40 pieds renfermant du tissu importé de Chine. C’est une société marocaine de la capitale économique du nom de "Sentier" qui a passé commande auprès d’un fournisseur de Shanghai. Seulement voilà, le destinataire des containers ne répondra jamais à l’avis d’arrivée de ces derniers lancé à plusieurs reprises par un transporteur maritime de la place qui a pignon sur rue. Lequel transporteur sera saisi plus tard par l’exportateur pour que les 8 containers en déshérence au port lui soient réexpédiés tout en s’engageant de prendre en charge tous les frais occasionnés par cette opération. La déclaration de retour  sera effectivement déposée et enregistrée, le 11 novembre 2005,  auprès des services de douane du port de Casablanca par le transitaire mandaté par l’entreprise maritime en question pour une action de transbordement via le port de Valence en Espagne. Mais quelle ne fut la surprise de l’armateur quand il apprendra que 3 containers du lot ont quitté, le 21 décembre 2005, le port de la capitale économique pour le compte du “Sentier“. La compagnie maritime  réussira toutefois, par l’intermédiaire de son avocat Abdelhaq Ksikes, à opérer une saisie conservatoire sur les 5 restants. Certes, le “Sentier“ est le destinataire initial de la marchandise, mais pour pouvoir en devenir le véritable propriétaire, il aurait fallu qu’il s’acquitte au préalable auprès de l’opérateur maritime des divers frais du transport (fret, surestaries…) et surtout produire les fameux connaissements pour chaque container . Des documents destinés à montrer que l’importateur a bel et bien payé au fournisseur  le prix intégral de la marchandise importée. Chose qui n’a jamais été faite. D’ailleurs, la banque marocaine, chargée de l’opération, atteste n’avoir pas effectué les transferts d’argent relatifs aux 8 containers. Scandale…
Alors comment se fait-il que les services douaniers du port de Casablanca aient autorisé la sortie des 3 containers sans que les responsables du “Sentier“ n’aient présenté  les documents nécessaires et surtout sans tenir compte de l’enregistrement dans la centrale informatique de la douane du port de la déclaration de retour des containers à l’expéditeur chinois ?  C’est ce que la police judiciaire a tenté de déterminer en interrogeant les protagonistes du dossier. Sauf le principal concerné, à savoir le patron du “Sentier“, Amine Tazi, qui a quitté le Maroc le 28 décembre 2005 vers une destination inconnue. L’intéressé, en délicatesse avec l’administration des douanes et autres clients sur plusieurs affaires, est apparemment en état de fuite. S’agit-il d’un réseau de trafic de connaissements entre le Maroc et la Chine ? Les enquêteurs soupçonnent pour le moment une falsification des bons à délivrer de l’armateur qui a déposé d’ailleurs une plainte contre X, le 26 janvier, pour escroquerie, faux et usage de faux.
Dans ce cadre, les enquêteurs ont procédé il y a deux semaines environ à l’arrestation de Marwane Bennani, patron de l’Union Transit Express. Celui-ci n’est autre que le fils du président de l’association des transitaires du Maroc Abdelwahab Bennani. C’est ce dernier qui  répond à la place de Marwane – libéré sous caution d’un montant de 50.000 DH mais placé sous contrôle judiciaire en vertu de l’article 161 du code pénal et soumis à une mesure de blocage aux frontières pour sa responsabilité dans la sortie jugée frauduleuse d’un des 3 containers au profit du “Sentier“.
“ Mon fils n’a rien à voir avec cette histoire, jure à grands trémolos Abdelwahab Bennani. Pour preuve, il a procédé à toutes les formalités légales  nécessaires pour sortir la marchandise du port de Casablanca“. Et de brandir les documents à l’appui de ses dires dont une facture relative au container de la discorde affichant en euro l’équivalent de près  de100.000 DH alors que la valeur moyenne de la marchandise des containers en question tourne autour de 58.000 dollars chacun ! Il ne peut s’agir dans ce cas d’espèce que de sous-facturation qui fait des ravages dans l’économie marocaine. Ce qui est un autre problème.
Mais ce que ne dit pas Abdelwahab Bennani, qui possède par ailleurs une affaire de Transit du nom de Trans Express Bennani, c’est qu’il a dépêché un huissier de justice auprès de la compagnie maritime casablancaise, juste après l’arrivée au Maroc de la commande du “Sentier“. Une information capitale qui pourrait tout expliquer. Objectif de la procédure :  opérer une saisie-conservatoire sur le contenu des 8 containers.
Le document de l’agent judiciaire daté du 8 novembre 2005 explique les raisons de cette action qui n’a évidemment pas abouti : le “Sentier “ est redevable à l’entreprise de Bennani, dans le cadre de ses relations d’affaires, d’une somme de plus d’un million de dirhams sans compter les pénalités de retard.
Voilà que le fils se trouve comme par hasard embarqué dans une opération de “dédouanement“ contestée pour le compte du “Sentier“ alors que le  père  avait par ailleurs tenté de saisir la marchandise destinée à  ce dernier  !  Et les deux autres containers? Ils ont été sortis de la même manière par une société de Transit baptisée APC ( Alliance portuaire Casablanca) dont les dirigeants ne sont pas identifiés. Du moins pour le moment. En sa qualité de représentant des transitaires, M. Bennani n’a pas voulu nous communiquer leurs noms. Cette enseigne, selon une source douanière, appartiendrait également à son fils Marwane. Ainsi celui-ci possèderait-il deux sociétés de Transit.
Voilà qui est de nature à éclairer cette histoire obscure d’un jour nouveau. En attendant l’ouverture du procès qui démêlera le vrai du faux et déterminera la responsabilité de chacun, plusieurs  questions de  fond  restent posées ? Qui a falsifié les bons de sortie du transporteur des containers qui au demeurant possède toujours les originaux et dans quel but ? Et puis, comment se fait-il que des containers qui ont fait l’objet d’une action de retour à l’exportateur dûment enregistrée dans les ordinateurs de la douane du port de Casablanca ont-ils pu quitter ce dernier ?  Qui a manipulé le système informatique réputé infaillible et à qui cela profite réellement ?


 Douane : Les tics de l’informatique


La société "Le Sentier" a été  "blacklistée" en Chine suite à cette affaire. Le fournisseur chinois a même saisi son ambassade à Rabat au sujet du litige commercial en question . C’est ainsi que le deuxième et le troisième secrétaires se sont déplacés jusqu’au port de Casablanca le 15 décembre 2005 en compagnie du transitaire mandaté par l’armateur. Mais les 8 containers ne seront jamais réexpédiés. Les 5 unités, après la sortie jugée frauduleuse des 3 autres, verront leur déclaration de retour annulée en février dernier sur demande de l’exportateur qui aurait trouvé un nouvel acheteur à Casablanca en lieu et place du défaillant "Sentier".
Ce scandale  accuse directement le système électronique de la douane et, au delà, toute la section de Casa Port, d’où transitent une bonne partie des marchandises entrant et sortant du Maroc. Ces derniers mois, l’Administration des douanes a été au centre de plusieurs cas de dédouanement jugés irréguliers. Fausses déclarations et falsification de  valeurs se succèdent les unes après les autres. La procédure de  déclaration en douane qui doit être acheminée en circuit fermé n’est plus respectée. 

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