Jamais un réseau terroriste n’aura été aussi bien structuré, équipé, rusé et dangereux, comme celui d’Abdelkader Belliraj, qui vient d’être démantelé. Le butin découvert, – un impressionnant lot d’armes et de munitions -, l’effectif humain mis en réseau et des cibles au plus haut sommet de l’Etat visées par des bombes humaines. Le Maroc a bel et bien évité le pire. L’irréparable. Les services de sécurité, – faut-il le cacher -, ont réussi la plus belle opération antiterroriste qui soit depuis 1994. Mais, sans emphase, ni effet de manches, le ministre Benmoussa s’en tient à l’essentiel. Le moment est grave. Tout aussi grave que le noir stratagème monté par le réseau du terroriste Belliraj, le plus dangereux qu’ait connu le pays. En ligne de mire : d’éminentes personnalités marocaines. «Parmi les objectifs du réseau, figurent des attentats terroristes à l’aide d’armes à feu et d’explosifs et l’assassinat des personnalités marocaines en vue, dont des ministres, des hauts officiers des Forces armées royales ainsi que l’assassinat de citoyens marocains de confession juive», a dévoilé le ministre Benmoussa, lors de la conférence de presse qui s’est déroulée en présence notamment du général de corps d’armée Hosni Benslimane, commandant de la Gendarmerie royale, de Charki Draiss, directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), et Mohieddine Amzazi, directeur général des Affaires intérieures au ministère de l’Intérieur. Le réseau Belliraj visait, donc, des symboles de l’Etat et avait dans le collimateur les attributs civilisationnels acquis de haute lutte par les Marocains, à savoir la tolérance, la coexistence et la convivialité, vécues en dehors de toute distinction de couleur, de culture, ou de religion. Or, ce sont des citoyens marocains de confession juive, et donc un symbole fort de notre tradition de tolérance, qui avaient été pris pour cible. Les objectifs tracés par le réseau étaient aussi dangereux qu’exécrables. Tous les moyens étaient permis pour mettre à exécution cet ignoble dessein. D’après le ministre Benmoussa, le réseau avait mis à profit, depuis sa création en 1992 à Tanger, trois sources de financement : braquages de banques, recels et contributions directes de membres de la structure terroriste. S’agissant de la première source, le ministre en a voulu pour exemple (et preuve) le braquage réalisé en 2000 du siège central de « Brinks » au Luxembourg par un membre du réseau « Belliraj », avec la complicité de truands européens, dont le butin a été d’une valeur de 17,5 millions d’euros. Cette opération a permis au réseau d’introduire au Maroc, en 2001, l’équivalent d’un montant de 30 millions de dirhams. Ces fonds, ajoute le ministre, «ont été investis, aux fins de leur blanchiment, dans des projets touristiques, immobiliers et commerciaux, dans plusieurs villes du Maroc», notamment à Marrakech, où Belliraj avait édifié un hôtel qui tenait, clandestinement, lieu de QG pour les membres du réseau. Le gérant de cet hôtel n’était autre que le frère de Belliraj, prénommé Salah. Les recels, eux, ont porté sur des bijoux volés en Belgique, qui ont été, ensuite, introduits au Maroc et transformés en lingots par un membre de la structure terroriste, orfèvre de son état, pour être revendus. Il s’agit d’Abdellah Remmache, aujourd’hui sous les verrous. Reste, les contributions directes des membres du réseau. Ces dernières ont été investies dans le financement des entraînements des membres du réseau. Le gros paquet a servi notamment à l’achat d’un arsenal fait, entre autres armes, de fusils d’assaut Kalachnikov munis de chargeurs, de fusils-mitrailleurs de marque «UZI» (de fabrication israélienne) et d’une trentaine de pistolets en provenance de l’Espagne et du Brésil. Cet impressionnant lot d’armes et de munitions « a été introduit au Maroc sur deux étapes. La première s’étend sur la période allant de 1993 à 1994, et la deuxième, sur toute l’année 2000 », a indiqué le ministre de l’Intérieur. Maintenant, en ce qui concerne l’effectif humain, le terroriste Belliraj, qui «s’est imprégné profondément de la pensée salafiste», a fait jouer ses relations avec d’anciens dirigeants des mouvements islamistes radicaux pour constituer son réseau. Il s’est «approvisionné» notamment au sein de l’ex-«Jamaâ des frères musulmans», «Talaii Al islamia», «Hizb Attahrir Al Islami», «Mouvement révolutionnaire islamique marocain», «Mouvement des Moujahidin au Maroc» et, last but not least, auprès de la «Chabiba islamia», qui nourrissait un projet de déstabilisation du Royaume. Ce sont justement les anciens membres de ces organisations à soubassement jihadiste que l’on peut retrouver sur la liste des personnes arrêtées dans le cadre du coup de filet antiterroriste mené par les services de sécurité ces dix derniers jours dans les villes de Kénitra, Salé, Casablanca, et Nador. Une véritable « pieuvre » aux ramifications qui n’ont de frontières que celles du pays, structurées autour d’un projet macabre : porter atteinte à l’un des principes les plus sacrés des droits de l’Homme : le droit à la vie. Le ministre Benmoussa n’a pas manqué de le souligner, sur un ton qui ne laisse aucun doute sur la fermeté de l’Etat et sa détermination à protéger la sécurité et la stabilité du pays.
Les connexions internationales du réseau
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«Al Badil Al Hadari», «Hizb Al Oumma», le versant «politique» du réseau terroriste
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Un arsenal sophistiqué selon l’expert de la DGSN
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