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Chbaâtou, le Sahara et les Russes…

Personne ne s’est jamais posé cette question pourtant aussi évidente que nécessaire : pourquoi la Russie de Poutine nous fait depuis quelque temps des misères à propos de l’affaire du Sahara marocain ? La réponse se trouve moins chez les chefs de la diplomatie marocaine que chez le ministre de la Pêche Saïd Chbaâtou.
Les Russes en veulent aux Marocains pour n’avoir pas reconduit l’accord de pêche (qui a expiré en 2000) sur le pélagique ( la sardine essentiellement) permettant depuis des années à leur flotte de venir jeter ses filets dans les zones poissonneuses des provinces sud du Royaume.
En fait, le ministère de la Pêche, sous la houlette de M. Chbaâtou, était désireux de proposer un nouvel accord revu et corrigé dans le cadre de sociétés mixtes maroco-russes. Une commission technique du département de tutelle a effectué, il y a quelques mois, un voyage en Russie pour faire part à leurs interlocuteurs des nouvelles propositions du ministre.
A priori, les responsables russes n’y voyaient pas d’inconvénient, sauf qu’ils ont exprimé clairement, d’entrée de jeu, leur réticence quant au retard que ces éventuels réaménagements allaient occasionner : la procédure administrative et politique de ratification d’un nouvel accord risque de prendre deux ans minimum, arguent les Russes. D’où la préférence pour ces derniers, histoire de gagner du temps, de reconduire l’accord dans les mêmes termes que le précédent: la même quantité habituelle (100.000 tonnes par an) et sans introduction de sociétés mixtes comme le souhaite le ministre marocain .
La délégation dépêchée par M. Chbaâtou assurera son homologue russe que sa revendication ne devrait pas poser problème et que l’aspect politique qui n’est pas de son ressort doit être toutefois négocié au Maroc. Quelques semaines plus tard, Igor Ivanov, le ministre russe des Affaires étrangères, se rendra effectivement début avril dernier dans le Royaume où il sera reçu par S.M le Roi. L’entrevue entre le Souverain et le chef de la diplomatie russe se passe dans un climat de bonne entente. Néanmoins, M. Ivanov a dû revenir chez lui bredouille. Le ministère de la Pêche n’ayant rien préparé comme convenu entre les deux parties lors de leurs négociations à Moscou. Valeur aujourd’hui, la flotte russe, faute d’accord qui satisfasse les demandes de son gouvernement , ne pêche pas dans les provinces du sud comme cela a toujours été le cas du temps l’ex-URSS. Depuis le démembrement de l’empire soviétique en 1991, c’est la Russie qui a hérité de cette forme de coopération halieutique avec le Royaume. En vérité, le fait de permettre à l’ex-puissance socialiste de pêcher dans les côtes sud du pays équivalait pour le Maroc à une reconnaissance implicite par cette puissance de sa souveraineté sur ses provinces sahariennes. En somme, un partenariat qui a une valeur politique, symbolique et diplomatique dans la recherche inlassable du Maroc de s’allier le soutien des pays qui comptent dans la défense de sa cause nationale. D’ailleurs, la riposte russe ne s’est pas fait attendre. À la première occasion, elle s’est opposée énergiquement au sein du Conseil de sécurité à l’option de l’autonomie du Sahara dans le cadre de la souveraineté marocaine ( la loi-cadre), un projet défendu par les Etats-Unis, la France et l’Angleterre. La réponse du berger à la bergère…
C’est la première fois que Moscou, qui est devenu actuellement une espèce de porte-parole des thèses algériennes, prend clairement et officiellement une position hostile sur le dossier du Sahara. Ce n’est pas étonnant. Il fallait même s’y attendre puisque le ministre de la Pêche est passé par là…
Alors, Saïd Chbaâtou ignorait-il le caractère ultra sensible de la présence russe dans les cotes du sud pour se permettre d’imposer souverainement et à l’unanimité de nouvelles conditions pour la reconduction d’un nouvel accord de pêche avec Moscou ? Pourquoi l’intéressé a-t-il tenu à réviser l’accord de pêche en question au risque d’irriter la partie russe là où il fallait normalement prendre en compte les intérêts stratégiques du Maroc ? Et puis, c’est quoi cette affaire de “sociétés mixtes“ dans le pélagique , de quelle vision profonde se nourrit-elle ? On ne modifie pas unilatéralement un accord politique de cette envergure comme on change de couleur partisane. Force est de constater aussi que l’attitude pour le moins déroutante du ministre dans ce dossier est intervenue à un moment où l’affaire du Sahara prenait un tournant décisif. Le gouvernement Youssoufi a-t-il donné son aval à ce brutal changement d’orientation dans sa politique de pêche pratiquée jusqu’ici envers la Russie? Une politique qui va évidemment au-delà des aspects techniques, puisqu’elle sous-tend des implications politiques considérables, voire graves. C’est pour cela qu’il est urgent de rendre des comptes et que le ministre nous explique quel intérêt avait le Maroc à braquer la Russie sur un sujet national aussi vital ?

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