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Comment faire du blé au Maroc

© D.R

La politique marocaine du blé se résume en un chiffre : 180 milliards de centimes. Une débauche financière nécessaire chaque année pour maintenir le quintal de blé tendre au prix de référence de 250 dirhams.
Chaque année, le ministère de l’Agriculture, celui de l’Economie, des Finances, l’ONICL, les producteurs et les minotiers, doivent, au terme d’un véritable exercice d’équilibriste, arriver à ce compromis social.
L’argent dépensé est destiné à aider les couches défavorisées. «En fait, souligne un négociant en céréales, la subvention profite à tout le monde, sauf à ces couches sociales, puisqu’on n’est jamais arrivé à écouler le kilogramme de farine nationale de blé tendre (la fameuse FNBT) à son prix théorique de 2 dirhams, mais souvent à 2,8 dhs voire 3 dirhams ». Où va donc l’argent de la subvention ?
Dans les mains des minotiers à raison de 140 dirhams par quintal. Peut-être ailleurs aussi. Le blé s’égare parfois en chemin. Cela a été vérifié en 1990, suite à la découverte d’un détournement par les responsables de l’Association professionnelle des minoteries d’un montant de 19,7 milliards de dirhams, versés sur le compte de l’APM par le biais de l’ONICL.
L’affaire devenue «le scandale des minotiers » n’a pas encore révélé tous ses secrets. Mais c’est l’électrochoc qui a rendu nécessaire la réforme de toute la filière. Tous les changements opérés jusque-là se heurtent naturellement sur l’enjeu financier.
Il était question au printemps dernier de revoir toute la machine de la subvention. A l’époque, ALM s’était fait l’écho des réunions tenues entre les différentes parties évoquées ci-dessus au sujet du redéploiement de la subvention vers le producteur. Il était question de soutenir directement le blé, le producteur et non la farine. Etait également attendue, la baisse la subvention de moitié à l’horizon 2006. Aujourd’hui, c’est le statu quo.
On ne parle plus de la réforme qui était prévue entrer en vigueur le premier juillet. Mais en revanche, la même politique de protection de la production nationale a été reconduite. Dès le premier juin en effet, les droits de douane ont été revus à la hausse avec, pour la première tranche, un taux de 100%. De même, l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL) a émis son communiqué traditionnel, précédant la période de réception des quantités offertes jusqu’au 1er septembre avec des primes de magasinage de 2 dirhams par quintal et par quinzaine et une marge de rétrocession de 8,8 dirhams par quintal. L’appel d’offres continuant à régir les contingents tarifaires.
Mais, même au taux maximal de 100%, la tonne de blé en provenance de l’étranger arrive au Maroc avec un prix de 260 dirhams, assez voisin en fin de compte au quintal. En France, le prix moyen du blé tendre se négociait courant juillet à 15 dollars le quintal, nettement en deçà des coûts de production au Maroc.
Le dossier du blé marocain pèse lourd sur les finances de l’Etat, mais, comme on le murmure dans les parages du ministère de l’Agriculture, «il s’agit d’un problème social ». On ne peut du jour au lendemain mettre fin à l’activité d’un million d’exploitants. Pourtant, la logique actuelle est mise à mal. L ‘accord de libre-échange conclu avec les USA est implicite sur la question de l’Agriculture appelée à se mettre à niveau. Le secteur du blé dispose de 15 à 20 ans pour se mettre au pas. Au-delà, il devra affronter les cargaisons américaines qui seront introduites au Maroc avec un droit à taux nul.
D’où d’ailleurs, la multiplication au printemps dernier des réunions sur la réforme de la subvention. «En subventionnant le blé, déclare un cadre du ministère de l’Agriculture, on encourage la production de plusieurs catégories de farines, de manière à toucher toutes les couches de la population ». Sauf que, en guise de réforme aujourd’hui, c’est un silence radio qui s’est imposé. Les fortes tendances baissières du marché international ne profiteront donc à personne.
Le Maroc disposant à l’intérieur de blé en quantité suffisante pour le consommateur mais pas par les moulins qui, après une phase d’investissements motivée par l’attractivité (de la subvention ?) vit aujourd’hui un retour de bâton sévère, ne fonctionnant qu’à 50% de son potentiel. En 2002, environ 20 moulins avaient mis la clé sous le paillasson et une dizaine étaient en redressement judiciaire. La réforme prévue sera donc d’autant plus douloureuse qu’elle risque de priver au secteur des minotiers (très social aussi), les moyens d’écraser leur blé. Dans tous les cas, minotiers et agriculteurs ne devront à la longue compter que sur eux-mêmes pour survivre. A moins que la réforme n’emprunte d’autres chemins.

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