Bassima Hakkaoui n’a réussi qu’à moitié à apaiser la colère des représentantes des associations féministes venues nombreuses à sa journée de réflexion sur les droits des femmes vendredi à Rabat.
A telle enseigne que le ministre de la justice et des libertés a été copieusement hué durant sa prise de parole par des associatives excédées par ce qu’elles ont estimé être le lâchage du gouvernement. Il est vrai que les choses se sont mal engagées dès le départ. Tandis que la ministre de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social a appelé à considérer que la question des droits des femmes dépassait le «cadre restreint des derniers événements et qu’il faut du courage pour en débattre à l’heure où la polémique fait rage», les représentantes de la société civile ont dit que le cas d’Amina Filali est le résultat d’une situation où les droits des femmes sont spoliés et l’écart entre les textes et la réalité des faits toujours aussi grand. Cet écart entre la norme et la réalité a été quasiment le seul point commun entre les deux interlocuteurs. Pourtant Bassima Hakkaoui a pris le soin d’annoncer ses bonnes intentions en précisant qu’elle, M. Ramid et le ministre délégué aux relations avec le Parlement et la société civile, sont venus pour pérenniser les liens avec la société civile et les organisations internationales dont plusieurs représentants étaient dans la salle. «Ma démarche procède d’une approche démocratique participative et nous sommes là pour écouter vos propositions», a-t-elle déclaré. Et encore : «Ce dont vous conviendrez sera pour nous une obligation». Pourtant à un moment des débats passionnés qui ont émaillé la rencontre, la ministre a laissé entendre que la révision de l’article 475 exigeait du temps tant l’affaire est liée aux mentalités. Ce renvoi sur le culturel d’une situation que les femmes considèrent comme étant du ressort du gouvernement dont le devoir est d’édicter les règles et de veiller à leur application, n’a pas apaisé les passions. Non plus que l’ouverture de centres d’accueil pour femmes violentées et la mise en service de structures pour les accompagner. En fait, Bassima Hakkaoui a donné plusieurs points qui ne sont pas la pénalisation automatique du viol que la société civile est venue chercher. C’est ainsi qu’elle a annoncé l’inventaire des problèmes règlementaires et juridiques qui contrarient l’amélioration de la condition des femmes et leur solution au moyen de la loi ou par intervention directe. Aussi, elle a prévu l’accompagnement social des filles séduites, l’étude des mariages conclus après viol, la création de centres de veille et d’enregistrement de ces cas, l’amendement des textes injustes, l’évaluation participative du Code de la famille et la veille à son application, le réexamen du projet de lutte contre la violence faite aux femmes et une mobilisation sociale en vue de changer les mentalités et pour l’application des règles constitutionnelles. Les représentantes des associations féminines qui pourtant avaient dit clairement qu’elles étaient venues pour l’abrogation de l’article 475 semblaient partagées sur l’accueil fait à ces propositions. Sans doute que celles qui ont accepté ont été sensibles aux arguments de la ministre qui leur a fait entendre que la révision dudit article n’est envisageable que dans le long terme ou y ont-elles été préparées par le plaidoyer de Mohamed Choubani. Défendant la cause des siens, celui-ci a déclaré que l’heure est grave et qu’il faut faire corps pour y faire face. Ou encore : le gouvernement actuel est quasiment un gouvernement d’union nationale et, ou il réussit et le Maroc ne s’en portera que mieux, ou – à Dieu ne plaise- il échoue, et c’est le bateau Maroc qui coulera. En réponse à ce plaidoyer, une des représentantes de la société civile a cependant rétorqué : «Vous dites gouvernement d’union nationale, que faites-vous de l’opposition dans ce cas-là»? Un exemple tout au plus de ce que furent les échanges ce jour-là. Le ministre de la justice et des libertés en a fait les frais et s’est vu vertement reprocher ses «sorties médiatiques». Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il a fait son mea culpa et a préféré parler de la nouvelle prorogation de la période transitoire de 5 ans pour l’enregistrement des actes de mariage traditionnels et la régularisation des situations matrimoniales qu’ils ont engendrées. Mais là également cela n’a convaincu qu’à moitié.