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Création et engagement

«Et toi, es-tu parmi ceux qui regardent ou parmi ceux qui mettent les mains à la pâte ? » C’est ainsi que le philosophe Nietzsche s’est adressé à ceux parmi les écrivains et les créateurs qui hésitent à prendre part aux convulsions qui agitent leur société. Pour les créateurs, la question de l’engagement se pose toujours par rapport à l’oeuvre. Où mettre cet engagement ? Il est difficile de fondre ces deux irréductibles : engagement social et création.
l’artiste-peintre ne peut se faire le chroniqueur-imagier des atrocités qui se commettent sur terre sans devenir ce que Pierre Alechinsky a appelé un « artiste nécrophage ». Peu d’écrivains ont réagi directement après le 11 septembre. En d’autres temps, en France au moins, des gens comme Sartre étaient les premiers à manifester leurs positions. Ils se sont parfois trompés. Exemple : octobre 1956, un mouvement insurrectionnel conduit par les étudiants et les intellectuels hongrois gagne peu à peu une masse de gens à Budapest et en province. À l’issue de cette insurrection, un nouveau gouvernement est élu démocratiquement ; il abolit le système du parti unique, réclame la neutralité et le retrait du Pacte de Varsovie pour la Hongrie. Le gouvernement soviétique ne tolère pas le soulèvement des Hongrois et envoie ses troupes pour « rétablir l’ordre » à Budapest. Deux jours suffirent à 2500 chars pour faire plus de bruit que les cris d’enthousiasme des Hongrois, et imposer le silence à Budapest. La répression a été sanglante et jeta dans le désarroi les communistes occidentaux. Sartre avait pris position en faveur de l’intervention des Soviétiques. Il s’est trompé. Mais peu importe, parce qu’il a eu le courage de s’exprimer sur cette affaire. La crainte de se tromper paralyse les écrivains, fait d’eux des spectateurs impuissants. Ils préfèrent s’enfermer dans une tour en ivoire au fronton de laquelle ils écrivent en lettres bien visibles : l’art pour l’art. Le droit à l’erreur est pourtant légitime.
Les personnes qui remplissent le champ de la création au Maroc s’engagent peu socialement. Ce n’est pas seulement une question de langue de bois, mais parce qu’on ne s’adresse pas toujours à elles pour les faire parler. Les journalistes devraient pourtant en faire des interlocuteurs privilégiés, les pousser à la parole. À cet égard, le peintre Fouad Bellamine précise que plusieurs actions sociales des artistes ne sont pas médiatisées. Les peintres marocains ont fait des dons en faveur de l’Iraq, de la Palestine. Ils ont transformé l’hôpital des enfants malades de Rabat en vrai musée. Mais qui s’en soucie ? Le poète Mostafa Nissabouri tient à préciser qu’il ne suffit pas de s’engager politiquement ou socialement pour justifier la valeur d’une oeuvre.
L’oeuvre a ses spécificités esthétiques. Mais il n’en demeure pas moins que « la poésie est un lieu de résistance. Elle privilégie l’humain, l’amour » ajoute-t-il. Il considère l’engagement comme une résistance à toute force globalisante. Sa poésie est dans ce sens un combat pour que les différences soient légitimes.
La vision dualiste qui prédomine depuis le 11 septembre simplifie les choses à l’extrême : noir ou blanc. Le poète réclame le droit au gris.

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