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Des mesures sans fondements

ALM : La confection entre hier et aujourd’hui, un secteur qui rapportait est voué désormais au redressement judiciaire. Que s’est-il passé au juste ?
Othmane Sekkat : Ce qui s’est passé, c’est que de 10.000 pièces produites chaque jour dans les années de gloire du secteur, destinées à 100% à l’export, notre usine est passée à 700 à 800 pièces. D’un chiffre d’affaires qui dépassait les 70 millions de Dirhams, nous sommes descendus entre 2 et 5 millions DH. Nous employions plus de 1200 personnes. Actuellement, elles ne sont pas plus de 200. Le plus dramatique, c’est que je ne suis pas le seul.
Tout le secteur de confection est en crise. Il n’y a qu’à voir le nombre d’entreprises qui ont fermé boutique pour se rendre compte de la gravité de la situation. 60% de ces entreprises ont, soit mis les clefs sous le paillasson, soit elles sont au redressement judiciaire. Leurs patrons passent leur temps à courir les tribunaux.
Avant, toutes les facilités nous étaient accordées.  Le résultat en était que nous avions largement contribué à pallier le manque de l’Etat en devises. Ce n’est plus le cas et les entreprises les plus performantes sont maintenant obligées de vivoter.

Quelles sont les  raisons de ce recul ?
Il s’agit d’une seule et principale raison, mais qui tient de plusieurs facteurs. En tant que pays producteur, le Maroc est de loin plus cher que les pays concurrents, à savoir la Chine, la Tunisie, la Turquie, et tout dernièrement l’Egypte. Nous sommes chers non parce que nous ne voulons pas mais parce que nous ne pouvons pas vendre à des prix inférieurs à notre prix de revient. Ce dernier comprend quelques 60% de charges fiscales fixes qui nous sont imposées par l’Etat. Avec un tel pourcentage, comment voulez-vous que l’on continue à créer des richesses? Nous arrivons à peine à maintenir nos machines en activité. Notre usine travaille à 10% de sa capacité réelle de production. Ceci, alors qu’en Tunisie, les patrons refusent des commandes. Dans ce pays, 5OO.OOO employés travaillent dans ce secteur. Un chiffre atteint par le Maroc dans les années 70 mais qui désormais relève de l’inimaginable. A ces charges s’ajoutent bien d’autres sources d’handicap, notamment le problème que pose l’admission temporaire.

De quoi s’agit-il au juste ?
C’est le fait d’importer la matière première mais juste le temps d’en faire des produits finis. Comme le secteur est destiné à l’export, nous ne nous sommes pas tenus de payer des droits de douane. Mais il y a une caution de 130% de la valeur de la matière importée que l’on doit débloquer à la douane en guise de garantie. C’est là où le bât blesse. Les entreprises sont incapables de fournir de telles garanties. Encore moins actuellement où tous nos marchés se sont tournés vers d’autres pays producteurs. Les donneurs d’ordre ne font appel à nos services que quand il y a urgence. Plus de 80 % des besoins de ce pays trouvent satisfaction ailleurs. Le plus étonnant c’est que des pays comme la France ou l’Italie sont toujours intéressés par le Maroc. Ils n’attendent qu’un signal fort et positif, via de meilleur prix, pour passer leurs commandes.

Les mesures engagées en matière de mise à niveau, ne vous concernent-elles pas au même titre que les autres secteurs ?
L’Etat actuellement ne fait que répondre à ses propres besoins. Quant aux mesures de mise à niveau, elles restent à mon avis des paroles à la fois sans fondements, à défaut d’un contact entre les entrepreneurs et les entreprises, et sans concrétisation. D’autant que la confection au Maroc est très en avance en matière de savoir-faire et de qualité des produits. Là n’est pas le problème. L’issue à cette crise se trouve dans le camp de l’Etat qui doit baisser des taux. Ce faisant, il gagnerait davantage. Une baisse de ces taux se traduirait automatiquement par un gain de 20% rien qu’en TVA sur les salaires. Sans parler de la dimension sociale, essentiellement en matière de résorption du chômage. Au lieu de nous aider à créer davantage de richesses et d’emplois en nous mettant à niveau, en termes d’avantages fiscaux et autres, par rapport aux autres pays, l’Etat ne fait rien. Ce serait peut-être à lui de faire sa propre mise à niveau.

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