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Du maquis au pragmatisme

Abderrahmane Youssoufi fait partie de ces personnages dont l’expression du visage ne trahit pas les pensées. Le regard toujours pensif cache bien des interrogations et, peut-être, des plongées répétitives dans un ailleurs que lui seul est en mesure de cerner, disséquer, repenser. Seuls ses yeux peuvent refléter, par moments, tout ce qui lui perturbe l’esprit ou soulage le coeur. Ses 78 ans derrière lui, ses séjours prolongés à l’étranger ont fait de lui un homme qui a beaucoup appris de la vie. Il a appris aussi à connaître les heurs et malheurs humains. Sa renommée internationale, surtout au Machreq et en France, aurait pu faire de lui un excellent diplomate. Une véritable ingénierie intellectuelle et politique qu’il s’est construite, au fil des ans. Des moments de joie et de réussite comme des instants de grande tristesse et de déboires. Tous ces acquis seront investis dans sa marche, tantôt à pas de tortue, tantôt à pas de géants. Tant pour mettre la main sur l’appareil partisan que pour accéder à la primature.
Il se veut aussi insaisissable sur tout ce qui traverse son esprit, ses projets latents. Il n’aime pas qu’on lise dans ses pensées, qu’on les anticipe. Plus versé dans la perplexité, il n’aimerait pas qu’on mette en cause ses convictions. Sans aucune arrogance, il est, cependant, un prototype de l’homme des certitudes, qui écarte tout ce qui dérange son parti-pris.
Le Machreq marquera irrévocablement le Tangérois, des traces indélébiles et des souvenirs gravés dans la mémoire. Au point de perturber et faire oublier son dialecte tangérois, qu’il trouve du plaisir à raviver parfois avec les souvenirs d’enfance.
L’éloignement du pays, c’est connu, aguerrit l’être humain. Il en fait soit un autiste politique, soit un pragmatique qui prend la mesure des réalités. Une vie en dents-de-scie caractérise son itinéraire. On le trouve dans les grands rendez-vous avec l’histoire, pour disparaître, par moments, et revenir ressourcé. Mais plus de hauts que de bas. A chaque fois en tant qu’acteur, plus ou moins engagé.
Il n’est pas à classer parmi les grands orateurs, les tribuns et autres locuteurs au verbe facile. Il préfère l’écrit et tout ce qui laisse une trace, des traces. Le métier d’avocat a néanmoins donné à l’homme des inflexions de redoutable plaidoyer.
Difficile de sédentariser un personnage habitué aux voyages et à ne rendre de comptes qu’à soi-même. Et pourtant il fera le pénible exercice d’enterrer, la mort dans l’âme, le passé auquel il doit beaucoup, de prendre pied au Maroc et à la Primature, et de se mesurer à la dure épreuve de la construction démocratique. Concrètement sur le terrain et pierre par pierre et non seulement dans des schémas théoriques abstraits.
Tous ceux qui ont connu l’actuel Premier ministre, pour l’avoir côtoyé de près, sont presque unanimes. Ils reconnaissent sa persévérance, sa probité, son abnégation et ses capacités d’analyse rapide et efficace. A côté de ses qualités prouvées d’homme de grandes convictions et de principes. Les siens.
Machiavélique ? on peut le penser. Son parcours est parsemé de grands revirements et surprises. Des rêves révolutionnaires à partir de l’étranger jusqu’à la séparation avec ses ex-compagnons.
Si Abderrahmane donne l’impression d’un homme mélancolique, dont l’âme reste dévorée par les ravages du passé, mêlés aux remords du présent. Il aura goûté à presque tout. Les coups bas de ses propres camarades, de ses alliés externes, des plus proches amis. Ces déceptions vont peser dans ses choix pragmatiques, qui font fi des états d’âme et des considérations qui ont toujours privilégié l’unité du parti.
Les acquis de sa vie militante et sa loyauté du passé à la cause populaire, il les vouera à la nouvelle culture, à ses nouveaux engagements dans lesquels il va s’investir totalement. Une fidélité à toute épreuve à la monarchie marocaine et au progrès démocratique. Au prix d’être mal compris.
Autant il était rodé à l’endurance et aux chemins parsemés d’écueils, autant il sait se convertir et s’accommoder des lambris des lieux de pouvoir, de la renommée et de la mondanité.
C’est cette dualité qui veut que l’homme respire un certain bonheur, aussi bien dans l’amitié que dans l’adversité.

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