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Éditorial : la main de Basri

© D.R

A un moment où l’IER a achevé avec succès sa mission d’enquête sur les violations des droits de l’Homme du passé, voilà que les Marocains, bouleversés, prennent connaissance de découvertes macabres en relation avec les années de plomb : quelque 114  dépouilles de victimes des émeutes du 20 juin 1981 à Casablanca provoquées par l’augmentation du prix du pain. Et une dizaine de jours auparavant de 106 tombes anonymes suite aux événements du 14 mars 1990 à Fès. Difficile  d’oublier et de passer a priori par pertes et profits une répression féroce dont le souvenir est encore vivace dans la mémoire collective nationale et dans celle des familles des victimes. Celles-ci ont le droit de savoir et espérer aussi voir un jour passer la justice pour qu’elles fassent définitivement le deuil après plusieurs années de souffrance en silence.
Cela dit, on ne sait pas dans quelle mesure ces émeutes étaient encadrées réellement par les syndicats qui ont appelé à Casablanca comme à Fès à une grève générale en guise de protestation contre les politiques gouvernementales d’alors. C’est aux historiens de faire la lumière sur cet aspect de l’affaire qui reste entouré d’un halo de mystère. Ce qui est sûr en revanche c’est que le nombre de morts est disproportionné compte tenu du caractère social des manifestations. Et puis rien ne justifiait de tirer sur la foule des émeutiers et parfois des passants qui avaient le malheur de passer par là. Comment en effet expliquer aux parents et à l’opinion publique qu’un enfant de 9 ans puisse trouver la mort dans les événements de Casablanca ? Quel crime a-t-il commis pour finir brutalement dans un cimetière de fortune sans funérailles ni épitaphe ?
Driss Basri, à l’époque ministre de l’Intérieur, est, lui, en vie. Il peut, en sa qualité de premier flic du pays, témoigner de cette triste période, expliquer et éventuellement répondre de ce qui s’est passé devant la justice surtout que les faits se rapportant aux deux tragédies ne sont pas encore prescrits. Encore faut-il veiller à ce que ce procès ne soit pas seulement à charge, donnant l’impression d’une chasse aux sorcières et de règlement de comptes. Ce qui viderait les poursuites judiciaires de leur substance.  Il est essentiel pour l’éclatement de la vérité de donner la possibilité aux accusés de se défendre jusqu’au bout dans le cadre de l’État de droit. À première vue, il y a comme une politique de deux poids deux mesures à autoriser l’exécution d’une commission rogatoire sur l’affaire Ben Barka et ne pas demander la même chose pour les centaines de morts de Fès et de Casablanca. Mais, au-delà du désir de justice, le Maroc peut-il se permettre de se lancer dans une telle entreprise difficile sans prendre le risque d’ouvrir la boîte de Pandore et surtout de fragiliser le processus de réconciliation nationale?    

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