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Éditorial : Le silence des agneaux

Les Marocains ont finalement marché dans les artères de Rabat pour dénoncer la guerre imminente contre l’Irak. Il faut reconnaître que cette marche est arrivée un peu tard par rapport aux déferlantes de la population européenne, australienne et asiatique. Des marches qui ont ébranlé les dirigeants occidentaux favorables à la thèse américaine de l’usage de la force. La marche de Rabat a déçu, ne serait-ce que par rapport à la manifestation historique de 1991 qui a frisé le million de personnes. Les plus optimistes ont évoqué le chiffre de 100 000 manifestants alors que d’autres en ont compté à peine 25 000.
La moyenne entre les deux ne serait pas loin de la réalité si l’on se réfère à la première tentative qui n’a rassemblé qu’un demi-millier de personnes. Ce manque d’enthousiasme panarabe a-t-il pour causalité les tiraillements entre les sensibilités politiques nationales, la morosité politique et économique qui sévit dans notre pays, ou tout simplement une résignation devant une guerre inévitable que les dirigeants arabes cautionnent avec leur silence? Il est certain que la conjugaison de ces trois facteurs a conditionné ceux qui ne se sont pas déplacés à Rabat. D’autant plus que le décor belliciste américain est dressé avec un déploiement militaire impressionnant dans la région, atteignant 210 000 soldats, selon les propres chiffres du Pentagone.
Les Américains ne vont pas déployer toute cette armada et dépenser des milliards de dollars pour faire de la figuration. Non, tout le monde sait que la guerre du pétrole aura lieu, que le scénario de l’après-Saddam est déjà tracé et que rien n’arrêtera Bush et ses faucons de collaborateurs. Avec ou sans l’aval de l’ONU, l’Amérique est déterminée à avoir la peau de l’Irak pour étendre son hégémonie sur toute la région. Le directeur de l’hebdomadaire « Le Point », Claude Imbert, a raison de déclarer à la chaîne LCI que l’administration américaine est dominée par un lobby juif.
Ce qui signifie tout simplement que toute la géostratégie américaine au Proche-Orient est mise en balance à travers le prétexte de désarmement de l’Irak. Même si tous les Arabes marchent pour dénoncer l’unipolarisme américain, rien ne changera à la donne guerrière de Bush. Il n’en a cure puisque le président et son arrogant ministre de la Défense, Ramsfeld, ont ignoré les marches de toute la planète. Même si la population américaine a marché contre la guerre, même si cette femme américaine présente au Salon de l’agriculture à Paris a félicité le président Chirac pour ses positions pacifistes, Bush va dégainer quand même. Car comment ne le fera-il pas quand on sait que Colin Powell a demandé à la Syrie, qui est membre non-permanent du conseil de sécurité, de voter en faveur de la guerre contre un pays arabe ?
Ce qui n’étonne personne puisque les dirigeants arabes n’ont pas failli à leur sacro-saint principe de désaccord, avant même la tenue du Sommet des chefs d’Etat. Face à cette inertie arabe, il est fort probable que les opposants les plus farouches de la guerre cèdent devant la pression des Etat-Unis. Le silence des agneaux sera alors plus assourdissant que celui des bruits des canons qui risquent de tonner dès le 15 mars prochain.

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