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Éditorial : Patriotisme juteux

Le mémorandum remis récemment à Rabat par les représentants des habitants des provinces sahariennes au Premier ministre, Driss Jettou, est un chef-d’œuvre dans son genre. Une série de revendications plusieurs fois ressassées qui se résument en un appel à l’amélioration des conditions de vie des jeunes de ces provinces. Selon les rédacteurs du document, l’apparition de pulsions séparatistes est liée à la montée du chômage et de la mal-vie parmi une jeunesse locale désespérée et non pas à une action de manipulation du Polisario ou de ses agents déclarés ou cachés en service commandé dans la région.
Personne n’ignore cette réalité sociale, certes peu réjouissante, qui sévit au Sahara marocain, mais force est de constater que le lien de causalité entre les deux phénomènes, le séparatisme et le malaise social, manque pour le moins de pertinence. Sinon, il faut désormais admettre qu’un chômeur de Casablanca, de Fès ou de Tata… qui vit un quotidien difficile, serait fondé à devenir indépendantiste et à brûler le drapeau national. Complètement irresponsable. Insensé. Pendant qu’on y est, pourquoi ne pas s’appuyer sur ce raisonnement tordu pour lancer  un autre débat, celui de tenter de savoir à partir de quel degré de bien-être social et à partir de quel revenu mensuel on devient patriote, peu patriote ou pas patriote du tout. On est de la même façon citoyen au Maroc, en France ou aux Etats-Unis…Pour le meilleur et pour le pire. C’est une affaire de conviction profonde qui fait qu’on a une certaine idée de son pays que l’on défend de mille manières.
En un mot, on ne construit pas une nation en surfant exclusivement sur un patriotisme hautement juteux. Autrement, c’est la voie ouverte au doute et au chantage. Il est vrai que les provinces du Sud sont en proie à des problèmes sociaux et que les jeunes d’ici ont droit à une vie décente tout comme leurs frères des autres contrées du pays. Il est vrai aussi que les pouvoirs publics ont investi depuis 1975 beaucoup d’argent dans les infrastructures au Sahara. Mais il est regrettable de constater que le mémorandum de la délégation sahraouie ne reconnaît pas à leur juste valeur  ces sacrifices lourds consentis par le peuple marocain, soulignant que les fonds investis n’ont pas servi à grand-chose, puisque la jeunesse locale n’est pas bien dans sa peau.
En quelque sorte, ce mémorandum consigne, du point de vue de ses auteurs, un bilan négatif de plus 25 ans de gouvernance dans les provinces du Sud. Il faut peut-être prendre appui sur cette initiative qui révèle un certain nombre d’arrières pensées pour réviser en profondeur la manière d’agir de l’État au Sahara. La nécessaire normalisation y passe par une autre approche plus pragmatique qui place l’investissement économique et productif au cœur du nouveau dispositif d’action des pouvoirs publics. Une dynamique à même de générer de l’emploi et de la croissance pour l’ensemble des jeunes Marocains en mal de perspectives et qui sont désireux de contribuer au décollage de leur Sahara.

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