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Editorial Par Khalil Hachimi Idrissi

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L’affaire Belliraj va-t-elle finir, en un retour hasardeux de conjoncture, par éclabousser les services de sécurité marocains. Ce dossier, en poupées gigognes— les fameuses poupées russes matriochkas qui s’emboîtent les unes dans les autres —, contient, en l’état actuel des évènements, et ça peut encore prospérer, au moins quatre affaires.
Celle des armes qui surgissent opportunément, celle des terroristes islamistes peu actifs ou trop dormants, celle du parti politique Al Badil Al Hadari façade lézardée ou bouc émissaire et celle, finalement, d’un agent au moins double — Abdelkader Belliraj —  que personne ne semble plus vouloir assumer. L’enquête suit évidemment son cours. Et l’instruction commence. Mais les interrogations légitimes qui n’ont rien à voir avec le doute nihiliste que dénonce le ministre de l’Intérieur se multiplient.
À l’impression fondée de cacophonie que donne cette affaire viennent s’ajouter des éléments qui indiquent que nos services de sécurité nationaux, du moins les plus importants et les plus crédibles d’entre eux, ne semblent pas agir en parfaite coopération ou synergie professionnelle. Le niveau auquel semblent se faire les recoupements pour des affaires de cette nature  est soit trop élevé pour être immédiatement opérationnel, soit trop bas, ce qui laisse une faible marge de réaction ou soit, ce qui est encore plus probable, inexistant.
Les expertises ne semblent pas être partagées entre nos services sinon comment expliquer des erreurs de filiation d’un certain nombre de groupuscules islamiques connus notamment des observateurs. Des erreurs de profilage d’un certain nombre de terroristes pourtant identifiés dans d’autres affaires. Des erreurs de datation de faits. Et des erreurs de croisement d’affaires qui laissent croire que Abdelkader Belliraj — un protagoniste magique—  est au début et à la fin, l’alpha et l’omega,  de toutes les affaires terroristes au Maroc depuis près de 20 ans. Abdellatif Hammouchi, le parton de la DST marocaine est reconnu comme étant un des meilleurs spécialistes régionaux pour ces questions, il est peu vraisemblable s’il avait à «consolider» ce dossier qu’il le laisse prendre, parfois, un caractère approximatif ou «tâtonnant».
Les bases de données de nos services ne semblent pas, non plus, avoir été croisées au bon moment, au bon niveau, et dans leur intégralité. Ce trait connu est une des caractéristiques d’une guerre de services passive, ou au moins d’un refus manifeste de coopération spontanée. Sinon, dès le départ, Abdelkader Belliraj serait apparu comme un MRE traité et «appointé» par les services belges mais qui est, plus ou moins, suivi de près et, plus ou moins, régulièrement par les services marocains. Autant d’agitation, autant d’activisme, autant d’argent, autant de mobilité et autant d’éclectisme politique ne passent, pour ainsi dire, jamais inaperçus. Ne pas voir cela relèverait d’un amateurisme dont on ne peut pas suspecter les services concernés. Il y a une procédure qui n’a pas fonctionné, ou qui, tout simplement, n’existe plus à la faveur de l’instabilité des ressources humaines et des affinités professionnelles. La case où se faisait dans un passé récent une mise en commun utile, et même d’une manière informelle, a, probablement, sauté. Et ce vide a été, peut-être, rempli d’une manière «administrative» sans que le zèle, l’attirance pour les premiers rôles et, peut-être même, la bonne foi ne remplacent le métier, la spécialisation et le professionnalisme.   
Il est très difficile de développer une stratégie sécuritaire sans une doctrine en la matière. Un Etat, surtout un Etat de droit, ne peut pas improviser des «postures» au gré de la versatilité du phénomène et au gré de ses mutations. Pour cela, il faut un espace théorique rigoureux, une approche scientifique, et du professionnalisme à tous crins. Ceux qui croient que les «couacs» générés par cette affaire relèvent de problèmes de communication, de médias ou du commentaire de presse se trompent. Cette affaire Belliraj a démoli pour des raisons encore très obscures — et qu’il va bien falloir tirer au clair— des «convictions» sécuritaires sans leur substituer d’autres plus crédibles ou, au moins, plus rassurantes. Si la démocratie belge commence à donner des débuts de réponse à tout cela, la démocratie marocaine ne doit pas rester en reste.

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