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El-Idrissi : « Les Marocains d’Algérie livrés à eux-mêmes »

© D.R

ALM : Que représente à vos yeux la visite que le Souverain compte effectuer en Algérie, dans les prochains jours?
Ali el-Idrissi : A mon avis, cette visite a deux aspects. Le premier est officiel. Il s’agit pour le Souverain de participer à un Sommet arabe, loin des relations bilatérales entre les deux pays. Quant au deuxième aspect, il est à mon sens beaucoup plus important. Il ne faut pas oublier que c’est le premier déplacement royal en Algérie, depuis que SM Mohammed VI a été intronisé et dans un contexte politique difficile, puisque les relations entre le Maroc et l’Algérie sont tendues depuis une trentaine d’années.
Pour l’opinion publique internationale, la visite royale est un cas d’école, puisque le Souverain se rend en Algérie au moment où ce pays refuse la réouverture des frontières terrestres. A mon avis, SM le Roi fait preuve d’un courage politique qu’il faut absolument souligner. Il veut faire avancer les choses malgré toutes les réticences.

Quel impact cette visite aura-t-elle, à votre avis, sur la communauté marocaine?
Vu ma profonde connaissance des réalités algériennes, je peux clairement vous assurer que l’impact sera totalement positif, non seulement sur les Marocains résidents en Algérie, mais sur les citoyens algériens eux-mêmes. Et ce, malgré ce qu’avance une certaine littérature médiatique, au Maroc comme en Algérie, qui défend les intérêts
des adversaires du rapprochement maroco-algérien.

Comment se porte la communauté marocaine en Algérie ?
A travers l’histoire, les Marocains en Algérie étaient très nombreux. Ils venaient essentiellement du Rif et de la région de l’Oriental. Dans les années 1920, je vous rappelle qu’il y avait trois bateaux par semaine qui transportaient des travailleurs marocains de Melilla vers Oran. Ils opéraient essentiellement dans le secteur agricole. Toutefois, depuis l’indépendance de l’Algérie, la communauté marocaine en Algérie a diminué comme une peau de chagrin.

Pour quelles raisons?
Il y a tout d’abord, le socialisme, le régime adopté en Algérie. Il consistait à appliquer le principe de l’autogestion. En d’autres termes, à chasser tous les étrangers et ne compter que sur la main, d’œuvre nationale. A cause de cela, énormément de Marocains et d’autres nationalités ont été contraints de quitter l’Algérie. Certains sont revenus à leur pays, d’autres se sont dirigés vers l’Europe.
Il y a également la Guerre des Sables de 1963, entre le Maroc et l’Algérie. Il y a enfin l’affaire du Sahara. Après la Marche Verte, le président Houari Boumedienne a expulsé de son pays pas moins de 45.000 Marocains. Il espérait créer chez nous une grave crise sociale. Ceci, sans oublier que beaucoup d’Algériens, qui étaient considérés comme des Français au moment de l’indépendance du Maroc, ont été carrément dépossédés de leurs terres par l’Etat marocains.

Mais aujourd’hui, le président Boumedienne n’est plus. Quel sort est réservé aux Marocains?
Les lois en Algérie n’ont pas subi de grands changements. Aujourd’hui, un étranger, quelle que soit sa nationalité, ne peut pas posséder un bien immobilier, ni travailler dans la fonction publique ou dans les sociétés étatiques. Même les sociétés privées ne peuvent recruter un étranger si sa tâche est réalisable par un Algérien. En gros, à part quelques professions libérales, comme le métier d’avocat qui symbolise l’intégration des Marocains en Algérie, les Marocains se sont contentés de petits métiers.

Qu’en est-il des naturalisations?
Justement, le régime algérien a toujours été allergique à la naturalisation des Marocains. Boumediene a promulgué des lois en 1963 qui interdisent l’octroi de la nationalité à des citoyens marocains, même ceux qui ont participé à la guerre de libération de l’Algérie. Des historiens algériens vont plus loin en affirmant que Boumediene considérait les travailleurs marocains comme de potentiels agents infiltrés en Algérie.

Quelle a été la conséquence de cela?
En un mot, les Marocains d’Algérie ont sombré, non pas dans la pauvreté, mais dans une misère totale. Ils se considèrent comme des oubliés par leur pays d’origine et des opprimés par leur pays d’accueil. A titre d’exemple, quand le gouvernement marocain a décidé de supprimer la bouse d’étude pour les enfants des MRE, sous prétexte que ces derniers étaient riches, cela a été reçu comme une catastrophe par les Marocains résidents en Algérie.

Aujourd’hui, quelles sont les attentes des Marocains d’Algérie?
Ils attendent des mesures concrètes, dignes de la nouvelle ère. Depuis février 2005, une nouvelle loi permet aux enfants de mère algérienne d’obtenir la nationalité. C’est un début intéressant qui a réglé énormément de problèmes surtout aux commerçants. Maintenant, le gouvernement marocain doit faire un geste à leur égard.

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