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Enquête : La guerre du tabac a commencé

La guerre du tabac a commencé. L’ouverture du marché et le démantèlement du monopole d’Altadis Maroc (ex Régie des tabacs) ont très vite produit leurs effets. Dès début janvier 2011, moment de l’entrée en vigueur du démantèlement, British American Tobacco (avec les marques Lucky Strike, Dunhill…) et Japan Tobacco Inc (JTI) qui produit, entre autres, les marques Winston et Camel ont décidé de voler de leurs propres ailes en recourant à l’importation directe et la commercialisation de leurs produits. Il faut savoir que jusque-là, Altadis était la seule habilitée à fabriquer et commercialiser les produits de tabacs au Maroc (cigarettes, cigares et autres). Elle le faisait pour ses marques et pour les autres. Mais depuis janvier ce n’est plus le cas. Les deux petits nouveaux du marché marocain ont tout de suite conclu des partenariats avec des distributeurs locaux. Ainsi, Japan Tobacco Inc en leader a été la première à concrétiser la libéralisation du marché, au mois d’avril, en distribuant ses marques à travers North African Tobacco Company (NATC). Pour sa part, British American Tobacco (BAT) a conclu un accord avec la société Dislog, un distributeur local qui s’occupe, par ailleurs, de la distribution des produits de Procter & Gamble au Maroc. Ainsi, la concurrence promettait d’être des plus rudes. Aujourd’hui, elle l’est. En effet, depuis trois semaines déjà, quelques buralistes à travers le Maroc se plaignent des pratiques anticoncurrentielles d’Altadis Maroc. À Agadir, c’est encore plus frappant qu’ailleurs. «Cela fait plus de trois semaines que nous avons un problème de livraison avec Altadis qui a pris la décision de ne plus livrer à tous ceux qui vendent des marques de cigarettes concurrentes. Les marques concernées par ce bras de fer sont «Winston» et «Camel». Ainsi, Altadis nous met la pression en nous laissant sans stock pour nous amener à vendre exclusivement ses produits. Chose que nous n’acceptons pas. Notons que dans notre contrat avec ladite société aucune close n’exige de nous de vendre exclusivement les cigarettes d’Altadis. Nous comprenons que cette pression vient pour faire face à la concurrence rude que va connaître désormais Altadis, non seulement avec les marques de cigarettes déjà existantes et qui ne sont pas les siennes, mais, aussi parce qu’il y a d’autres marques qui vont arriver sur le marché dans les jours à venir», explique un buraliste au centre-ville d’Agadir. Aussi, des avis d’explication adressés aux clients sont affichés partout dans certains points de vente au centre-ville d’Agadir comme dans les différents grands quartiers notamment à «Al Houda», «Dakhla» et «Salam». Et le nombre de clients qui signent des listes de pétition commence à grimper. Dans un seul point de vente ce ne sont pas moins de cent signatures qui manifestent le mécontentement des clients. Les bureaux de tabacs ont cependant réagi mais ils n’ont reçu aucune réponse à ce jour. «Nous avons envoyé plusieurs correspondances avec des accusés de réception et nous nous sommes adressés à différents services de la société Altadis pour avoir une réponse quant à ce refus de livraison, mais jusque-là, c’est la politique du silence radio qui prédomine. Ladite société reçoit régulièrement nos demandes de livraison mais, jusque là, elle ne nous livre pas. Et c’est ainsi que nous avons pris la décision d’accrocher des avis pour avertir les clients qui sont directement concernés par la rupture de stock. Nous avons également mis en place une pétition à faire signer par les clients», a expliqué un autre buraliste à Agadir. Aussi, face à ces accusations, Altadis Maroc plaide l’innocence. «Altadis Maroc nie absolument toute forme de chantage anticoncurrentiel qu’on pourrait lui attribuer. Cela va à l’encontre de l’éthique de l’entreprise. Il s’agit sûrement d’un malentendu ou d’une mauvaise compréhension. On n’a jamais eu recours à ce genre de pratiques et on ne le fera jamais», a certifié, sans plus, un haut responsable chez Altadis Maroc. 
Par ailleurs, l’hypothèse du malentendu nous a été expliquée par un propriétaire de bureau de tabacs à Casablanca. «Il arrive qu’Altadis signe des contrats dits Imtiaz avec certains bureaux de tabacs. Ce contrat stipule, entre autres, qu’Altadis équipe le bureau d’une vitrine qui reste exclusivement dédiée aux marques de la société. Il se pourrait que ce soit un problème de compréhension à ce niveau», a souligné le buraliste casablancais. Pour sa part, contacté par ALM, le représentant de la filiale de Japan Tobacco Inc au Maroc a refusé de commenter les incidents. Mais une source proche du dossier nous a expliqué que  la filiale de JTI a choisi de ne pas entrer en confrontation directe avec Altadis. Conclusion, quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre le plus. En effet, pour l’instant, pour griller une cigarette à Agadir, il faut vraiment faire le tour d’au moins trois bureaux de tabacs avant de décrocher le cocotier. La guerre du tabac est donc déclarée entre les distributeurs. Une affaire à suivre…


 Rappel
En 2002, l’Etat avait cédé 80% du capital de la Régie des tabacs à la société franco-espagnole Altadis. Cette opération de cession était inscrite dans le cadre du processus de privatisation engagé par le Maroc pour se conformer à ses engagements internationaux notamment les accords de l’OMC. Mais pour permettre à l’entreprise de se préparer progressivement à la libre concurrence, la loi sur les tabacs fut amendée pour garder le monopole du tabacs, pour quelques années encore, entre les mains d’Altadis Maroc. Par la suite, les 20% restant du capital de la Régie des tabacs détenus par l’Etat marocain, avaient été également cédés en 2006 au Groupe Altadis. L’entreprise avait alors pris la dénomination d’Altadis Maroc et a été concédée au Groupe britannique Imperial Tobacco PLC en 2008, nouveau propriétaire d’Altadis. Depuis janvier 2011, la libéralisation de la distribution de tabacs est effective et met fin au monopole de l’importation et la distribution en gros des tabacs détenu jusqu’alors par Altadis Maroc.

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