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Eric Gerets : «Mon salaire? ça ne vous regarde pas !»

ALM : Pourquoi vous n’avez pas convoqué des joueurs locaux, sachant que certains éléments ont joué la plupart des matchs des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations, à l’instar de Rachid Souleimani ?
Eric Gerets : Parce que je devais sélectionner les joueurs qui étaient les plus forts à mes yeux. Je ne vais pas citer des cas particuliers, mais à ce moment-là, les joueurs qui ont été choisis étaient les plus adéquats pour jouer les matches de la Coupe d’Afrique des Nations. Et mon choix était logique à ce moment-là.

Le choix de Marbella a fait couler beaucoup d’encre, que répondez-vous ?
Mais qui a écrit cela ! Personnellement, je pense que le choix de Marbella était très professionnel et plutôt logique. Moi je ne voulais pas aller dans un pays où il fait  35 degrés où on est déjà fatigué avant le rendez-vous africain. Moi qui ai déjà participé à trois Coupes du monde et une Coupe d’Europe, j’ai vérifié quand j’étais joueur et vu que Marbella reste le choix approprié. Maintenant, les journalistes qui ont écrit que mon choix n’était pas logique, doivent m’en donner la preuve. Qu’ils ne se contentent pas d’écrire n’importe quoi, mais qu’ils me donnent des preuves qu’un autre endroit comme Dubaï aurait été mieux. Moi, j’aime plus me préparer dans un pays où le climat ne dépasse pas les 22 ou 23 degrés et la preuve c’est qu’au Gabon il ne faisait pas aussi chaud, il faisait 28 degrés. Ce qui a été écrit, c’est juste pour justifier la prestation de l’équipe nationale et rapporter l’échec à l’endroit de la concentration. Je tiens à vous dire que cette prestation était la meilleure que l’équipe nationale ait jamais fournie dans son histoire.

Quelles sont les leçons que vous avez tirées de cette expérience africaine ?
Je savais que la plupart des joueurs de l’équipe nationale ne connaissent pas l’Afrique, mais il fallait qu’ils y jouent pour pouvoir acquérir une expérience. Sinon je ne peux jamais aller à une manifestation importante comme la CAN avec les mêmes joueurs. Moi par exemple, j’ai pu arriver à faire un mélange entre les plus jeunes, les moyens et les joueurs les plus expérimentés. La leçon c’est que ces joueurs qui n’avaient pas d’expérience dans le milieu africain ont appris beaucoup de choses lors de cette Coupe d’Afrique. Je crois que l’équipe nationale doit et va être forte dans le futur, parce qu’on est en train de construire quelque chose. Et je crois qu’après notre match contre l’Algérie lors des éliminatoires et qui a installé un peu de folie dans les esprits des Marocains, tout le monde s’est mis à rêver un peu trop. Il faut toujours garder les pieds sur terre et revenir au monde de la réalité. Moi aussi je dis qu’il faut avoir de la motivation et la volonté pour aller gagner une coupe. Il y a quatre mois, j’ai dit qu’il faut se qualifier et puis aller gagner la CAN. Maintenant ce n’est pas le cas, parce qu’il y avait des équipes plus fortes que la nôtre. D’un autre côté, c’est un peu logique, dans ce sens que l’équipe est en pleine construction. Si on a de la chance et que les joueurs qui constituent l’ossature de l’équipe nationale, aient acquis une bonne expérience avec leurs clubs européens et continuent à progresser dans leur niveau pour peaufiner leur talent, il est sûr que l’équipe aura un meilleur sort.

Qui sont ces joueurs importants ?
Il y a par exemple Marouane Chamakh, Houcine Kharja et Youssef Hadji. Ils ne jouent pas ou très peu dans leurs clubs. On doit trouver une solution. Soit de ne plus les convoquer, soit qu’ils intégrent des clubs où ils ont des chances de jouer au maximum et donc avoir beaucoup de matchs en jambes et ainsi être compétitifs.

Des entraîneurs nationaux ont beaucoup critiqué votre tactique de jeu ainsi que l’emplacement des joueurs lors des deux premiers matches face à la Tunisie et au Gabon…
Je dirais que ce sont des entraîneurs qui ont raté leurs carrières et qui veulent peut-être se racheter. J’aimerais bien rencontrer l’un d’entre eux «face-to-face» pour qu’il me dise quelles sont les erreurs tactiques que j’ai commises. J’ai toujours bien préparé mes équipes à livrer de belles prestations dans tous les matches. Maintenant, il faut analyser tous les matches que nous avons joués et voir quelles sont les raisons pour lesquelles nous les avons perdus. Les spécialistes qui ont critiqué ont un avis autre que le mien. Il est très simple de dire que la tactique de l’entraîneur n’était pas efficace. Pourtant, c’est cette même tactique qui a qualifié l’équipe nationale à cette CAN. Je ne peux pas faire mieux que ce système de jeu notamment avec l’équipe actuelle. Je crois que la tactique 4-2-3 reste le meilleur système pour l’équipe du Maroc. Malgré tout, je reste confiant, parce que je dispose de bons éléments, notamment dans le compartiment offensif.

Justement, certains entraîneurs se voient bien à votre place après votre échec…
Il y a des milliers d’entraîneurs qui veulent entraîner l’équipe nationale du Maroc. Comme il y a beaucoup de grands clubs qui souhaitent s’accaparer mes services comme entraîneur. Et ces entraîneurs qui voudraient me remplacer n’ont rien à prouver dans leur vie pour critiquer quelqu’un qui était champion avec toutes les équipes qu’il avait entraînées.

Est-ce que l’échec de l’équipe nationale lors de cette CAN est dû à la perte de l’énergie ?
Ce n’est pas de l’énergie qu’on a perdue, mais c’est plutôt de la confiance. Comme j’ai déjà dit, certains joueurs ont manqué d’expérience en Afrique et même les joueurs expérimentés ont douté un petit peu et ont commis beaucoup d’erreurs individuelles. Je crois que ce sont des choses qui arrivent. Je ne peux pas remplacer tout le monde pour commencer avec une nouvelle équipe nationale. Mais je tiens à vous dire que l’équipe du Maroc, qui évolue avec les joueurs locaux seuls, ne s’est jamais qualifiée durant les dix dernières années.

Cela veut-il dire que vous n’allez pas suivre les matches du championnat national ?
Au contraire, je continuerai à suivre le championnat. D’ailleurs, je l’ai toujours suivi très attentivement. Et je faisais souvent la tournée des stades du Royaume pour pouvoir observer toutes les équipes locales. Je crois qu’il est plus agréable de suivre les joueurs du championnat tranquillement sous un soleil chaleureux au lieu de prendre l’avion pour la Turquie pour rencontrer un joueur.

Comment évaluez-vous le niveau de l’équipe nationale après la CAN?
Je crois que l’équipe nationale doit regagner la confiance du public marocain. Bientôt nous allons jouer un match amical et puis au mois de juin, on aura un match capital pour l’avenir de l’équipe pour pouvoir éventuellement se qualifier à la Coupe du monde. Je crois que ce n’est pas l’image que mon équipe a donnée lors du match contre l’Algérie, mais ce n’est certainement pas la même image pendant les matches de la CAN. Je crois que la vérité se trouve entre ces deux.

Vous n’aurez pas besoin d’un entraîneur adjoint marocain ?
Non ! Il y a déjà Farid Salamat qui est un Marocain et qui m’informe très bien sur l’état des gardiens. Et je ne crois pas que j’aurais besoin d’un entraîneur adjoint marocain.

Comment voyez-vous votre avenir avec l’équipe nationale ?
Je continue à construire et à donner confiance, surtout parler avec les jeunes talents ou bien les nouveaux promus convoqués à l’équipe nationale. Par exemple, Mounir Hamdaoui c’est quelqu’un qui «tue» les matches pour le moment. Il a aussi ses faiblesses, mais il a ses points forts, il est opportuniste et à la moindre occasion qui se presente, il marque un but. C’est la même chose pour Marouane Chamakh qui a prouvé lors des matches difficiles qu’il est capable de marquer des buts et j’espère qu’il aura plus de rythme avec l’Arsenal pour marquer des buts comme auparavant.

Envisagez-vous des matches amicaux à part celui du Burkina Faso ?
J’aurais préféré disputer des matches amicaux, mais, il n’y a plus de dates FIFA. Même si on pouvait le faire, on va se retrouver avec les joueurs qui seront engagés avec leurs clubs au Maroc comme en Europe.

Etes-vous sur la piste de nouveaux joueurs ?
Je suis toujours en quête de nouveaux talents pour renforcer les rangs de l’équipe nationale. Mais, je me suis rendu compte qu’à l’heure actuelle on est parvenu à sélectionner les meilleurs. Je continue à le dire : ce n’est pas parce qu’on a raté la CAN qu’on va jeter les anciens joueurs à la poubelle et recommencer avec de nouveaux joueurs. Je suis attentivement et de très près l’équipe olympique, espérant qu’un jour un joueur puisse accéder en équipe A à l’instar de Berrada invité pour la première fois.

Comment vous préparez-vous à la Coupe du monde-2014 ?
Je crois que tout le monde est conscient de la tâche qui nous attend, nous allons jouer contre une équipe performante qui est la Côte d’Ivoire. Mais, si on continue comme on progresse actuellement, aucune autre équipe n’aura d’effet sur nous. Mais ce n’est pas toujours parce qu’on est favori qu’on va gagner. La preuve, c’est la Zambie qui a remporté le titre aux dépens des Ivoiriens. Mais si on a un collectif où chacun fait bien son job, on va arriver à franchir le cap.

Des responsables politiques et des journaux ont appelé à préciser votre salaire, que répondez-vous ?
Mon salaire ne regarde personne. Je peux seulement vous dire que si c’était seulement pour l’argent, je ne serais pas au Maroc. Je serais là où j’aurais pu gagner le double de mon salaire au Maroc. J’aime la mentalité des Marocains qui adorent leur équipe. Je veux faire quelque chose pour les gens qui attendent, depuis plusieurs années, que leur équipe revienne au-devant de la scène internationale. Je peux vous prouver que je pourrai, dès demain, rejoindre une équipe à l’étranger avec un salaire astronomique. Mais, je viens d’acheter ma maison à Harhoura et je vais probablement monter une affaire au Maroc qui va offrir des occasions d’emploi aux Marocains. Je crois que mon salaire est une affaire privée.

Est-ce que vous promettez le titre de la CAN-2013 aux Marocains ?
Je ne suis pas un magicien. Tout peut arriver.

Quel est le dernier message que vous voulez passer au public marocain ?
Il doit continuer à soutenir son équipe nationale. Le Maroc c’est un peu comme Riyad, Marseille, Istanbul, c’est pour cela que je suis venu ici. J’aime ce pays et je compte y passer le reste de ma vie. La preuve c’est que je ne compte pas vendre ma maison à Harhoura. Et même ma famille se sent bien au Maroc. Et j’espère que les Marocains m’acceptent comme un «demi-Marocain».

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