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Histoire d’un coup monté par des barbouzes

Ce mercredi 23 octobre, un groupe de personnes a pris place dans le hall d’un hôtel de Ceuta, situé en plein centre ville. Autour d’une table, sirotant leur café, trois hommes et une femme devisent en espagnol. Celle-ci et deux d’entre eux sont de type européen.
L’autre, jeune un brin maigrichon, reste silencieux. Un peu fébrile, on dirait un étranger ou une connaissance récente. À première vue, on penserait soit à un faux-guide pour touristes soit à un petit dealer de quartier.
De temps en temps, la dame, qui est d’un certain âge, jette un coup d’oeil vers la porte d’entrée de l’établissement. Visiblement, le quatuor attend des gens qui tardent à venir. La dame commence, en effet, à s’impatienter. Elle consulte sa montre qui indique 16 heures cinq minutes. “ Ils ne doivent pas être loin“, lâchent presque en même temps les deux hommes européens qui semblent être des familiers. La cinquantaine, les deux hommes sont correspondants espagnols à Rabat : Ignacio Cembrero travaille pour le compte du quotidien El Pais et Pedro Canales pour le quotidien La Razon. La femme n’est pas une collègue à eux. Les journalistes en question ont fait récemment sa connaissance au Maroc, à la faveur du scandale du CIH. D’origine portugaise, Grace n’est autre que l’épouse de Moulay Zine Zahidi, ex-p-dg de cette banque, actuellement en fuite. Et l’autre individu, l’étranger ? Il s’appelle Abdelilah Issou. Un lieutenant déserteur de l’armée marocaine, devenu maintenant célèbre pour s’être mis au centre d’une grosse manipulation liée au “Comité des officiers libres“ qui aurait vu récemment le jour au Sahara marocain.
Il est presque 17 heures et personne n’est venu rejoindre les membres du groupe. Les visiteurs qu’ils attendent de pied ferme ne leur ont pas posé un lapin. “Ils nous auraient avertis par un coup de fil en cas de report ou d’annulation du rendez-vous“, pensent-ils tout haut, la mine inquiète. En effet, ce qu’ils ne savent pas, c’est que leurs hôtes ont eu des problèmes à quelques encablures du lieu de la rencontre.
Au poste frontière marocain de Bab Sebta. Les intéressés, Ali Amar et Mouaad Ghandi, deux journalistes du Journal Hebdomadaire, ont été interpellés par des agents de la DST marocaine vers 15 heures 30, ce mercredi 23 octobre . Ces derniers ont saisi dans le véhicule de ces voyageurs exceptionnels des documents importants relatifs à l’instruction en cours du dossier CIH auprès de la Cour spéciale de justice ainsi que l’attirail habituel d’un homme de presse, notamment un magnétophone. Les “pieds nickelés“ du Journal ne rejoindront jamais leurs amis de l’hôtel. Une fois connue, la nouvelle de leur arrestation et de leur interrogatoire par la BNPJ à Casablanca l’affaire prendra rapidement une tournure spectaculaire. Comme à l’accoutumée, les responsables de cette publication jouent les vierges effarouchées.
Première question qui vient à l’esprit à laquelle ils éviteront de répondre : Qu’estce qu’ils sont allés faire à Ceuta les deux rédacteurs incriminés ? Selon toute vraisemblance, Ali Amar et son collègue voulaient se rendre dans le préside marocain pour monter “un coup“ journalistique offert sur un plateau : un entretien avec Abdelilah Issou, le militaire déserteur qui serait présenté, le cas échéant, comme le meneur du soi-disant “Comité d’action des officiers libres“ et dépeint en héros d’une rébellion qui serait réelle. En contrepartie de ce “scoop“ qui promet de faire beaucoup de bruit , les journalistes espagnols recevront en exclusivité, avec le consentement de Madame Zahidi, les documents CIH appartenant à son époux planqué en Espagne et que Le journal hebdomadaire n’a pas publiés. Échange de bons procédés entre confrères ? La grande presse d’investigation encore en action ? Voire… Ce qui est baptisé le Comité d’action des officiers libres est en fait une affaire montée de toutes pièces où la manipulation le dispute à la mauvaise foi ( le cas Zahidi et sa femme est une autre histoire). Anonyme, le communiqué relatif à la création de ce comité paraîtra d’abord dans El Pais du 16 octobre 2002. Un comité qui dénonce en substance la corruption au sein des FAR et réclame la “mise à la retraite“ de sept généraux. Rien que ça !
Deux jours plus tard, le 18, c’est Le Monde qui relaie l’information en parlant d’officiers opérant dans le Sahara selon des sources françaises sans préciser lesquelles. Comme dirait Coluche, de source sûre, on est sûr de rien. Le Monde, réputé pour son sérieux, qui reprend des communiqués non signés… Vient ensuite le tour de la presse marocaine et d’autres pays étrangers de reproduire, avec un effet boule de neige, les informations parues dans les deux quotidiens à ce sujet… Alors, faut-il donner crédit à cette histoire d’officiers libres ? Chacun s’interroge…ne sachant si c’est du lard ou du cochon. Mais tout laisse croire qu’il s’agit d’une manipulation orchestrée par ceux qui veulent nuire à l’image du pays. Car dès le mois de juillet 2002, une source, jugée peu fiable par les autorités marocaines, avait fait état de l’existence d’un “Comité d’officiers marocains“ créé en Espagne et en France. Cette même source ajoute que ces officiers sont en contact avec Claude Juvenal de l’AFP à Paris et l’escroc célèbre, le Marocain Hicham Mandari, et qu’ils cherchent à rencontrer Jean-Pierre Tuquoi du quotidien Le Monde. Il semble aussi que le déserteur ait été présenté par ce dernier à Mohamed Habiballah, représentant du Polisario à Paris. Selon des sources concordantes et précises, un agitateur en rupture de ban familial ne serait pas étranger au montage de cette sombre affaire. A son sujet, l’enquête continue. Et voilà qu’on se retrouve, en bout de course, avec Abdelilah Issou qui n’a même pas le grade de commandant et que l’on voudrait faire passer pour un contempteur des travers des FAR et un symbole d’une mutinerie qui n’existe que dans l’esprit des artisans de cette grosse fable. Soupçonné d’être un agent des services espagnols à Ceuta, le lieutenant en question saute le pas début mai 2002. Il traverse la frontière avec un passeport espagnol mis à sa disposition gracieusement par les services ibérique pour rejoindre l’Espagne où il demande l’asile politique. Alertés sur le cas du militaire déserteur qui se fait passer pour un persécuté dans son pays, les responsables du ministère marocain des Affaires étrangères demandent des explications au chargé d’affaires espagnol à Rabat. Jusqu’à aujourd’hui, aucune suite n’a été donnée à cette démarche. Si M. Issou se voit refuser l’asile politique, il ne sera pas remis aux autorités marocaines comme le prévoient les conventions internationales. Le travail de «debriefing» achevé, il est dès lors pris en main par les deux journalistes espagnols, Cembrero et Canales. Après lui avoir soufflé l’idée du fameux communiqué en guise de préparation du terrain, il est jeté en pâture à la presse pour taper ouvertement sur l’armée marocaine.
Le choix est porté sur Le Journal Hebdomadaire. Mais ce projet a été contrarié par les services de la DST. À en juger par la colère des responsables de cette publication, Hamidou Laânigri n’aurait pas dû voir ce “coup“ ou les laisser faire… À y regarder de plus près, ce qu’on a voulu “vendre“ comme une affaire sérieuse ressemble à une immense supercherie. L’effet “baudruche“ du “Comité d’action des officiers libres“ est visible. Un comité qui se résume à une seule personne : un jeune lieutenant en rupture de ban à la solde d’un pays étranger, récupéré par un réseau d’activistes anti-marocains dans le but de déstabiliser la monarchie. Toute cette agitation autour du lieutenant Issou ne rappelle-t-elle pas à bien des égards l’affaire du capitaine Adib, avec les mêmes méthodes et les mêmes personnes? Adib ayant servi jusqu’à l’usure, il fallait dénicher un autre…

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