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Ifkiren : « le Sahel est une région incontrôlée »

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ALM : Que pensez-vous de ces nouvelles menaces terroristes en provenance de la région sahélo-saharienne ?
Mohamed Ifkiren : Il faut insérer les événements dans leur chronologie. Il y a eu d’abord dans le Sud de l’Algérie des groupes du GSPC (Groupe salafiste pour le combat et la prédication) qui sont très actifs dans cette région.
Quand on avait arrêté le groupe qui avait pris en otages des touristes allemands transportés dans le Nord du Tchad, on croyait que son arrestation allait mettre fin à ses activités et on s’est rendu compte, par la suite, qu’il y a des groupes qui sont divisés en plusieurs cellules autonomes les unes des autres et ont adopté la stratégie de la sous-traitance à des groupes actifs disposant d’une autonomie dans cette région-là. Cela étant dit, des spécialistes de l’antiterrorisme à travers le monde commençaient déjà à s’inquiéter. C’est ce qui a justifié l’intérêt de l’OTAN à organiser des manœuvres militaires dernièrement en collaboration avec les pays limitrophes du Sahel et du Sahara. Le président de l’ESISC, lors de son témoignage devant le Congrès américain, avait déjà attiré l’attention sur l’existence imminente d’un danger terroriste dans la région.
Les analyses de la situation ont donné raison à ces spécialistes lorsque ce groupe algérien a prêté allégeance à Al Qaïda.

On parle de plus en plus d’éventuelles connexions entre des groupes actifs dans cette région et d’autres installés en Europe. Qu’en est-il exactement d’après vous ?
Il a été établi que, dans cette région incontrôlée, des organisations terroristes sont intervenues dans les flux d’immigration clandestine massive. En plus de la contrebande, ces organisations ont fait de la prise en charge de ces flux des moyens pour financer leurs activités. On a remarqué qu’elles ont commencé à développer un côté criminel pour leur financement dans cette région de prédilection. Aujourd’hui, ces organisations envoient des groupes bien formés qui émigrent aux Iles Canaries et en Europe. Sans la collaboration avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée, on risque malheureusement de se retrouver avec des groupes organisés, mais autonomes pour perpétrer des actes terroristes. L’Europe, surtout le Sud et notamment après les attentats du 11 mars 2004, doit se rendre à l’évidence : le danger est bien réel et ces groupes profitent de toute tendance à l’instabilité des Etats de la région.

Qu’en est-il de la Belgique, pays que vous connaissez bien, et qu’on présente comme l’un des principaux fournisseurs de terroristes en Europe ?
En Belgique, les spécialistes estiment les éléments actifs organisés en cellules dormantes à quelques centaines, voire quelques milliers (1.000 à 2.000 personnes). C’est ce qui a d’ailleurs justifié le débat aujourd’hui au Parlement belge qui est à l’origine du vote de la loi antiterroriste présentée par Mme Onkelinx, vice-Premier ministre et ministre de la Justice. Malgré certaines réticences et critiques de plusieurs ONGs, on a remarqué une certaine unanimité concernant ce sujet.

En général, les gens poursuivis à l’étranger ou extradés au Maroc sont porteurs de la double nationalité. Cela suscite beaucoup de débat également. Quelle est votre opinion là-dessus ?
Plusieurs propositions ont été présentées dont celle de Sarkozy de déchoir de sa nationalité toute personne soupçonnée d’avoir des liens avec des organisations terroristes. Ce débat existe en Europe parce que l’extrême droite européenne essaie par tous les moyens d’utiliser ces arguments contre une grande partie de la population immigrée et musulmane en particulier comme on l’a relevé lors des événements des banlieues. L’ESISC a publié une analyse montrant que ces événements n’étaient pas organisés comme certains le prétendent par des milieux islamistes.
Le malaise est individuel et social. Beaucoup de responsables européens commencent à se rendre compte qu’il est inadmissible de marginaliser beaucoup de personnes alors qu’elles ont démontré une grande capacité à l’intégration.

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