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Jettou : un an déjà

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Il y a un an le gouvernement actuel voyait le jour. Driss Jettou, un technocrate nommé au poste de Premier ministre à la surprise générale, était chargé de former son cabinet. Le moins que l’on puisse dire c’est que la tâche s’est avérée laborieuse. M. Jettou a rencontré de grandes difficultés à mettre en place un tour de table politique concluant à l’occasion de ses tractations avec les leaders des formations pressenties faire partie de son gouvernement. Il aura fallu plusieurs semaines et de nombreux rounds de négociations pour que Driss Jettou sorte de cette épreuve avec un tour de table plus ou moins concluant. À y regarder de plus près, le nouveau gouvernement n’était pas aussi neuf que ça puisque la plupart des ministres qui y siégeaient figuraient déjà dans l’équipe précédente de Abderrahamne Youssoufi. C’était juste un lifting avec un zeste de jeunisme. Pour le nouveau Premier ministre issu du monde des affaires, ces conciliabules pour éprouvantes qu’ils étaient auront été pour lui une expérience édifiante à plus d’un titre. Ils lui ont permis de se familiariser avec les réalités profondes de la politique à la marocaine qui se limitent la plupart du temps à la course à l’apparat ministériel et des privilèges qui vont avec. Homme réputé pour son réalisme et son goût du consensus, Driss Jettou devait certainement être le premier à être déçu par le résultat des courses. Pas besoin d’être expert en science Po pour appréhender les contradictions qui truffent le nouveau cabinet formé de ministres partisans et de ministres SAP. D’abord et surtout, la multitude de partis (pas moins de 6 plus les portefeuilles de souveraineté) qui le constituent. Ce qui s’est traduit par une pléthore de départements ministériels dont certains ont subi un saucissonnage évident en vue de respecter le quota (nombre de députés) de chaque parti et satisfaire les différents prétendants à tel ou tel strapontin. Cette situation rédhibitoire, qui relève moins de la responsabilité du Premier ministre, est à imputer à la structure du paysage politique marocain qui favorise l’émiettement de la carte politique plutôt que l’obtention de la majorité par deux ou trois grands partis. D’où une multitude de sous-ministres à qui on a souvent fabriqué des secrétariats d’État sans prérogatives précises et domaines d’intervention clairement définis. D’où les conflits de compétences nés entre les ministres “plein“ et leurs secrétaires d’État chargés de quelque chose … C’est le cas par exemple de Habib Malki, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse avec Mohamed El Gahs venu au gouvernement par le journalisme et de son collègue Mohamed El Yazghi, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Eau et de l’Environnement avec l’Istiqlalien Abdelkébir Zahoud… Souvent, ces sous-ministres sont d’illustres inconnus que certains ministres en vue avouent en privé ne pas connaître. Ainsi du MNP M’Hamed El Morabit, chargé de l’environnement dans le Département de El Yazghi et de Najima Tay Tay du RNI qui officie à l’alphabétisme et l’Éducation non formelle. Dépourvu de budget et de mission, les intéressés subissent leur sort sans moufeter. Tout contents d’être au gouvernement, ils ne se bagarrent même pas pour avoir un semblant d’existence et arracher quelques arpents de pouvoir. À ceux-là s’ajoutent certains ministres que la méconnaissance de leur secteur a rendu célèbre. C’est le cas de Taïeb Rhafès ministre de la Pêche maritime. Ministre de l’Enseignement supérieur dans le précédent gouvernement, Najib Zerouali a été recyclé dans un département abscons du nom de la modernisation des secteurs productifs. Elevé récemment au rang de patron des commissions supra gouvernementales chargées des dossiers qui fâchent ou qui coincent comme l’audiovisuel et la pêche , Abderazzak El Mosaddeq serait mieux inspiré de débusquer dans le cadre d’une commission spéciale les ministres “clandestins“ dont le rendement est sujet à caution. Et il y en a un paquet. Une chose est sûre : les membres du gouvernement Jettou, s’ils sont égaux devant leur traitement, sont loin d’être d’égale valeur. Cet état de fait a déteint sur le fonctionnement d’un cabinet qui n’a pas tenu ses promesses. Comme s’ils étaient inhibés, même les poids lourds du gouvernement, censés faire tirer l’attelage gouvernemental vers le haut, n’ont pas vraiment brillé. D’où cette impression, en l’absence d’une homogénéité entre ses membres et d’une politique gouvernementale aux contours clairs, que le gouvernement manque de panache et que chacun fait ce qu’il veut. Et navigue à vue. Visiblement, loin d’être, par choix politique ou malgré lui, le chef de l’ensemble d’un gouvernement hétéroclite et clairsemé, le Premier ministre a choisi dès le départ de travailler avec un noyau dur composé d’une poignée de ministres crédités d’une certaine compétence dans les secteurs qui sont prioritaires à ses yeux : Adil Douiri au Tourisme, Karim Ghallb à l’Équipement, au Transport et Taoufik Hjira à l’Habitat et son bras droit Abderazzak Mossadeq. Ce sont eux qui bougent le plus, certains d’entre eux n’ont pas démérité. C’est le cas particulièrement de M. Hjira qui a réussi à donner un coup de fouet au domaine du logement social et de M. Ghallab qui s’est distingué par son caractère opérationnel notamment en matière du Transport. Le reste du gouvernement, lui, donne le sentiment, à son corps défendant sans doute, de ne pas être concerné par le programme et l’action gouvernementaux. Un an d’exercice à peine et le gouvernement Jettou, encalminé, s’essouffle déjà. Pour sortir de sa léthargie, il a besoin inéluctablement d’une refonte globale de son architecture. Sauf à vouloir continuer à se vautrer dans l’immobilisme.

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