«Nous vivons une crise majeure. Notre économie ne crée plus de la valeur», c’est en ces mots frappants que Jamal Belahrach, président de la commission emploi et relations sociales de la CGEM, a fait le point sur les différents maux et les grands défis qui guettent l’économie marocaine ainsi que «le modèle social» du Royaume. Lors d’une conférence de presse tenue lundi 11 mars à Casablanca, la CGEM a dévoilé les grands axes de sa feuille de route en matière de paix sociale, pacte social et emploi.
Les chiffres sont alarmants. Si l’on se base sur les données du Haut-Commissariat au Plan (HCP), 127.000 emplois ont été créés et 126.000 autres ont été perdus en une même année. Chose qui voudrait dire que seuls 1.000 emplois nets ont été effectivement créés et que notre économie ne génère plus de la croissance. Ce constat est loin d’être réconfortant d’autant plus que «la crise économique mondiale et ses conséquences sur notre pays, le niveau faible de développement économique actuel, les différents projets structurants nous montrent que le temps politique n’est pas le temps économique ni le temps social», s’indigne M. Belahrach. Se retrouver aujourd’hui face à une économie quasi stérile fait ressortir des débats de grande ampleur. La réforme des systèmes de retraite, la mise en place de l’indemnité pour perte d’emploi (IPE), la promulgation de la loi organique sur l’exercice du droit de grève, l’inadéquation entre les besoins et la demande du marché du travail, ou encore la quasi inexistante compétitivité des entreprises… tant de sujets sur lesquels la CGEM s’est fermement prononcée. «Aujourd’hui, nous avons une vision claire en ce qui concerne ce que nous voulons faire et comment nous voulons le faire», souligne M. Belahrach. Ce dernier appelle l’Etat à jouer son rôle de régulateur et de facilitateur et faire évoluer l’environnement législatif et réglementaire à un rythme adapté à l’évolution économique et sociale. Dans ce sens, il y a urgence à ce que la loi sur le droit de grève soit promulguée. D’après la même source, «ce droit ne se discute pas. C’est un droit institutionnel mais les droits d’entreprendre et de travailler le sont aussi. Il faut une réelle organisation dans ce sens parce que si ces grèves sont souvent justifiées, elles sont souvent arbitraires aussi». Pour pallier cela, la CGEM appelle à épuiser tous les moyens de médiation avant de recourir aux grèves et à ce qu’un texte régisse ce droit.
Des urgences, il faut dire que la CGEM en a plein pour l’Etat. Pour M. Belahrach, le champ d’attaque N°1 devrait être celui de la mise en œuvre effective du Pacte national pour l’emploi. «Chaque année, plus de 300.000 jeunes affluent sur le marché du travail et nous n’avons rien à leur proposer. Notre approche en matière d’emploi et formation doit radicalement changer. On ne fait que produire du chômage et sacrifier des générations entières!», s’alarme-t-il. Il est à rappeler à ce titre que, selon le HCP, 67% des chômeurs au Maroc sont âgés entre 15 et 29 ans. Soit l’équivalent de 700.000 jeunes laissés en dehors de l’économie de travail. Il y a d’ailleurs lieu à ce titre de se poser des questions quant au retard de la mise en place de l’Observatoire de l’emploi et l’employabilité lequel est censé mener des études et distinguer les métiers porteurs afin d’y adapter les formations au Maroc.
Parmi les priorités de la stratégie de la CGEM figurent, entre autres la mise en place d’une base de réflexion avec toutes les parties prenantes sur la construction d’un modèle social national adapté à la réalité économique, l’optimisation de la compétitivité et l’installation d’un dialogue social direct durable pour réduire les conflits, la mise en place de l’IPE, la réforme sur les régimes des retraites ainsi que la réduction de la TVA sociale.
Toutefois, la nouveauté qu’apporte la CGEM avec sa nouvelle feuille de route serait la proposition d’un modèle de «flexibilité responsable» et qui sera en principe présenté aux syndicats dans les quelques jours à venir.
Une flexibilité qui, d’après le président de la commission emploi et relations sociales, ne devrait pas être associée à «précarité» et qui, par contre, propose un modèle installant des notions jusqu’à l’heure absentes du code du travail tels le travail temporaire, la rupture conventionnelle et le travail à temps partiel. Ces mots, bien que séducteurs, posent plusieurs inquiétudes quant à leur adaptabilité avec les modèles économique et social du pays. On en cite à titre d’exemple des questions liées au mode de cotisation à la CNSS de ces salariés temporaires, comment pourraient-ils enrichir les bases sociales et quelle crédibilité peuvent-ils avoir auprès des institutions bancaires? Tant de garanties sur lesquelles il est nécessaire de se pencher avant adoption de tout modèle de flexibilité sociale.
Avant le déclenchement d’une grève, un préavis d’au moins 10 jours de travail effectif doit être respecté. «Il est hors de question que le privé paie pour le public» Déclenchement de grève: Qu’en dit la CGEM? IPE en quête d’un système pérenne, juste et équitable |