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La haine en boucle

Le rapport 2001 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) en France est tombé. Comme à l’accoutumée, le 21 mars, journée internationale contre le racisme. Le cru 2001, qui survient après les attentats du 11 septembre à New York et Washington, constate comme l’on s’y attendait, une forte persistance des violences et menaces racistes. Une nouveauté toutefois, les actes antisémites sont moins nombreux qu’en l’an 2000, alors que les actes dirigés contre la communauté maghrébine établie en France ont fortement augmenté.
Les chiffres communiqués par le président de la CNCDH, Alain Bacquet, illustrent parfaitement la nouvelle donne. Les actes antisémites sont passés de 119 actions violentes en 2000 à 29 en 2001. Les menaces elles, sont passées de 624, l’année dernière à 171 cette année. Tel n’est pas le cas des actes racistes dirigés contre les « maghrébins », qui semblent continuer à évoluer sur la même courbe ascendante. Ainsi, 65% des victimes de violences (autres que juives) sont d’origine maghrébine et sur 163 actes d’intimidation de caractère raciste, 115 ont eu pour victimes des Maghrébins. Alain Bacquet y va de son analyse : «En 1991 c’était la guerre du Golfe, en 1995 les attentats dans le métro parisien. Le pic de 2000 est lié à la deuxième Intifada et les chiffres de 2001 sont en rapport avec la situation au Proche-Orient et les événements du 11 septembre». En 2002, il y aura sûrement quelque évènement international pour «justifier», la très probable évolution à la hausse de la discrimination à l’égard de la communauté maghrébine établie en France. C’est dire si la donne est en train de s’institutionnaliser en France.
Déjà, l’année dernière, une levée de boucliers avait accueilli la publication du sondage : «Les Français et le racisme», une enquête effectuée chaque année depuis une décennie à la demande de la CNCDH, placée, soit dit en passant, sous l’autorité du Premier ministre français. Le sondage avait bousculé bien des consciences tranquilles en révélant que 69% des personnes interrogées se déclarent plus ou moins «racistes», soit une hausse de 7 points en un an. Bien plus, 60% des Français, selon les résultats de la consultation, estiment qu’il y a «trop de personnes d’origine étrangère» en France.
Ce ne sont pas les critiques publiées ici et là contre l’interprétation des résultats de ce sondage qui changeraient quoi que ce soit à la réalité vécue quotidiennement par les maghrébins en France.
Martine Aubry, ex-ministre de l’Emploi et de la Solidarité, actuellement maire de Lille, le reconnaissait publiquement à l’occasion d’un débat à l’Assemblée nationale française. Dans notre pays, disait-elle en octobre 2000 à l’adresse des députés, «l’Autre est trop souvent suspect. Sa différence suscite méfiance et ostracisme. Notre société, dans ses représentations, ses rapports sociaux, stigmatise dans trop de cas celui qui vient d’ailleurs, l’étranger, l’immigré, même s’il vit en France depuis plusieurs générations ».
Méfiance et ostracisme, les mots sont lâchés. Les mêmes sentiments qui font que «La couleur de peau, un nom, une adresse barrent l’accès à l’emploi, au logement, aux loisirs et compliquent les relations avec les services publics».
Des sentiments qui sèment la haine dans les coeurs de leurs victimes. Ils finissent par récolter des réalités du genre de celle pointée par la CNCDH, quand elle relève que « nombre d’actes antisémites peuvent être attribués à des jeunes originaires des quartiers dits sensibles, souvent issus de l’immigration, impliqués par ailleurs dans la délinquance de droit commun, et qui verraient dans le conflit du Proche-orient la reproduction des exclusions et des échecs dont ils se sentent eux-mêmes victimes en France ».
Contre ce cycle de la haine, que peut faire l’arsenal juridique étoffé de la république ? Quelle portée à la «déclaration de Grenelle» qui avait marqué en mai 1999, l’engagement des organisations syndicales et patronales dans le combat contre le racisme ? Qu’apportent «les assises de la citoyenneté», organisées avec tambours et fracas en mars 2000, pour lever le tabou sur cette gangrène menaçant les valeurs mêmes de la république ? Tant que des attitudes quotidiennes, banalisées à force d’être répétées en toute impunité, persisteront, le «114», numéro gratuit mis en place pour être le recours, souvent le seul possible, des victimes de la discrimination raciale, continuera à sonner. Tristement. Car, le cycle de la haine, n’aura pas encore été stoppé.

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