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La misère des prisons marocaines mise à nu

Jamais la ville d’El-Jadida, d’habitude paisible, ne s’est réveillée sur une si terrible torpeur et une tragédie si pénible et si douloureuse. Un ravageur incendie, causant la mort de 44 détenus dont 6 calcinés et 89 blessés dont 38 sont toujours à l’hôpital Mohamed V et 7 autres ont été acheminés vers le CHU Ibn Rochd, s’est déclaré, en effet, à la prison civile de Sidi Moussa.
Le film des événements. Selon le communiqué officiel, le feu se serait déclenché à 1h30 du matin de ce vendredi lugubre au pavillon 5 pour gagner, très vite, le pavillon mitoyen(6), formant le quartier Bachir. Mais des témoignages concordants infirment cette déclaration. Des détenus et des intervenants ont déclaré que l’incendie s’était déclenché beaucoup plus tôt. Une version que consolidera un témoin oculaire, se trouvant près des lieux du drame, a déclaré avoir vu le feu et la fumée se dégager de l’intérieur de la prison à 00h30.Que s’est-il passé donc au juste ? Selon des sources pénitentiaires, au moment du déclenchement de l’incendie, le seul surveillant, étant sur les lieux, aurait tenté, à plusieurs reprises, de joindre par téléphone le directeur de la prison. Mais en vain. Il était aux abonnés absents. Ainsi, le gardien n’aurait eu d’alternative que d’aviser les services de permanence de la province qui aletèrent, à leur tour, le procureur général et les corps de la police et de la Protecion civile à partir de 1h05. Arrivés sur les lieux cinq minutes plus tard, le feu s’était transformé déjà en un véritable brasier et les détenus étaient toujours enfermés! Les sapeurs-pompiers, avec les moyens de bord, ne pouvaient, à eux seuls, faire face à cet infernal feu.
Le concours de leurs homologues de Jorf Lasfar et ceux de l’unité mobile de Salé fut sollicité. Ainsi, il aurait fallu plus de deux heures pour maîtriser définitivement les flammes. Les ambulances communales ainsi que celles des sapeurs-pompiers et du ministère de la Santé furent toutes mobilisées pour l’évacuation des morts et blessés vers l’hôpital Mohamed V. Un transport qui s’est fait sans sirène pour ne pas terroriser une population dormante et qui ignorait complètement que tout à côté se déroulait l’un des terribles incendies qu’aurait vécus la population carcérale de notre pays. Un bilan lourd qui aurait pu être évité. D’après des éléments des équipes de secours, le lourd bilan des décédés et des blessés n’aurait pu avoir lieu si les portes des cellules du quartier avaient été ouvertes au moment du déclenchement du feu. «Même après notre arrivée, avouera l’un d’eux, les portes sont restées closes. Pour éteindre le feu, on a du le faire à partir des fenêtres et des couloirs. Cela nous a fait perdre beaucoup de temps pour le circonscrire. D’autant plus, il y avait, à l’intérieur, des objets inflammables qui ont aidé à une propagation rapide des flammes». En pareil cas ou face à une autre catastrophe, de quelque nature qu’elle soit, l’ouverture des cellules et d’une prison ne s’effectue que sur ordre du ministre de la Justice. Une procédure lourde et rigide qu’on n’a pas essayé, hélas,d’apaiser. Comme si la leçon des drames des pénitenciers d’Oukacha,en septembre 1997, et de Souk Larbaâ, en août 2002, ayant fait 33 morts et des dizaines de blessés, n’avaient pas servi de leçon. Attend-on encore le pire pour qu’on songe enfin à assouplir les procédures ?
Quelles sont les causes de ce drame ? Le communiqué officiel parle déjà, c’est devenu coutume, d’un court-circuit électrique qui couvait et qui s’est déclaré subitement. D’autres attribuent l’origine du sinistre au gaz butane qu’auraient utilisé deux détenus dans une tentative de suicide. Brahim Salmi, qui a survécu, déclarera même que l’acte est criminel. Un transféré de Marrekech, condamné à une peine de 16 ans ferme, aurait juré de mettre le feu au pavillon. Mais d’après les déclarations d’anciens détenus, l’incident n’aurait été provoqué que par la faute d’un réchaud qui a du sauter. En effet, et selon les nombreux aveux d’anciens détenus, ces appareils électro-ménagers, quoique interdits, circulent librement dans les cellules. Il suffit de verser aux gardiens entre 300 et 400 DH pour s’en procurer un.
Ces graves accusations seront appuyées par d’autres encore beaucoup plus sérieuses : dépassements et abus ainsi que l’anarchie régnant dans la prison de Sidi Moussa. Il faut avouer que la prison de Sidi Moussa, ouverte en 1994 et considérée comme l’une des plus modernes au Maroc, souffre de mille et une carences. D’une capacité de 1000 détenus, elle en abrite, actuellement, 1313. Un nombre qu’elle pourrait dépasser largement comme cela s’était produit, à maintes reprises, dans le passé

• Azzeddine Hnyen
Correspondance régionale

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