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Lakhal : «Une lutte aux enjeux politiques»

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ALM : Quelles sont à votre avis les raisons de cette lutte entre les Musulmans de France pour s’octroyer la représentativité de l’Islam de France ?
Said Lakhal : Il s’agit essentiellement de raisons politiques. C’est pour ainsi dire que c’est la lutte entre le Maroc et l’Algérie, qui est reflétée par ce problème. C’est d’autant vrai au point qu’un imam algérien de mosquée, résidant au sud de la France a déclaré recevoir des menaces officielles des services du consulat algérien. Les Algériens considèrent qu’ils sont plus aptes à accaparer la représentativité des Musulmans de France, arguant à qui veut l’entendre que le nombre de leurs ressortissants est le plus élevé en France. Par conséquent, ils sont bien placés pour incarner le rôle de l’interlocuteur officiel face aux autorités françaises au nom de la communauté musulmane française. Cela d’une part. La seconde raison du problème est la nature même de la personnalité chez les Arabes qui s’attachent incroyablement au pouvoir. L’Histoire l’a montrée depuis le début. Le Calife Othmane Bnou Affane n’a été tué que parce qu’il n’avait pas voulu renoncer au pouvoir. C’est une particularité chez l’Arabe de ne jamais quitter «le siège» que pour la tombe, il est même prêt à le payer de sa propre vie ou celle de ses proches. Cependant, il existe une troisième raison à ce conflit. Derrière les différents protagonistes se trouvent des pays, des organismes ou autres ONG qui cherchent à avoir de l’influence dans les pays hébergeant des communautés musulmanes et cherchent par tous les moyens à atteindre cet objectif à travers un quelconque courant.
Partant de ce raisonnement, vous pensez que le Maroc et l’Algérie feraient pression sur leurs ressortissants pour les raisons sus-citées ?
Il n’y a aucun doute là-dessus, notamment du côté algérien. Ils incitent leurs ressortissants à s’attacher aux imams approuvés par les responsables de leurs pays respectifs. Ce qui n’est pas le cas pour les autres musulmans (comme les Tunisiens ou les Turcs par exemple) qui se confinent dans un statut de spectateur comme s’ils n’étaient pas du tout concernés. De plus, ceux qui font pression, que ce soient l’Etat, les organismes ou les ONG, prennent le problème très au sérieux. Ils pensent que leurs intérêts religieux ne peuvent passer qu’à travers une forte pression sur la France provenant de l’intérieur même de ce pays pour la pousser à se plier à ses exigences (l’affaire du voile à titre d’exemple).
Pour d’autres, l’octroi de la représentativité constitue une brèche à travers laquelle s’accomplirait l’islamisation de toute la France, ou encore à travers laquelle les Musulmans s’attaqueraient «légalement» aux principes de la laïcité.
Est-il possible que les Musulmans de France soient unis sous la même entité ?
Je dirai que c’est presque impossible, car une telle union signifie automatiquement que les positions du Maroc et de l’Algérie sont les mêmes, ce qui n’a jamais été le cas depuis l’indépendance des deux pays, du moins politiquement parlant. De plus, si les Musulmans de France sont unis, cela voudrait dire que les orientations des différents courants ( chiites, sunnites etc…) seraient les mêmes. Là aussi c’est presque impossible puisque cela n’a jamais été le cas depuis des lustres. En outre, si une telle union eût lieu, c’est la France qui serait le premier, voire-même l’unique bénéficiaire, car elle serait en mesure de cadrer le champ religieux et n’aurait qu’un unique interlocuteur. Dans ce cas, les Musulmans seraient dans une position respectable aux yeux des autorités françaises, et leurs revendications n’en seraient que plus légitimes. D’autant plus que de la sorte, l’herbe serait coupée sous les pieds de tous les mouvements intégristes.
Et la France dans tout cela ?
A mon avis, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est bel et bien la France qui profite de cette lutte entre Musulmans, dans laquelle elle préfère ne pas être impliquée pour ne pas être soumise à une quelconque pression.
Tant qu’il existe des luttes de ce genre, la France est à l’abri d’une probable inclinaison devant une communauté forte et organisée, dans un cadre démocratique et légal. D’un autre côté, la France utilise ces communautés pour légitimer ses positions vis-à-vis de la religion, comme elle l’a fait dans l’affaire du voile.

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