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L’ambivalence espagnole et la phobie anti-marocaine

Les autorités espagnoles veulent désormais confier la lutte contre l’émigration clandestine en direction de leur pays à l’armée. Fuera la Guardia civile qui s’occupait jusqu’ici de ce dossier sensible. Les militaires qui prennent le contrôle d’un problème qui ne les concerne apparemment pas, cela n’est pas étonnant outre mesure. Depuis quelque temps, le pouvoir militaire espagnol, sous la férule du ministre de la Défense Fédérico Trillo, de moins en moins cantonné dans les casernes, semble avoir pris de l’ascendant sur le gouvernement de José Maria Aznar. Ce glissement est surtout visible dans les relations tendues de Madrid avec Rabat. On a ainsi vu M. Trillo monter au créneau à plusieurs reprises pour dire tout le bien qu’il pense du Maroc, de sa presse et de son ministre des Affaires étrangères.
Estimant que la Guardia civile ne sévit pas assez contre les candidats au départ, l’armée espagnole compte donc écarter la police et prendre les choses en main à partir des cotes espagnoles et des présides marocains de Sebta et Mélilia. Considérées comme le lieu de passage des émigrés clandestins, ces deux villes marocaines occupées sont plus que cela : elles sont surtout des plaques tournantes pour la grande contrebande et le trafic de drogue. Mais les autorités espagnoles ont évacué de leur discours ces deux phénomènes, réduisant ainsi leur contentieux avec son voisin à la seule «invasion» des clandestins auquel elles font assumer la responsabilité en l’accusant tantôt de fermer les yeux, tantôt de ne pas faire assez. Si ce n’est pas de la mauvaise foi, cela y ressemble beaucoup. L’émigration clandestine n’est pas seulement le spectacle désolant qu’elle offre régulièrement sur les chaînes de télévision : des boats people qui se noient dans le Détroit. Cette détresse humaine spectaculaire n’est que la face visible de l’iceberg. Car derrière ces drames à répétition se cache tout un commerce juteux de traite des êtres humains avec des filières bien organisées animées par des passeurs professionnels. Ceux-ci, à moins de verser dans l’angélisme, ne se recrutent pas seulement du côté marocain. Ils se trouvent aussi et surtout en Espagne. Qui connaît mieux que les autochtones les chemins tortueux et détournés de l’émigration ? Sur cette question, il est vrai poignante qui a besoin d’une solution globale, l’Espagne s’est toujours posée en victime, évitant de reconnaître sa part de responsabilité.
Le trafic des stupéfiants ensuite. En la matière, force est de constater que Madrid ne fait pas montre du même excès de zèle qu’elle déploie envers le problème des clandestins. S’il est vrai que la drogue produite au Maroc transite vers l’Espagne, on n’a jamais vu les autorités espagnoles monter en épingle dans leurs médias les saisies du cannabis opérées sur leur territoire ou le long de leurs frontières. Alors à quoi rime cette politique de deux poids deux mesures ?
Haro sur les pauvres clandestins diabolisés à l’excès et conjuration du silence sur les gros bonnets de la drogue ? Mieux, ces derniers, quand ils fuient leur pays, trouvent facilement refuge à Marbella. Madrid leur déroule le tapis rouge pour les aider à recycler leur argent sale. La grosse contrebande, ensuite. Elle provient comme chacun le sait des enclaves de Sebta et Mélillia. Un phénomène permanent qui mine le tissu économique marocain avec comme conséquence un gigantesque manque à gagner. Divers produits agro-alimentaires fabriqués dans ces deux villes-souvent des sous-marques quand ils ne sont pas frelatés-sont introduits tous les jours sur le territoire national au vu et au su des douaniers espagnols. Pourquoi l’Espagne, qui exige du Maroc de faire des efforts pour éradiquer le phénomène de l’émigration clandestine, ne fait pas de même pour aider ce même Maroc à contrecarrer le fléau de la contrebande ?
On a du mal à percevoir dans l’attitude espagnole à l’égard de son voisin le moindre esprit de partenariat et de bon voisinage. À croire finalement que tout est organisé à partir de Madrid pour affaiblir Rabat.
En fait, c’est cette ambivalence que les dirigeants espagnols doivent dépasser une fois pour toutes pour reconstruire leurs relations avec le Maroc sur de nouvelles bases, claires, franches et objectives. Ce n’est pas en agressant le Maroc de cette grossière façon que l’Espagne de José Maria Aznar réalisera son ambition de leadership dans la région. Si l’avenir du Maroc c’est l’Espagne, l’avenir de l’Espagne se trouve aussi au Maroc.

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