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L’arroseur arrosé

Le prince Moulay Hicham aime la presse. Et surtout une certaine presse au Maroc. Celle qui sait l’encenser, lui tresser des lauriers pour le montrer sous son meilleur jour. Ces derniers temps, on a eu droit à des articles laudateurs sans une once de critique sur sa vision du Maroc et de ses institutions.
Surveillant les médias comme le lait sur le feu, jouant de son talent de séducteur, le fils de Moulay Abdallah adore d’autant plus lire ce qu’il a lui-même suscité et se voir dans le miroir qu’il s’est taillé que les journalistes continuent de plus belle à flagorner à jet continu. Facile au début, l’exercice est devenu laborieux par la suite. Mais on le trompait. On lui assurait qu’il est en phase avec le peuple et que ses déclarations suscitent des frémissements sérieux dans l’opinion. Certains patrons de presse, qui sont passés à l’occasion maîtres dans l’art du panégyrique, savaient dans leur relation avec le prince éviter le détail qui braque, le ton qui fâche ou la remarque qui agace.
Caresser dans le sens du poil. Abonder dans la direction de l’intéressé. Faire semblant de partager ses points de vue. En un mot, ne jamais le contrarier. Il fallait que le prince soit content. Un point c’est tout. Mais pourquoi tant de sollicitude médiatique à l’égard d’un prince contestataire? Celui-ci, c’est connu, est un homme agréable, qui sait séduire et dont les arguments, quand ils sont bien emballés, sont irrésistibles. Le prince Moulay Hicham, avant de se rapprocher de la presse nationale, a fait la une de journaux français, à commencer par Jeune Afrique.
Cette publication était la première à le courtiser en le présentant à ses lecteurs avant de se retourner contre lui dans un long article paru dans l’édition du 22 au 28 janvier, intitulé «L’homme qui voulait être roi». Le prince s’est employé a signer lui-même des articles dès 1995. Le premier est paru dans Le Monde Diplomatique où l’auteur critique l’absence de démocratie dans tous les pays du monde arabe. Une année plus tard, deuxième article dans le même journal, centré cette fois-ci sur le Maroc dont il dénonce les différents maux tout en appelant la monarchie à s’adapter. Cette sortie princière n’a pas manqué à l’époque d’irriter les hautes sphères du pays. C’est à ce moment-là que Moulay Hicham commence à être connu au Maroc, à faire parler de lui dans les milieux intellectuels et politiques sans que la presse locale ose aborder le sujet, il est vrai, politiquement délicat. Un hebdomadaire de la place a tenté d’ouvrir un front dans ce domaine. Réaction immédiate des autorités : censure du numéro censé contenir un long dossier sur Moulay Hicham. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. Entre-temps, le pays a gagné des espaces de liberté substantiels, à la faveur de l’avènement de S.M Mohammed VI. Une évolution que certains médias marocains n’ont pas apparemment apprécié à sa juste valeur, confondant leur délire personnel avec le destin du pays, se servant des uns pour atteindre les autres. Moulay Hicham fait la une ici et là, des papiers lui sont dédiés. Ses moindres faits et gestes sont commentés plus que de mesure. Arrières-pensées? Volonté de bien faire ? Une chose est sûre : ces mêmes supports qui manquent visiblement de métier et de professionnalisme se sont appuyés sur les thèses de Moulay Hicham pour s’ériger par la même occasion en donneurs de leçons impénitents dans une tentative désespérée de se donner une épaisseur qu’ils n’ont pas. C’est tout le problème de cette presse-là.
Les choses envisagées sous cet angle, une question se pose d’elle-même : Moulay Hicham, à force de vouloir être le chouchou des médias, en est-il devenu la victime ? Il fait vendre un point c’est tout. Dans le meilleur et dans le pire.
À un moment donné, certains observateurs, très vigilants quant à l’activité du prince, croyaient voir dans les articles qui commençaient à faire florès un peu partout une stratégie de communication bien réfléchie de la part de l’intéressé avant de se rendre compte qu’il n’en était rien. En fait, ça fait vendre du papier. Et puis le répondant tant attendu ne venait pas.
Comme quoi, les excès non contrôlés, en plus qu’ils débouchent sur des dérapages, nourrissent progressivement la banalisation. C’était dans l’ordre des choses. On ne fréquente jamais les journalistes impunément.

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