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Le Cabinet Jettou enfanté dans la douleur

C’est un nouveau gouvernement mi-figue mi-raisin que le Premier ministre Driss Jettou a sorti de son chapeau. En est-il satisfait, lui, qui a pris un mois environ en diverses consultations avec les partis concernés pour monter son équipe ? On ne le sait pas pour le moment. Une chose est sûre : à en juger par sa composition, le cabinet Jettou reprend en grande partie les ministres du gouvernement sortant. Il ne manquait que M.M Youssoufi et Lahlimi pour parler d’un gouvernement d’alternance III.
De là à soutenir que Driss Jettou a, d’entrée de jeu, “bouffé“ une partie du bénéfice de changement dont il était crédité depuis sa nomination, il n’y qu’un pas que certains observateurs ne manqueront pas de franchir. D’autres, par contre, feront une autre lecture de l’ossature de l’équipe Jettou : le maintien d’une bonne brochette d’anciens ministres signifierait que les intéressés ont bien travaillé et qu’ils n’ont pas démérité. Pourquoi alors changer des éléments qui gagnent ?
La confidentialité poussée à l’extrême ayant entouré le nom des ministrables retenus fut rompue subitement dans la matinée du mercredi 6 novembre. Les portables des initiés et des observateurs n’ont pas arrêté de sonner. Le gouvernement tant attendu est enfin prêt. Selon la rumeur, il serait même nommé par S.M le Roi en ce premier jour du Ramadan au Palais royal de Rabat. Mais le souverain n’a quitté la ville d’Agadir, où il séjournait depuis plusieurs jours, que vers 15 heures. C’est le lendemain plutôt qu’aura lieu la cérémonie officielle de nomination de la nouvelle équipe. Quels en sont les membres?
D’abord, les heureux ministres reconduits. À tout seigneur tout honneur, Fathallah Oualalou de l’USFP à l’Économie et aux Finances. Son collègue Mohamed El Yazghi conserver l’Urbanisme et l’Aménagement du Territoire, tandis que Mohamed Achâari rempile aux Affaires culturelles. La Communication qu’il détenait sous l’ancien gouvernement a été confiée au PPS Nabyl Benabdallah dont le collègue, Omar El Fassi, garde la recherche scientifique en tant que ministre délégué.
Retour également de deux autres ministres USFP qui ont quitté le gouvernement remanié en septembre 2000 : Khalid Alioua cette fois-ci comme titulaire de l’Enseignement supérieur et Habib Malki à l’Éducation nationale. Quant à Mohamed Bouzoubaâ, qui s’occupait des Relations avec le Parlement, il revient en force à la tête de la Justice qui n’est plus considéré comme un département de “souveraineté“. Nouzha Chekrouni passe de la famille et la protection de l’Enfance à un nouveau secrétariat d’État dédié au RME. Un seul nouveau visage usfpéiste : le journaliste Mohamed El Gahs prévu pour le département de la jeunesse et des sports.
L’Istiqlal, quant à lui, a eu droit à huit fauteuils ministériels, soit le même nombre que l’USFP. Le leader du parti, Abbas El Fassi, a fini par obtenir à l’arraché le titre de ministre d’État. Cherchez le portefeuille, vous ne le trouverez pas. Mais l’énergie déployée par l’intéressé pour y être doit être phénoménale. En échange de sa “reministrabilité“, M. El Fassi a fait nombre de concessions. Il a accepté que deux apparentés soient comptabilisés sur le quota istiqlalien : Adil Douiri, président du conseil de surveillance de CFG (Casablanca finance group) qui s’est vu attribuer le ministère du Tourisme et Karim Ghallab qui a décroché le gros lot. Jusqu’ici directeur général de l’ONCF, il sera aux manettes du Transport et de l’Équipement où il était directeur des routes avant d’être chassé par le ministre sortant Bouamour Taghouane. Quelle revanche ! Après avoir été ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Moulay M’Hamed Khalifa prend l’Économie sociale et l’Artisanat. Saâd Alami, qui n’a jamais accédé à la ministrabilité, se voit confier les Relations avec le Parlement. Cette nomination sonne comme une consécration logique d’un homme diplomate et discret au caractère trempé, qui a su se montrer patient sans jamais élever la voix. Le poste lui sied comme un gant. Autre nouveau visage, celui d’une femme qui s’est imposée naturellement en enlevant un siège parlementaire sur la liste locale à Casa-Anfa.
L’avocate Yasmina Baddou devient secrétaire d’État chargé de l’enfance et de la Famille.
Ex-directeur général de l’ANHI, Taoufik Hjira fait pour la première fois son entrée au gouvernement comme ministre de l’Habitat, tandis que Abdelkébir Zahoud, un ingénieur de l’école Hassania qui milite à l’Istiqlal depuis deux ans seulement, a été appelé à présider aux destinées du nouveau secrétariat d’État à l’Hydraulique. Ahmed Khalil Boucetta, fils de l’ex-patron de l’Istiqlal a été donné comme ministre de l’Habitat. En fait, il n’en est rien. L’intéressé devra encore patienter tout comme les jeunes cadres militants du parti comme le Pont et Chaussées Youssef Tazi. Aucun d’entre eux n’a compris pourquoi Abbas El Fassi a accepté de donner à la dernière minute l’étiquette Istiqlal, pour les besoins de la ministrabilité, à des gens qui n’ont rien à voir avec le parti. La grogne a déjà commencé.
Le RNI de Ahmed Osman a dû se contenter de quelques portefeuilles plutôt maigres. Mustapha Mansouri hérite du ministère casse-cou de Abbas El Fassi. L’Emploi, avec le scandale des 30.000 emplois fictifs de l’Anapec, s’apparente en effet à un cadeau empoisonné. Mais parions que M. Mansouri, fort de son sens des responsabilités et son tact habituel, saura dénouer ce dossier embarrassant qui lui a été refilé comme une patate chaude. Titulaire du ministère de l’Enseignement supérieur sous l’ancien gouvernement, Najib Zerouali, par ailleurs candidat malheureux aux dernières législatives, exercera ses talents à la Fonction publique. Mohamed Auujar rempile aux droits de l’Homme. Le RNI contrôle tout de même le ministère des Pêches dévolu à Taïeb Ghafès et que son prédécesseur a réussi l’exploit de déstructurer. Que va faire le successeur auquel on ne reconnaît pas de compétence particulière dans les ressources halieutiques ? La question reste posée. Le secrétariat à la lutte contre l’analphabétisme, nouvellement créé, avait comme candidate Najima Taïtaï, membre du comité exécutif, avant qu’elle ne profite à la dernière minute à Malika Sarroukh, enseignante à la faculté de Tanger. Le ministère du Commerce et de l’ Industrie est revenu également au RNI à travers le jeune Rachid Talbi, coordonnateur du parti à Tétouan et par ailleurs propriétaire d’une unité de confection. La valse des noms a concerné particulièrement les deux mouvements, MP et MNP.
Outre l’Agriculture qui échoit à Mohand Laenser, le MP s’est vu accorder le Commerce extérieur et l’Environnement. Les bienheureux sont respectivement Mustapha Mechhouri, secrétaire général de la CDG et Saïd Oulbaz, médecin au CHU de Rabat.
Mohamed Boutaleb, secrétaire général de l’ONAREP, a été comptabilisé au début sur le quota du MP comme ministre de l’Énergie avant qu’il ne soit placé sous la bannière du MNP. Le portefeuille de la Santé a eu deux candidats dans la même journée du 7 novembre : Fatima Khiel du MP et Ouzzine Aherdan du MNP. Aux dernières nouvelles, le choix s’est porté sur Mohamed Cheikh Biyadillah, actuel wali de Safi. On a dû se rendre compte à la dernière minute que les provinces du Sud n’avaient pas été représentées dans le gouvernement Jettou. Ce médecin de formation, qui était député avec le PND, doit trouver une adresse politique. MP ou MNP ?
Les ministères des Habous, des Affaires islamiques, des Affaires étrangères et de la Défense, tout comme le secrétariat général du gouvernement, n’ont pas changé de main. Ce qui n’est pas le cas de l’Intérieur qui a besoin d’un nouveau titulaire depuis que son occupant a été élevé au rang de Premier ministre. Ce sera El Mostafa Sahel, actuel Wali de Rabat-Salé et ex-ministre de la Pêche sous le gouvernement Filali.
Le nom du conseiller de S.M le Roi, Meziane Belfkih, a été donné par la rumeur jusqu’à la dernière minute comme successeur de Driss Jettou à la tête de ce ministère. N’ayant pas démérité, Ahmed Lahlimi, qui avait entres autres attributions les affaires générales du gouvernement, cède la place à un nouveau venu : Abderazzak Mossaddeq, le directeur général de l’administration des Douanes dont l’efficacité est reconnue et appréciée. Très proche du chef du gouvernement, celui-ci aura à gérer ce département important sous un nouveau nom : Affaires économiques et mise à niveau. Driss Jettou a mis donc sur pied un gouvernement dont la composition ne bouscule pas vraiment les équilibres politiques et qui pèche aussi par son caractère pléthorique. Le nouveau Premier ministre pouvait-il faire autrement ?

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