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Le malaise du secteur libéral

Le Professeur Anis Saadi est une autorité à la fois scientifique et morale parmi les professionnels de la médecine, dans notre pays. Chirurgien, par son métier, il a cumulé une longue expérience de trois décennies environ dans divers postes de responsabilités, tant dans le secteur public que privé. Il est actuellement président du Collège des spécialistes qui regroupe quelque quatre mille cinq cents praticiens.
Pour lui les problèmes de la médecine en général et particulièrement de la médecine libérale sont d’abord dûs à «un système biaisé» dans lequel les réglementations sont soit dépassées soit allègrement détournées de leur finalité première.
Cet état des choses, note le professeur Saadi, s’explique notamment par «la multiplication des intervenants» dans le secteur médical, créant ainsi des interférences, des dépassements de prérogatives, des confusions de genres et compétences très préjudiciables à l’ensemble du secteur de la santé.
La situation, selon lui, est caractérisée par l’intervention directe dans la gestion de la santé par des organismes et structures dont ce n’est pas la vocation ni la compétence. Il pointe du doigt à la fois le secteur semi-public tels la CNSS, le Cnops, la MGEN, des entreprises étatiques, comme l’OCP ou l’ONCF, qui dispensent elles aussi des prestations médicales hors du circuit légal, ou encore des associations et fondations en tous genres qui, compte tenu des avantages dont elles jouissent, faussent les règles de la concurrence et de la compétitivité dans ce secteur.
C’est également le cas des assurances et des banques qui interviennent de plus en plus dans le secteur de diverses manières qui ne respectent pas les étanchéités indispensables entre les divers corps de métiers. Dans ce contexte de confusion des genres, le professeur Saadi cite également la multiplication des infractions à la réglementation en vigueur au niveau des collectivités locales qui dévient les bureaux d’hygiène relevant de leur autorité des objectifs qui sont les leurs. De sorte qu’au lieu de se préoccuper des fonctions qui leur sont attribuées de par leur statut, notamment l’élaboration et la mise à jour de la carte sanitaire, ces services se transforment en cabinets de consultation, livrant une concurrence déloyale aux praticiens.
Pour ce spécialiste, le secteur libéral de la santé dont l’apport et la contribution sont déterminants dans l’ensemble des segments du domaine de la santé publique au Maroc : consultations, soins, hospitalisation, radiologie, pharmacie, laboratoires d’analyses, etc., est profondément lésé par cette situation de « pagaille» qui prévaut dans le secteur. Si l’on ajoute à tous ces facteurs pénalisants une forte pression fiscale, en TVA et en patente notamment, qui pèse sur un métier qui perd de plus en plus de ses attraits, on aboutit à une grave détérioration du secteur et de faillites en série de nombreux jeunes médecins qui se sont lourdement endettés pour ouvrir des cabinets et qui se retrouvent pour la plupart dans l’impossibilité d’honorer leurs engagements.
Dans ce contexte, Anis Saadi estime qu’il ne faut pas focaliser les problèmes de la santé publique sur le débat en cours sur le fameux TPA et encore moins opposer professionnels du secteur public à ceux du secteur privé, qui devraient être complémentaires et solidaires dans leur combat pour une meilleure valorisation de leur situation et pour un assainissement de l’image et des pratiques du secteur de la santé. Sur cette question particulière, le président du Collège des spécialistes, tout en pointant l’échec du système et les dérives d’un «nombre limité brebis galeuses», aggravées par un certain nombre de cliniques privées qui ont complètement dévoyé le principe et les finalités du TPA, appelle de ses voeux une meilleure concertation entre les diverses parties prenantes qui aboutira à une réglementation efficiente qui tienne compte des intérêts de l’ensemble du secteur et de la meilleure manière de protéger les droits et intérêts des bénéficiaires des prestations du secteur.

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