Une disposition qui vient à point nommé
Jusqu’à obtention gain de cause par la CGEM, aucun texte légal n’évoquait clairement la question des délais de paiement entre opérateurs privés. Seule la loi 06-99 sur les prix et la concurrence interdisait de pratiquer des délais de paiement discriminatoires et non justifiés à l’égard d’un partenaire économique. Or, l’allongement des délais de paiement n’épargnait aucun secteur, et les répercussions étaient néfastes sur l’économie. D’ailleurs, le ministère du commerce et de l’industrie a souligné dans ce sens que, «le non-paiement des créances dans des délais raisonnables constitue l’une des principales difficultés de l’entreprise, en particulier les petites et moyennes structures». Ainsi, la loi 32-10 entend corriger ces anomalies. Dorénavant et dans le cas où le contrat de la transaction entre les deux parties n’y fait aucune référence, le délai de paiement des créances ne doit plus dépasser les 60 jours à compter de la date de réception de la marchandise ou de la réalisation du service. Si les deux parties se mettent d’accord sur un délai de paiement, il ne doit pas excéder les 90 jours.
Les PME craignent de perdre leurs clients
«Si moi j’adhère à cette nouvelle loi, qui me garantit que mes concurrents vont faire la même chose. Si moi j’impose à mes clients de payer dans les temps, mes concurrents vont contourner la loi et offrir un délai de paiement beaucoup plus souple. Je risque donc de me retrouver sans carnet de commandes», souligne un responsable commercial dans une PME casablancaise. Ainsi, si les entreprises créancières hésiteront à faire respecter le texte au début, c’est essentiellement en raison de la crainte des représailles. On voit mal, en effet, une PME demander avec insistance à une grande surface ou un client majeur d’honorer ses engagements dans les délais. Cette attitude prévaut déjà avec l’Etat dont les rapports commerciaux avec ses prestataires ont été réglementés bien avant. Comme l’a reconnu le ministre du commerce et de l’industrie, lors du débat au sein de la commission parlementaire sur ce projet de loi : «En dépit de l’existence d’une loi qui fixe le délai pour l’Etat à 60 jours, les sociétés n’osent pas lui demander de payer des pénalités». De plus le rapport de force et le degré de dépendance vis-à-vis du client qui continueront à régir les délais de paiement.
Le recours à la justice reste ultime
Le recours à la justice en cas de dépassement des délais de paiement reste assez compliqué. En plus du risque de la dégradation de la relation commerciale qui est automatique, le temps que prend cette option est très long et elle reste très coûteuse. De fait le recours à la justice restera ultime mais non optimal. Ainsi, il est évident que les entreprises victimes des abus s’adresseront à la justice seulement en cas d’impayés et à cette occasion feront valoir les dommages dus selon le nouveau texte sur les délais de paiement.
Ce que dit la loi sur le délai de paiement Article 78.1- Un délai de paiement pour la rémunération des transactions entre commerçants doit être prévu parmi les conditions de paiement que le commerçant concerné est tenu de communiquer avant la conclusion de toute transaction à tout commerçant qui en fait la demande. Lesdites conditions doivent être notifiées par tout moyen prouvant la réception. Les personnes de droit privé délégataires de la gestion d’un service public et les personnes morales de droit public sont soumises, lors de la conclusion des transactions commerciales, aux dispositions du présent chapitre sous réserve des règles et principes qui régissent l’activité du service public qu’elles gèrent. |