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Le regard de l’autre

Certes, la France n’est pas le modèle. Elle n’a même concédé le droit de vote à la femme qu’en 1945. Certes, ce pays est lui aussi aux mains des hommes, et le mot «égalité» s’apparente encore aux calculs savants inventés par eux pour arriver à une «parité». Mais être femme marocaine ne relève pas de la même problématique. S’il existe un décalage flagrant entre celles des régions rurales et celles des villes modernes, la vie des femmes au Maroc me paraît n’être rythmée que par la tutelle, pour ne pas dire la soumission. Je les vois jeunes placées sous l’autorité d’un père, parfois supplé par un frère, pour passer ensuite sous celle d’un mari, et même d’une belle-famille. Que leur reste-t-il alors ? Un métier pour s’épanouir? J’ai vu des époux s’y opposer. Car le rôle de la femme est, si j’ai bien compris, d’être une bonne épouse et une bonne mère. Si toutes les femmes du monde deviennent naturellement des mères, cela ne veut pas dire que leur rôle se réduit à cela : la femme marocaine a, au risque de choquer, elle aussi des ambitions ! Vient aussi la question du droit, pas au sens judiciaire, qui est aux antipodes de mes convictions, mais plutôt le droit «coutumier». Celui qui fait dire à certains de ces tuteurs qu’une jeune fille bien élevée n’a pas le droit de sortir le soir. En tout cas pas au-delà de 21 heures. Ce même droit qui induit l’oeil réprobateur sur une jeune femme maquillée et habillée d’une façon qui passe pour provocante ici, et banale ailleurs. Alors je les vois, même à 25 ans, dissimuler leurs jupes et leurs décolletés sous des vêtements plus conventionnels, prétexter une invitation à passer la nuit chez une amie de « bonne famille», pour se métamorphoser en femme libérée loin du regard inquisiteur. Je les entends aussi ces gens tolérer ma façon d’être, de faire ou de dire, en me répétant que «oui, mais toi tu es Française, ce n’est pas pareil». Comme si les droits, les vertus et les ambitions d’une femme devaient naturellement varier selon les frontières géopolitiques… Si il y a des milieux professionnels (le journalisme ?) où l’on prend plus ou moins la femme au sérieux, si fumer une cigarette, ou simplement s’asseoir dans un café, est acquis dans certains endroits, la partie est encore loin d’être gagnée. Alors venons-en au fin du fin : les «petites bonnes». Nées pauvres, on les rend analphabètes et on les envoie dans des familles -plus ou moins correctes- pour remplir toutes les tâches domestiques qui réduisent à néant leur simple droit à une vie propre.
Sombre, disons noir, est donc «le regard de l’autre» sur la vie de celle que je côtoie au quotidien. Sans doute est-ce parce que ce regard occulte toutes les avancées sociales que les Marocaines connaissent aujourd’hui. Des avancées qui constituent déjà des acquis dans le pays d’où je viens.

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