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Le système a prouvé son échec

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ALM: Quelle lecture faites-vous des résultats du baccalauréat ? Mohamed Ali El Hassani: Si les résultats du baccalauréat sont si catastrophiques c’est que le système de l’enseignement, lui-même, est mauvais. Il faut noter que l’examen du Bac est le couronnement d’un cursus scolaire très long. Les 37% de taux de réussite montrent bien que 63% des élèves ont raté tout le processus. Les deniers publics, un quart du budget général de l’Etat, n’a pas servi à grand-chose. Il faut reconnaître que les examens sont difficiles et les corrections aléatoires. Les programmes scolaires sont trop chargés, ce qui oblige les enseignants à accélérer davantage la cadence en fin d’année. On privilégie donc la quantité à la qualité. Lors de la deuxième session, seule une minorité réussira à passer. Tout le système est à revoir car il a prouvé son échec. Comment expliquez-vous cet échec ? Plusieurs raisons sont à l’origine de cela. Je viens d’aborder la question des programmes. Il y a également le rôle du corps enseignant. Il est complètement démoralisé et parfois même incompétent. Il est malheureux de voir que les enseignants marocains ne bénéficient d’aucune formation continue. Les outils pédagogiques, très importants en matière d’enseignement, font défaut chez bon nombre d’entre eux. En réalité, il y a très peu d’enseignants qui exercent par vocation. C’est plutôt la recherche d’un salaire et d’un emploi stable qui a motivé certains enseignants et professeurs à choisir ce métier. Enfin, le mélange entre l’arabe et le français a porté un coup dur au système. Justement, que pensez-vous de la politique de l’arabisation ? C’est un fiasco total. Les étudiants se retrouvent en déphasage complet avec la réalité économique, celle du marché du travail. Je ne vois pas l’intérêt d’enseigner les matières scientifiques en arabe et dans des ouvrages mal traduits de surcroît. Aujourd’hui, l’anglais règne en maître absolu sur les technologies modernes. Nous devons donc rapidement réagir et rectifier les tirs. Au Maroc, l’école et la Faculté produisent énormément de chômeurs et de désespérés à la merci de n’importe quel courant extrémiste qui leur promet un ailleurs irréel. Le manque d’orientation ne conduit-il pas, aussi, à un gaspillage des compétences? Effectivement, mais encore faut-il que ces compétences existent. Malgré la phraséologie du gouvernement et des colloques, il y a une réalité. Celle du décalage existant entre les exigences économiques et les profils mis sur le marché par nos écoles et nos universités. Les ressources humaines sont la colonne vertébrale de toute nation, car ce sont les hommes et les femmes qui assurent la croissance dans tous les secteurs. Les principaux problèmes du Maroc se trouvent donc au niveau de l’enseignement et de la formation. Il est désolant de voir que nos Facultés n’ont pas de véritables bibliothèques, les TP ne sont pratiquement pas assurés, aucune liaison n’existe entre l’université et l’entreprise, etc. A quel moment de l’histoire, l’enseignement a sombré dans la médiocrité? Tout d’abord, la crise de l’enseignement est universelle. Elle existe en France, aux Etats-Unis et ailleurs. Mais pour ce qui est du Maroc, il faut revenir aux années soixante. A l’époque de la marocanisation et l’arabisation rapide fondées sur des critères purement politiques. Nous connaissons les formations à l’origine de ce dérapage, qui font partie de la majorité parlementaire actuelle. Nous payons aujourd’hui le prix de leurs calculs partisans. Quelles solutions préconisez-vous? Il faut tout d’abord une volonté politique de reconnaître que nous avons échoué. La politique de l’autruche doit cesser définitivement. A mon avis, la Charte de l’éducation et la formation contiennent des éléments positifs, même si le ministère de l’Enseignement supérieur ne la respecte pas. La Charte a fait l’objet d’un consensus. En motivant le corps enseignant, financièrement et professionnellement, la mise à niveau de l’enseignement est possible. En outre, il va falloir introduire les activités manuelles au sein de l’école, notamment en créant des ateliers de menuiserie, de mécanique et d’électronique. La gestion des établissements et l’élaboration des programmes doivent se faire en concertation avec les professionnels et à la lumière des réussites dans d’autres pays. Pour ce qui est de l’épreuve du baccalauréat, le meilleur système est à mon avis le contrôle continu. Il permet d’éviter les fraudes systématiques, le stress des élèves, et même l’oubli lors de l’examen final.

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