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L’effet d’annonce

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ALM : Quelle lecture faites-vous du bilan économique national à fin septembre, publié par la DPEG ? Et peut-on, à la lumière des chiffres avancés projeter ce bilan sur l’exercice 2003 dans sa globalité?
Adnane Debbagh : La projection de ces résultats sur toute l’année se tient dans la mesure où les précédents semestres renseignent à plus d’un titre sur la tendance que suit l’économie nationale. L’activité étant, dans un pays comme le Maroc et de façon générale, supérieure, les chiffres avancés ne peuvent être que confirmés par la suite. Mais ce qui est à souligner, c’est que l’évolution économique n’est comptabilisable que sur une dizaine d’années. Cela est dû à l’effet Yo-Yo que subit le rythme de croissance national, dépendamment des saisons agricoles. Pour 2003, on ne saurait être optimiste à l’égard de l’économie nationale dans son ensemble, mais seulement affirmer que la saison agricole est bonne. Isoler l’agriculture revient à se rendre compte que l’économie n’a pas connu de grand changement. On ne peut donc pas parler de croissance qui, en dehors de l’agriculture, ne dépasse pas 3%. La question sur le retour de la croissance reste suspendue. D’autant que les gains en croissance de ces dernières années sont allés vers l’importation au lieu d’un développement de consommation des produits locaux. A titre indicatif, le recul remarqué du textile et de l’habillement est à imputer à l’orientation du consommateur marocain vers des produits importés. Cela s’explique par la baisse que connaissent les tarifs douaniers et le poids de la contrebande. Deux facteurs auxquels s’ajoute la Chine, un pays longtemps sous-estimé et dont l’étendue du poids économique s’est faite connaître aux dépends des pays émergents comme le Maroc.
Quelles sont les raisons sous-jacentes à cet état des lieux ?
Les secteurs d’activité nationaux peinent à s’industrialiser. A cela, il y a plusieurs facteurs. A commencer par l’absence d’efforts substantiels de la part des industriels eux-mêmes en la matière et d’une vision globale, et à tous les niveaux de décision, sur les secteurs potentiellement porteurs de croissance. Sans parler du retard pris dans la mise à niveau des entreprises et les difficultés d’accès aux fonds qui mettent les PME dans des positions défensives. Il y a lieu de se demander sur le sort réservé aux soixante mesures prônées par la CGEM. Il est par ailleurs normal que nous reculions dans des secteurs où nous n’avons pas de réels atouts. La baisse remarquée des investissements étatiques est, quant à elle, d’autant plus inquiétante que l’essentiel des dépenses va aux charges de fonctionnement.
Quelle est, à votre avis, la démarche à suivre pour améliorer le rendement de l’économie nationale ?
Il est nécessaire d’aider les entreprises marocaines à améliorer leur positionnement sur le marché marocain. Cela, en aidant les entreprises à mieux s’équiper, à intégrer la notion de créativité et à fournir un choix diversifié en matière d’offre. Il fait faire attention au dumping. D’autant que les choix sont déjà faits sur le plan politique et que, dans plus d’un secteur, il existe des contrats-programmes qui ne demandent qu’à être activés. Il faut également faire d’un secteur comme le tourisme une véritable locomotive du pays. Mais des actions concrètes allant dans ce sens se font toujours attendre. On en est toujours à l’effet d’annonce. Sur le terrain, et vu les dispositions du projet de loi de Finances, rien n’a retenu qui soit favorable à l’entreprise. A commencer par la baisse de 44% à 41,5%, annoncée mais non honorée, du taux de l’IGR. Une mesure que nous réclamons depuis plusieurs années et qui n’a pas été prise en compte. L’Etat semble vouloir une mise à niveau qui ne coûte rien.
Qu’en est-il du volet social, toujours aussi stagnant ?
Pour envisager de résoudre les problèmes sociaux du pays, il faut un taux de croissance qui soit de l’ordre de 6 à 7%. A l’incapacité d’atteindre cet objectif, s’ajoute un handicap de taille et qui paralyse le rôle social que doivent jouer les entreprises dans l’effort de solidarité. Les entreprises privées ont épuisé leurs ressources en la matière, vu le poids des impôts qui pèse sur leurs activités et rendements. Pis encore, la croissance des impôts est nettement supérieure à celle de l’économie.
Vu les changements que connaît le secteur bancaire au Maroc, quelles sont les nouvelles missions que ce dernier devrait se donner?
Découvrir d’autres gisements de richesses. Je citerais à titre d’exemple la possibilité de faire participer certaines exploitations agricoles dans cet effort. L’exemple du partenariat entre la Banque Commerciale du Maroc (BCM) et la Caisse Centrale de Garantie dans le cadre du Fonds FOGAM qui a pour objectif de faciliter aux PME-PMI l’accès au crédit bancaire et améliorer les conditions, pour leur permettre de financer leurs programmes de mise à niveau. De telles initiatives participeraient à garantir une meilleure répartition des richesses et davantage d’équilibres social et économique. Une démarche qui ne manquera pas de soulever la question de la sur-liquidité au Maroc et la possibilité de les utiliser dans des fonds de placement. Il faut souligner à cet égard le changement profond que connaît le capitalisme marocain, et dont les premiers auteurs sont la BCM et Wafabank. Cela répond parfaitement à l’impératif de constitution en pôles, qui en devraient pas dépasser le nombre de 3 à 4, auxquels le secteur bancaire, clé de toute croissance économique, doit répondre. Un acte de maturité, aussi bien de la part des responsables de la BCM et de l’ONA qui continue à investir au Maroc, donnant par là l’exemple, et la famille Kettani qui n’a pas cédé à la tentation de céder à des non-marocains, leur préférant un groupe marocain.

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