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L’effroyable chantage

Les 101 prisonniers marocains de Tindouf, libérés récemment par le Polisario grâce à une médiation allemande, devaient arriver dimanche 7 juillet à l’aéroport d’Inezgane, dans le sud du Maroc. Cette fournée compte deux pilotes de chasse, Boukhaima Lehbib Mohamed et Benjeddi Boudjemaâ Mohamed Ahmed ainsi qu’ un sous-lieutenant du nom d’El Amrani Hassan Lakhdar. Le reste étant pour la plupart des soldats et des hommes de troupes. 1261 prisonniers sont toujours retenus là-bas. Il faut noter que c’est la première fois que les séparatistes relâchent des pilotes, le troisième n’a recouvré les lumières de la liberté qu’en s’évadant en 1992.
Comme les précédents, ces ex-détenus arrivent dans leur pays dans un état de santé très dégradé. Aussi bien physique que moral. Les stigmates de leur calvaire des décennies durant dans les geôles algériennes sont visibles à l’oeil nu. Visages décharnés, regards éteints, corps amaigris… Ils ont perdu l’habitude de marcher. Ils traînent le pas. Ils ne sont pas à l’aise dans leur organisme. Ils le portent comme une carcasse très lourde. Ils ne vous regardent pas, ne vous sourient guère. Cela fait longtemps que les étincelles de la vie les ont quittés. En fait, les plus anciens prisonniers du monde, à force de détention abusive et de sévices de toutes sortes, ont fini par perdre les repères et le goût de l’existence. Un drame humain poignant. Ceux qui ont sacrifié leur jeunesse pour que gagne la patrie, pour que le Sahara marocain le reste, n’ont de joie autre que celle des retrouvailles de leurs familles. C’est la seule chose qui fait vibrer leur coeur meurtri. Femmes et enfants qu’ils ont laissés malgré eux, qu’ils n’ont pas vus depuis des lustres. Souvent, même la joie des retrouvailles se transforme vite en choc énorme pour ces rescapés de l’enfer.
Passé les premiers jours, la plupart découvrent que la réalité des leurs, restés au pays, n’a rien à envier aux conditions catastrophiques des bagnes algériens. Des familles entières qui ont vécu pendant toutes ces années dans un extrême dénuement. En un mot, les oubliés de Tindouf rencontrent les exclus du Maroc. Même dans les pires cauchemars, les premiers n’ont jamais envisagé un tel coup du sort, un scénario aussi sombre. Bienvenue dans le monde des “en bas d’en bas“. Secrétaire général de l’Association nationale sociale des fils des martyrs et des disparus du Sahara marocain créée le 13 novembre 1999 , Brahim El Hajjam ne trouve pas les mots justes pour qualifier la situation imposé aussi bien aux ex-détenus qu’à leurs familles. M. El Hajjam, dont le père, Abdallah, est mort en 1978 dans le champ de bataille au Sahara, raconte, la voix nouée par l’émotion, la descente aux enfers de cette catégorie qui, normalement, mérite le respect et la bienveillance des pouvoirs publics. Abandonnées par ceux qui avaient obligation de les prendre en charge et de leur remonter le moral en attendant de retrouver leurs pères emprisonnés, les proches des détenus ont sombré corps et âme dans la misère. Vivant dans des taudis et quémandant parfois pour survivre. Les enfants qui ont arrêté leur scolarité faute de moyens et Les épouses, réduites à broyer du noir, face à un quotidien qui pèse des tonnes. Aucune reconnaissance. Pas le moindre geste de réconfort. Ahurissant. Certaines veuves, dont les maris ont disparu ou sont portés disparus, ont sombré carrément dans la folie. Des cas sociaux, des vies brisées, des destins anéantis. “ Certains militaires ont succombé juste après leur libération à tant de malheur“, signale notre interlocuteur.
Et que dire de la situation des détenus eux-mêmes ? Leur avancement s’est arrêté et leurs soldes gelées dès leur capture par l’ennemi. Ceux qui ont eu jusqu’ici la chance de retrouver la liberté ont fait immédiatement connaissance avec une réalité amère au pays. Exclus de la réinsertion sociale. Des soins médicaux. De la réhabilitation due à un honorable militaire. On dirait des parias dont personne ne veut, enfermés sur eux-mêmes, maintenus dans une camisole de force qui ne dit pas son nom. Que faire ? Languir. Pour ces gens-là, revenir serait mourir. Drôle de retour.

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