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Les chevillards saignent les consommateurs

© D.R

C’est avec une grande inquiétude que les Casablancais constatent le grave recul que connaît de plus en plus l’immolation des bovins et ovins aux abattoirs de la capitale économique.
La nette baisse du volume des viandes qui, a marqué le marché, a provoqué une hausse de prix à tel point que le prix d’un kilo de viande avoisine les 80 dirhams. Quels sont donc les tenants et aboutissants de cet état des lieux? La première explication réside dans le fait que la saison agricole est fructueuse cette année. Par conséquent, les éleveurs de bétail ne conduisent plus leurs bêtes à la vente du moment qu’ils disposent d’assez de fourrage pour les nourrir en attendant une performance meilleure en poids. Cependant, et ce n’est pas nouveau. Il est de coutume que lors des saisons marquées par la sécheresse, les viandes sont beaucoup plus disponibles sur le marché puisque les éleveurs se débarrassent de leur cheptel devant le coût élevé du fourrage. La seconde raison c’est que les chevillards exercent un certain lobbying recourant à des manoeuvres afin de maîtriser le cours des prix comme ils l’entendent.
Les fermiers par exemple, qui disposent des écuries ne conduisent leurs bêtes à la vente que si l’offre est en baisse. Ils sont capables d’attendre la dernière heure chaque jour avant que les camions chargés de leurs bêtes ne fassent irruption. Leurs partenaires les informent par téléphone cellulaire de la situation du marché. Si l’offre est consistante, ils se gardent d’envoyer quoi que ce soit.
Dans le cas contraire, ils envahissent le marché en moins de quelques heures. Pour les chevillards qui ne disposent pas d’écuries, ils font le tour des marchés de bétail s’approvisionnant à leur guise. Mais au lieu de conduire les bêtes directement aux abattoirs, ils les gardent quelques jours dans des écuries de particuliers implantés un peu partout dans les bidonvilles de banlieue ou près des anciens abattoirs, les faisant empiffrer pour gagner quelques kilos de plus à la balance.
Une autre explication réside dans la floraison de l’abattage clandestin, comme le déclare Ahmed El Omari, secrétaire général de l’Association nationale des chevillards à Casablanca. « On n’y va pas par quatre chemins, le fief de l’abattage clandestin c’est Derb Ghallef. Malgré le contrôle que nous effectuons inopinément sur place, le flagrant délit est rare. Car une grande partie de l’abattage clandestin est effectuée par des chevillards professionnels qui sont au courant des moments de descente.
A cela, s’ajoutent les viandes provenant des souks hebdomadaires à proximité de Casablanca comme Khmiss Médiouna, Tlat Bouskoura et sbit Tit Mellil qui sont en réalité des marchés anarchiques. Cela va sans parler de l’immolation recrudescente des femelles» confie M. El Omari. En plus, il faut signaler que nous sommes encore loin de réaliser une autosuffisance en matière de viande, tandis que l’importation est interdite depuis l’an 2000.
Mais pourquoi les chevillards rouspètent-ils puisque ce sont eux les maîtres de la situation ? De source très proche des rouages qui ont quotidiennement lieu aux abattoirs, il ne s’agit que de simulations.
En réalité, les chevillards préservent toujours leur marge de bénéfice, et ne courent aucun risque, mais ils ne le reconnaissent jamais, même pas entre eux. Chacun sait ce que l’autre a fait entrer au marché, mais aucun ne dévoile le poids réel résultant de ses bêtes conduits à l’immolation. La même source précise que c’est la nostalgie aux anciens abattoirs qui se trouve derrière l’éternel coup de gueule des chevillards. Avec le laisser-aller d’antan, et la corruption courante, les chevillards contournaient toutes les procédures de contrôle, et ne déclaraient jamais le nombre exact des têtes qu’ils conduisaient à l’immolation.
Les bêtes malades étaient consommables même après le passage du vétérinaire qui ne faisait que « gratter » la partie atteinte autorisant la consommation du reste.
Or dans les nouveaux abattoirs, le contrôle est efficace. Toute bête qui s’avère infectée ne serait-ce que partiellement est immédiatement destinée à l’incinérateur. Viennent enfin les redevances payées par les chevillards et sur lesquelles l’administration des nouveaux abattoirs est très stricte. Ce qui n’était pas le cas autrefois, lorsque les chevillards passaient outre le payement avec la connivence de l’ancien bureau qui contrôlait les arrivages, du temps où le chevillard déclarait quatre bêtes au lieu de la douzaine qu’il faisait entrer.
Le secteur a besoin d’une bonne restructuration dans la perspective d’un avenir dominé par la mondialisation et l’esprit de concurrence. L’on a déjà commencé à réfléchir sur une fixation des prix des viandes pour protéger les petits bouchers et le consommateur. Il se murmure en effet que le prix de la viande des ovins sera fixé à 50 dirhams tandis que celle des bovins sera tarifée à 55 dirhams le kilo au sein des abattoirs.

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