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Les composantes de la ville

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ALM : Les incidents du quartier Bachkou incitent à la révision de l’arsenal juridique mis en place pour combattre l’habitat insalubre. Qu’en dites-vous?
Abdelkadere Kaioua : Je crois que l’arsenal juridique tel qu’il est préparé ne peut régler les problèmes liés à l’habitat insalubre sans qu’il y ait des solutions alternatives à la population. Il y a des textes de lois, mais encore faut-il qu’ils soient appliqués dans des délais convenables et dans le cadre d’une action de synergie allant dans le sens de l’unité de la ville. Parmi les problèmes dont souffre la bonne gouvernance de la ville, il y a lieu d’évoquer la lenteur des procédures judiciaires. Légalement, tout recours à la justice, dans les affaires liées à la prolifération de l’habitat insalubre se faisant dans la transgression de la loi, doit se faire, en premier lieu, par les présidents des Communes concernées. La deuxième étape porte sur le temps imparti à ce genre de dossier, en ce qui concerne la durée de la procédure judiciaire. Or, celle-ci se caractérise par une lourdeur manifeste et nuisible. Le second problème se rapportant à ce genre de dossier a trait à la nature des indemnités prescrites par les textes de loi en vigueur, lesquelles sont dérisoires et ne dépassent pas, dans certains cas, les montants de 100 à 1000 dirhams.
Mais, y a-t-il une stratégie de résorption des bidonvilles à Casablanca ?
Il faut reconnaître que nous sommes en train de régler les problèmes en aval, c’est-à-dire à la fin du mal. Or, il est impératif d’analyser les raisons qui ont poussé à la prolifération de ces problèmes et qui sont à leurs origines. Jusqu’à présent, il n’y a pas de travail en profondeur, dans le sens de la mise en place d’une stratégie de gestion de la ville, en tant qu’unité, un espace complexe et un tout indivisible. Car, en fin de compte, l’habitat est une composante de la ville. Cette ville qui se développe de manière anarchique et souvent dans le sens opposé des canaux de planification et de gestion. Les problèmes sont nombreux et ne sauraient se réduire à une question de documents, lesquels ne sont appliqués. En d’autres termes, c’est dans la manière de gérer la ville, qu’il faudrait chercher les réponses aux besoins et attentes de la population, et ce alors que la gouvernance de nos villes brille par sa médiocrité. A cela s’ajoute la question des outils qui demeurent inadéquats, notamment au niveau de l’habitat, de l’urbanisme et de la synergie entre les différents domaines et départements. Bref, les problèmes sont graves.
Qu’en est-il des solutions?
Au niveau du ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Environnement et de l’Eau, nous avons essayé de créer des cellules de coordinations pour répondre aux problèmes de l’équipement. Au cours de l’année 1989/1990, environ 1500 projets devraient être finalisés, notamment en termes d’équipements et de construction de maisons de jeunes, d’écoles, de bibliothèques, etc…. Finalement, moins de 20 % seulement de ces projets ont pu être réalisés, faute de coordination entre la planification et la budgétisation. Depuis lors, c’est-à-dire depuis plus d’une décennie, 80 % des domaines fonciers précités sont bloqués.
Qu’a fait le gouvernement pour régler ce problème ?
Durant son mandat, Abderrahman Youssoufi avait adressé deux circulaires aux autorités concernées. Normalement, tous les terrains concernant les 80 % de projets non réalisés devraient être rendus à leurs propriétaires, ou faisant objet d’indemnisation. L’approche retenue consistait en la mise en place de comités de négociation, présidés pas les gouverneurs des différentes préfectures de la Wilaya et auxquels participent des investisseurs privés et les représentants des ministères concernés, à savoir ceux de l’Intérieur, du ministère de l’Education nationale, de la Santé et de la Jeunesse et des Sports. Trois idées ont émergé des travaux de ces comités : d’abord, on a demandé à ces ministères de faire le bilan de leurs besoins réels en biens fonciers. Après trois mois d’études, il s’est avéré qu’il y avait un excédent de 50 % des terrains demandés en 1989 –1990 ; ce qui ramène à 800 hectares, la totalité des espaces gagnés, lesquels sont d’ailleurs bien situés. Ensuite, nous avons amorcé un débat sur la nature des projets dont la ville a besoin. A titre d’exemple, Casablanca a –t-elle encore besoin de ces édifices qui exigent de vastes lots de terrains, comme ces écoles disposant de plusieurs hectares? Finalement, nous avons opté pour une adaptabilité de nos projets aux besoins et attentes de la population et adopté une démarche de proximité basée sur des études de « cas par cas ». En janvier 2001, nous étions prêts à passer à l’action.
Comment a été réglée la question des biens fonciers ?
La proposition du Premier ministre, à l’époque, consistait à opter pour l’une des options suivantes : soit opérer un échange de terrains avec les propriétaires précités, ce qui était impossible vu la pénurie en termes de biens fonciers, soit les indemniser aux prix du marché en vigueur; et ce, alors que les moyens financiers faisaient défaut, soit entamer des négociations en vue de trouver une issue intelligente, en inscrivant cette question dans le cadre d’une politique d’urbanisation globale. Pour l’instant, et grâce à une nouvelle approche de proximité caractérisée par la souplesse et la flexibilité, nous sommes parvenus à faire gagner à la ville quelque 48 hectares et avons réalisé environ 170 projets d ‘équipement dont 15 maisons de jeunes et des centres de santé et de secours.
Est-ce que vous ne vous sentez pas viser par le dernier discours Royal, notamment en ce qui concerne la responsabilité relative à la prolifération des bidonvilles ?
Tout le monde est interpellé par le discours royal. Et les partis politiques et le gouvernement et les responsables locaux. En ce qui nous concerne, il faut dire que ce qui faisait défaut dans le passé, c’était la visibilité. Pour l’instant, il y a lieu d’être confiant en l’avenir. Nous avons accompli un énorme travail de clarification, à travers la mise en place d’un nouveau plan d’aménagement du territoire national, et nous nous penchons sur les dernières retouches concernant les projets d’aménagements régionaux. Pour conclure, il y a lieu de signaler que la réussite de tout projet de développement et de toute bonne gouvernance est tributaire de trois facteurs : l’existence d’une visibilité, l’implication de tous les partenaires concernés et la concertation constante avec eux.

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