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Les révélations de Mohamed Bouzoubaâ

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Mohamed Bouzoubaâ affronte-t-il une fronde des magistrats sur fond d’un bras de fer qui ne dit pas son nom ? Le ministre USFP de la Justice est-il allé trop loin dans sa volonté de réforme de l’appareil judiciaire ? Une chose est sûre : l’affaire Erramach, du nom de ce trafiquant de drogue du nord du pays, où sont impliqués des hauts cadres de la sécurité et des juges en poste dans le nord du pays , n’en finit pas de provoquer des dégâts collatéraux au coeur de l’appareil de l’État. Des magistrats mis au banc des accusés, c’est du jamais vu dans les annales. C’est la première fois en effet que des hommes qui rendent la justice risquent de la subir. Une révolution ! D’où la levée de boucliers. À la mesure du choc suscité par l’inculpation des juges dans le cadre de ce scandale, celle-ci a commencé la rédaction et la publication d’une lettre adressée à S.M le Roi où les auteurs, dont Jâfar Hassoune, un membre du Conseil supérieur de la magistrature, contestent les poursuites engagées contre leurs collègues impliqués dans le dossier Erramach par la Cour spéciale de justice (CSJ), arguant en substance que la procédure adoptée porte atteinte à une espèce “d’immunité judiciaire“ qui doit bénéficier au juge, lequel devrait être poursuivi par la Chambre criminelle près la Cour suprême et non comme cela a été fait par la CSJ Cette lettre de protestation aurait été signée par plus de 1000 juges. Mais selon le ministre de tutelle, derrière cette pétition se trouvent seulement Jaâfar Hassoune et Abdelmoula Kharchache qui font par ailleurs partie de l’Association marocaine de défense de l’indépendance de la justice. En sa qualité de secrétaire général de cette association, M. Kharchache a en plus publié dans l’hebdomadaire arabophone Al Ayam du 4 au 10 décembre une tribune libre virulente sur la réforme de la justice et où il révèle que Erramach aurait financé la campagne électorale de certains membres-sans citer de noms- du Conseil supérieur de la magistrature. Ces accusations sont jugées si graves que l’auteur fut convoqué en tant que témoin dans le cadre de l’affaire Erramach par le procureur général et le juge d’instruction de la Cour spéciale de Justice pour apporter la preuve de ses dires. La réaction du Conseil supérieur de la magistrature, dont le président est le Souverain, ne s’est pas faite attendre. Suspension en guise de mesure disciplinaire des M.M Hassoune et de Kharchache qui selon Mohamed Bouzoubaâ ont porté atteinte par leurs agissements à la crédibilité du Conseil supérieur de la magistrature. En plus, les deux hommes ont enfreint à ses yeux le règlement en vigueur en se constituant en association. Chose que la loi ne permet pas aux juges. Il n’en fallait pas plus pour que la polémique enfle. Celle-ci prend du coup l’allure d’une confrontation entre le ministre et le corps des magistrats. Cette nouvelle affaire a presque relégué au second plan les péripéties du procès de Mounir Erramach et des autres prévenus. Nous sommes maintenant en présence du procès d’une certaine justice. Là est le fond de la question. “ Traduire des juges devant la justice pour corruption, explique un avocat, a ouvert une grande brèche en ce sens où le corps des juges ne serait plus dorénavant à l’abri de poursuites judiciaires. En se braquant, les magistrats ou le lobby qui contrôle l’appareil judiciaire défendent leurs positions.“ Pour certains, il s’agirait d’une réaction de type corporatiste qui tend à défendre moins les juges incriminés dans l’affaire Erramach en arguant d’un quelconque problème de procédure que de mobiliser un corps qui veut rester au-dessus de tout soupçon malgré les critiques plusieurs fois formulées à l’encontre des juges et de l’appareil judiciaire. Pour d’autres, la fronde de Hassoune et de ses collègues traduirait la dénonciation d’une certaine politique qui veut réduire la réforme de la justice à la punition des juges et à leur incarcération. Connu pour son courage réformateur et sa maîtrise des arcanes des tribunaux, Mohamed Bouzoubaâ ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, il s’agit plutôt d’une campagne de contestation menée par une minorité qui désire faire capoter la réforme de la justice qu’il a initiée par petites touches depuis son arrivée à la tête de ce département très sensible. Son prédécesseur, Omar Azzimane, a eu à faire face à la même contestation lorsqu’il a présenté lors d’une conférence de presse en 1998 les magistrats comme une profession minée par la corruption. C’est Driss Basri qui depuis l’enceinte du Parlement avait présenté ses excuses aux magistrats en louant leur dévouement et leurs sens des responsabilités. Mohamed Bouzoubaâ, lui, ira-t-il jusqu’au bout d’une bataille dont les enjeux dépassent une simple querelle judiciaire ?

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